"Si vous êtes intéressés par le stoner metal groovy et le hard rock progressif, vous connaissez déjà Truckfighters". Traduction littérale de l’introduction de la bio du groupe accompagnant la sortie du cinquième album de la formation. Je l’avoue, je ne connais pas grand-chose du stoner outre le fait que ce sous-genre existe. C’est donc avec curiosité que j’ai abordé ce "V".

Pour ce qui est de la partie "progressif" de la citation, c’est tout à fait vrai. L’album s'ouvre sur une pièce planante, à la dynamique envoûtante, le tout sur plus de 8 minutes! Les guitares se gonflent d’énergie sur le morceau suivant, "Hawkshaw", combinant cette fois-ci les moments planants du début avec une approche encore plus éclectique.

La production, un peu "sale", propre au stoner (fallait le faire quand même, sale et propre dans la même phrase) sied parfaitement au style du groupe. La basse, à laquelle l’on a ajouté une légère distorsion, complète à merveille le son du groupe. Le chant d’Oskar "Ozo" Cedermalm est aussi aérien. Le mélange entre l’agressivité brute et Cedermalm sur "The 1" en fait un produit fini assez unique. Tel un mantra, l’introduction de "Gehena" étourdissante et envoûtante vous en mettra plein les oreilles. Par la suite, retour de l’atmosphère planante, gracieuseté de Cedermalm à nouveau, combinée à l’impression de cacophonie produite par les autres membres du groupe. Cet amalgame toutefois maîtrisé avec soin par Truckfighters permet un résultat troublant certes, mais dont on a résolument envie de poursuivre la découverte.

Unique direz-vous ? Je ne peux que vous l’accorder. Clairement Truckfighters veut sortir du lot et proposer une musique à son image, sans possible comparaison. "Pour nous c’est définitivement l’album de l’année" dit en riant Dango, le guitariste du groupe dans la bio du groupe. Je n’irais pas jusqu’à lui donner raison, mais je peux tout de même saluer l’effort d’originalité sur cet album fort chargé. Si mon expérience du stoner hard rock progressif devait ne devait tenir qu’à l’écoute de ce "V" fort inspirant, je n’en serais que réjoui.

L’année 2014 commence bien, puisque Truckfighters sortent leur 4ème album en ce mois de Janvier. Le trio a mis tellement de temps à l’enregistrer (3 ans), qu’ils n’ont finalement pu finaliser que 7 titres. Pas étonnant, ceci dit, vu le rythme auquel ils tournent (près de 100 dates en 2013). Le titre de l’album exprime justement la place qu’a occupée l’écriture de "Universe" dans la vie du groupe, qui malgré tous leurs concerts n’a pensé qu’à ce projet depuis fin 2011.

L’attente en valait la peine, vu la qualité de ce nouvel album. Tous les éléments chers au trio y sont présents, que ce soit de gros riffs super efficaces qui font hocher de la tête ("Dream Sale") ou des ambiances hypnotiques ("Get Lifted"). "Universe" est tantôt péchu ("Mindcontrol"), tantôt progressif voire épique ("Mastondont"), et toujours super efficace. Le single ("Prophet"), sorti en Décembre 2013, s’avère finalement n’être qu’une diversion aux couleurs presque rock indé, tant il se détache du reste de ce 4ème album. Les Truckfighters ont bel et bien gardé leur identité, tout en tant montrant avec ce single une autre facette de leur personnalité, beaucoup moins heavy.

Du coup, "Universe" sonne vraiment comme un album de Truckfighters. La production est assez naturelle, et comme toujours Oskar Cedermalm (a.k.a "Ozo" - basse et chant) et Niklas Källgren (a.k.a "Dango" - guitare) mettent plein de fuzz, avec cette fois-ci un peu plus de sons clairs ou crunchy que sur les albums précédents. Comme d’habitude avec Truckfighters, la batterie est à la fois percutante et groovy, avec un son très naturel. Sauf que dans le cas présent elle a visiblement été enregistrée par Andre Kvarnström (a.k.a "Pezo") et son prédécesseur Oscar Johansson (a.k.a "Poncho"), qui a quitté le groupe en 2012. Le chant reste lui-aussi dans la lignée de ce qui a forgé le son de Truckfighters depuis leurs débuts. La voix aérienne d’Ozo ajoute de la profondeur et une couche supplémentaire d’émotion au bulldozer instrumental qui rase tout sur son passage. Côté texte, il est question d’affirmation de soi-même, de liberté et de non-conformisme : des thèmes classiques dans le rock, et pourtant toujours d’une grande pertinence.

En bref, "Universe" satisfera sans aucun doute les fans de Truckfighters autant que les amateurs d’un stoner rock plein de fuzz, qui tour à tour file tout droit ou au contraire s’aventure dans des ambiances plus psychédéliques. Les Suédois comptent donc plus que jamais parmi les gardiens de ce desert rock "canal historique", dont les Queens Of The Stone Age s’éloignent de plus en plus à chaque album.

"Universe" donne très envie de voir ce que les 7 nouveaux titres ont vraiment dans le ventre pour de vrai, en concert. D’autant plus que, contrairement à tous ces groupes qui optent pour une certaine facilité en studio en multipliant les pistes de guitare ou de chant, les Truckfighters, eux, écrivent des morceaux qui sonnent sur album et qu’ils savent jouer sur scène (ça paraît être une évidence, mais ce n’est pas toujours le cas). Truckfighters est d’ailleurs un très bon groupe en live, capable de livrer des performances parfois musclées ou carrément planantes selon leur humeur. Et ça tombe bien: le groupe se produira au Divan du Monde à Paris le 28 Février. Alors marquez vos agendas !