"Where The Gloom Becomes Sound"
Note : 15/20
Tribulation a toujours été un groupe étrange et mouvant, pas un de ses albums ne ressemble à l'autre et "Where The Gloom Becomes Sound" n'échappe pas à la règle. Si les racines gothiques du groupe faisaient partie des éléments qui vous hérissaient le poil, vous êtes mal barrés parce qu'elles ont une place dominante sur ce nouvel album.
Partis d'un death old school sur "Putrid Rebirth" et "The Horror", Tribulation a évolué vers un mélange black, death, thrash aux forts relents de Watain / Dissection sur "The Formulas Of Death" pour y intégrer ensuite des influences gothiques sur "The Children Of The Night" avec par conséquent une plus grande place laissée à la mélodie. Le groupe en avait profité sur "Down Below" pour pousser encore un peu plus loin ces sonorités gothiques et on se retrouve avec "Where The Gloom Becomes Sound" sur lequel il ne reste quasiment plus qu'elles en dehors de la voix toujours typée black metal. "In Remembrance" ouvre d'ailleurs l'album avec quelques notes d'orgue qui installent une ambiance funèbre et qui prend des allures de rock gothique à l'ancienne à l'arrivée des guitares. Les arpèges que le groupe délivre sur ce premier morceau gardent encore cette dissonance marquée du sceau du black metal mais le tempo, les mélodies et les ambiances évoquent les monstres du rock gothique. L'évolution ne plaira pas à tout le monde mais elle s'est faite progressivement et il était évident que le groupe allait encore appuyer là-dessus à l'écoute du précédent album. Si on sentait l'héritage du death old school bien gras sur les débuts, et de Dissection et Watain par la suite, c'est maintenant celui de The Sisters Of Mercy ou de Fields Of The Nephilim que l'on sent. Pour autant, Tribulation garde une patte grâce aux dernières traces de black metal qu'il reste dans sa musique et qui lui permettent de proposer des ambiances plus sombres et plus malsaines tout en gardant une puissance que vous ne trouverez jamais dans le rock gothique. Malgré ça, le refrain très catchy de ce premier morceau va clairement en défriser plus d'un et Tribulation risque de s'aliéner la frange la plus extrême de son public, enfin si celle-ci n'a pas déjà décampé avec les deux précédents albums.
L'évolution plus accrocheuse s'est elle aussi faite sentir depuis quelques temps et ne sera pas une surprise pour grand monde, d'autant que les morceaux et donc les albums avaient considérablement réduit leur durée depuis "The Children Of The Night". Tribulation annonçait donc déjà sa volonté de créer une musique plus compacte, plus direct et plus catchy. En tout cas, le groupe prouve depuis ses débuts qu'il n'en fait qu'à sa tête et fait ce qu'il veut, une démarche totalement respectable qui en plus s'accompagne d'albums de qualité. Parce que oui, "Where The Gloom Becomes Sound" est bon et si le gothique ne vous fait pas vomir par les oreilles, vous allez avoir droit à dix morceaux sombres, accrocheurs et relativement énergiques. C'est le terme qui convient le mieux puisque la brutalité a évidemment disparu et que seule la voix black peut être qualifiée d'extrême maintenant. Toujours est-il que les ambiances développées sont assez glauques et funèbres et que les mélodies sont paradoxalement accrocheuses. Et je dis paradoxalement parce que même si le but d'une mélodie est évidemment d'être accrocheuse, vous avouerez qu'il est quand même rare de taper du pied à un enterrement ! "Daughter Of The Djinn" va même jusqu'à nous sortir des arpèges dissonants qui rappellent un certain Deathspell Omega, le tout monté sur un tempo très rock. La deuxième moitié de l'album laisse d'ailleurs un peu plus de place aux sonorités rock et vaguement black dans les riffs et crée un lien un peu plus fort avec le passé de Tribulation, le refrain de "Funeral Pyre" pourrait même faire penser au "Reinkaos" de Dissection. Le tracklisting donne l'impression d'un album coupé en deux qui met en avant les sonorités gothiques sur sa première moitié et qui redevient un poil plus dur dans sa deuxième moitié. C'est probablement volontaire et cela laisse l'impression d'un groupe à deux visages qui montre l'un puis l'autre.
Un nouvel album sur lequel Tribulation se rapproche encore un peu plus du rock gothique tout en gardant une légère trace de son héritage black metal. "Where The Gloom Becomes Sound" porte en tout cas bien son nom et réussit à distiller une ambiance sombre, mélancolique voire funèbre malgré des mélodies assez accrocheuses.
"Nightbound"
Note : 17/20
Dans le metal, les groupes qui savent innover et habilement mêler plusieurs styles sont ceux
qui se font le plus remarquer à l’heure où la scène est saturée. Tribulation en est le parfait
exemple. Créé en Suède en 2001 sous le nom de Hazard, Jonathan Hultén et Adam
Zaars (guitares) jouent un thrash metal plutôt traditionnel. Ils sont rejoints en 2003 par
Johannes Andersson (basse), et changent de nom ainsi que de style en 2004. C’est ainsi
que naît Tribulation, dont les compositions passent du thrash au black / death progressif,
avec la voix de Johannes. Le groupe sort alors une démo avec un batteur qui part
rapidement, puis un EP et enfin son premier album en 2009. Très bien accueilli, le groupe
retourne à la composition après quelques concerts et un changement de batteur, pour sortir
le deuxième album en 2013, puis enchaîner avec le troisième en 2015. Les tournées sont de
plus en plus nombreuses, mais le groupe change à nouveau de batteur pour Oscar
Leander (ex- Deathstars), et ils enregistrent ensemble "Down Below". Des rythmiques
sombres mais pas trop, un visuel sobre mais qui marque… Le groupe est prêt à s’imposer à
nouveau.
"The Lament" ouvre l’album avec un riff clair en guise d’introduction qui nous mène à une
rythmique enjouée en légère. Cependant, l’ambiance est plus angoissante, plus sombre, et
le chant de Johannes nous confirmera cette direction. Le mix met la basse en avant, mais
tous les instrument trouvent parfaitement leur place dans cette mixture sombre et qui
mélange des influences diverses pour convaincre. "Nightbound" insiste encore plus sur le
contraste entre le scream rocailleux de Johannes et les influences blues voire jazz de la
composition, le tout sous une saturation emplie de noirceur. La créativité des musiciens
s’exprime grâce à leurs nombreuses parties lead et solos que les guitaristes se plaisent
visiblement à aligner. Plus sombre encore, "Lady Death" propose une rythmique saccadée
avec une batterie martiale qui accompagne chaque harmonique, offrant une impression de
dureté assumée par les quatre Suédois.
C’est "Subterranea" qui prendra la suite des opérations, avec une introduction planante et
inquiétante à la fois, rappelant les boîtes à musique de nos grands-parents. La composition
est riche, et les influences metal progressif nombreuses, il est aisé de se surprendre à
décortiquer les riffs si l’on est musicien, de même que l’ambiance particulière qui entoure ce
titre. Plus calme, "Purgatorio" est un réquiem exclusivement instrumental qui propose des riffs
en son clair inquiétants, et qui nous permettent un petit moment de répit avant la
psychédélique "Cries From The Underworld". Ce titre aux sonorités gothiques et enjouées en
même temps est rythmée par les hurlements de Johannes, ainsi que par les riffs un peu
fous du duo formé par Jonathan et Adam. Oscar, quant à lui, s’axera sur une technicité
pour aider les musiciens à placer toutes leurs harmoniques dont les sons permettent à notre
esprit de s’envoler.
On redémarre avec "Lacrimosa", une composition plus violente que les autres. Plus rapides,
plus sombres et soutenus par une double pédale infatigable, les riffs des Suédois
s’enflamment comme une traînée de poudre avant de s’éteindre grâce à une rythmique
atmosphérique pour aboutir à un solo épique, mais toujours dans leur univers
cauchemardesque. Le groupe reprend l’aspect berceuse avec le début de "The World", avec
seulement le chant qui vient troubler les claviers et les riffs répétitifs et progressifs, mais
plutôt calmes. Probablement l’un des titres les plus accessibles. On repart sur "Here Be
Dragons", à l’approche plus martiale et brute, mais qui garde quand même son lot
d’harmoniques pour permettre au groupe d’enchaîner les différentes parties. Après une
accélération finale, le groupe entame "Come, Become, To Be". Cette dernière composition
laisse une place non négligeable à la batterie, mais la virtuosité des musiciens prendra à
nouveau le dessus sur leur sobriété temporaire. Les riffs sont hypnotiques, et la voix de
Johannes nous guide lentement à travers leurs filets pour nous piéger.
L’univers onirique de Tribulation prend forme dès les premières notes, et se développe tout
au long de cet album. "Down Below", bien que plus édulcoré par moments, rappela un
Ghost des débuts en plus sombre. Le groupe a bien évolué depuis ses débuts. La paire de
guitaristes profite d’une alchimie remarquable pour poser des riffs démentiels sur une
rythmique millimétrée, et c’est ce qui nous séduit.
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