Les nouvelles sorties d'albums des supergroupes comptant en leur sein Mike Patton, on les attend à chaque fois avec impatience. Alors quand on nous annonce un nouveau Tomahawk, autant dire qu'on est carrément fébrile ! Car le quartet n'avait pas sorti la hache de guerre depuis 2013 avec l’opus "Oddfellows", et le temps passant, on imaginait que les Californiens avaient signé la fin de l'aventure avec cet album. Après un "Anonymous" bien différent des premiers opus, puisqu'il rendait hommage à la culture amérindienne, "Oddfellows", lui, reprenait le chemin des origines de Tomahawk pour notre plus grand plaisir.
Cependant, et ce malgré quelques titres de très bonne facture comme "White Hats / Black Hats", "Stone Letter" ou encore "South Paw", l'ensemble ne parvenait tout de même pas à nous faire oublier les excellents albums Tomahawk et Mit Gas. Le poids des années semblait être passé par là pour déboucher sur un album un peu moins extravagant qu’aux débuts du groupe. Alors forcément, c'est avec une légère anxiété que l'on aborde ce nouvel album.
Bonne nouvelle Tomahawk lovers, avec "Tonic Immobility" le groupe californien signe son grand retour !
Difficile de classer Tomahawk dont les compositions sont particulières et inattendues, sans compter sur la présence d'un Mike Patton qui ne fait rien comme les autres. Au mieux, on pourrait parler d'un imbroglio de bizarreries sur fond de punkcore, de rock expérimental ou encore de metal alternatif mené par un prodige vocal.
Dès les premières notes de "SHHH!", c'est bien cet ADN insolite qui est au rendez-vous !
L'intro et les couplets avec la petite mélodie jouée à cordes pincées, l'effet de réverbe sur la voix claire en back up, le corps du morceau à base de riffs rock punkcore et de la voix criée de Patton… Tout y est.
Dans la lignée des morceaux cultes tels que "Rape This Day", "Flashback" ou encore "God Hates A Coward", les titres "SHHH!", "Valentine Shine", "Predators" et "Scavengers" utilisent une dynamique que l'on connaît bien chez le quartet : des couplets assez "nus" soutenus par des mélodies de guitare lead aux cordes pincées et un jeu de batterie hyper smooth, tout en toucher (jeu de cerclage, coups caressants sur les cymbales) qui créent cette petite ambiance tendue et inquiétante que l'on aime tant chez Tomahawk. Contrebalancés par des refrains frénétiques à grands coups de punkcore sur lesquels Mike Patton s'époumone comme un enragé.
Avec chacun leur particularité, "SHHH!", par exemple, et ses accents délirants de western spaghetti, tandis que "Predators" et "Scavengers" sonne délicieusement comme un bon vieux Mr Bungle grâce à la ligne de chant particulière et dissonante dont seul Mike Patton a le secret.
Dans un style plus "monocorde" et "narratif" (c'est décidément incroyable cette capacité qu'a Mike Patton à créer des personnages), on retrouve les titres "Doomsday Fatigue" ou "Business Casual" dans le plus pur esprit de "Rotgut" ("Mit Gas") avec des faux airs de "Vanity Fair" ("California", Mr Bungle), ou encore "Tatoo Zero" aussi lent et lourd qu'un "Aktion F1-413" (Mit Gas) ponctués des cris frénétiques et dédoublés d'un Patton en grande forme.
Et comme Tomahawk ne serait pas Tomahawk sans ses quelques incartades déconcertantes, l'interlude "Eureka", très court et pourtant si génial, nous régale les oreilles ! Musicalement vaporeux et mystérieux à souhait, le morceau est porté par la voix claire presque fantomatique de Patton qui retrouve à chaque fois son grain juvénile quand il passe dans ce registre. "Eureka" fait écho à l'ambiance amérindienne de l'album "Anonymous" et apporte une délicieuse touche de calme évanescent.
Enfin, s'il faut citer un OVNI, c'est "Recoil" qui remplit ce rôle. A l'instar des titres inclassables comme "Disastre Naturale" ou "Captain Minight", "Recoil" est un mélange de metal et de... pur reggae ! Avec cette combinaison farfelue, il aurait très bien pu figurer dans le premier album éponyme de Mr Bungle.
"Tonic Immobility" tient donc ses promesses grâces à des compositions punchy, cinématographiques et toujours surprenantes. L'alchimie ne serait pas ce qu'elle est sans le talent d'interprétation de Mike Patton qui éblouit encore et toujours. Depuis quelques années, il se consacre à des projets plutôt "calmes" comme la composition de musiques de films (Beyond The Pines), ou encore Tetema, Mondo Cane... Son passage par le projet Dead Cross et plus récemment la réédition de l'EP "The Ragging Wrath Of The Easter Bunny" ont sûrement réveillé l'énergie créative de ce chanteur décidément pas comme les autres. Cris frénétiques, voix de crooner, tessiture fragile et délicate, phrasé compulsif... toute la gamme de chants que l'on adore chez lui y passe.
Pour résumer, "Tonic Immobility" est comme son nom l'indique un album qui oscille entre passages faussement calmes dus à la tension permanente et pourtant presque impalpable, et passages rock punkcore frétillants et convulsifs.
Et comme le groupe n'est pas dénué d'humour, à la fin de l'album Mike Patton énonce ces mots "We are Tomahawk and we approve this message !". Je terminerai donc cette chronique en le paraphrasant "We are Tomahawk Fans and we approve this album !".
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