Pour son sixième album, on retrouve le groupe Flight Of The Sleipnir avec deux nouveaux membres, à savoir le bassiste Dave Borrusch et le guitariste Justin Siegler. Ils se joignent donc au noyau déjà existant composé de David Csicsely et Clayton Cushman. A eux quatre, ces Américains poursuivent sur la lancée de "V." sorti en 2014.

On le sait, le groupe fait dans l'originalité, alliant plusieurs styles entre eux comme le stoner et le doom avec des inspirations folk et black metal. Que l'on aime ce mélange assez particulier ou non, il faut admettre qu'en général cela est bien fait, mais voilà, ce n'est pas vraiment le cas sur ce dernier opus. En effet, il n'y a aucune unité entre les cinq titres qui composent ce "Skadi", qui n'ont pas beaucoup de rapport entre eux et qui n'ont rien à faire ensemble. On a ainsi une impression de déstructuration avec un "Falcon White" progressif, un "Earthen Shroud" qui est une ballade simpliste et sans grand intérêt, folk et planante avec du chant clair, ou encore un "Awaken" dans un doom aérien et langoureux. "Tenenbrous", quant à lui, se veut bien plus stoner avec une atmosphère très sombre et avec des passages plus orientés black metal. Dommage qu'il traîne en longueur et qu'il finisse par tourner en rond. A la suite de ces quatre morceaux juxtaposés, n’ayant donc rien à voir entre eux, et pas forcément très accrocheurs, on trouve un titre instrumental de cinq minutes, "Falcon White", qui est pour ainsi dire inutile.

Cet album est donc très décevant avec un patchwork d'éléments divers qui ne collent pas entre eux. Le résultat n'est pas cohérent et pas du tout abouti, avec un gros manque de travail sur les compositions.

La divine monture d’Odin réapparait en ces temps de trouble et de doutes humains pour annoncer, à nous, guerriers mortels, la venue du cinquième album du duo américain. "V." est la première sortie pour The Flight Of Sleipnir sur Napalm Records, un an seulement après "Saga", sorti sur Eyes Like Snow. Le grand dieu germain envoie de nouveau ses messagers et sur son dos, le cheval à huit pattes transporte un nouveau trésor du Valhalla. Il nous offre une musique majestueuse et mystérieuse, un metal épique aux consonances doom / stoner, folk et black metal. Différents de ses prédécesseurs car constitué uniquement de longues compositions étirées et brutes. La production l’est également, brute, et étouffée. Les prouesses techniques ne sont pas ce qui nous intéresse de toute manière, le groupe cherchant avant tout un son naturel et intemporel, porteur d’émotions.

David Csicsely et Clayton Cushman, binôme de musiciens aguerris, se partagent les instruments, à la fois chanteur, guitariste et batteur pour le premier et chanteur, guitariste, bassiste et claviériste pour le second, sont au service d’une vision artistique commune empreinte de mythologie et de nostalgie. Coincé entre un metal épique et atmosphérique, teinté de de folk et de black, montrant ainsi des accointances avec Bathory (période viking cela s’entend), Agalloch, ou, plus proches de nous, des bretons de Stangala, et un metal lent et foncièrement doom, avec un son de guitare bourbeux, ces chansons développent des climats grandioses et fragiles. Ces sept compositions sont autant d’odes à la beauté sauvage des forêts et fjords du Nord de l’Europe, une musique inspirée des sagas nordiques.

Les compos dégagent une marque et un style unique. Les morceaux ne sont pas ou doom, ou black. C’est une véritable alchimie sonore qui nous est offerte, les riffs typés black sont recouverts d’une couche doom / folk bien épaisse, et les cris déchirants succèdent aux leads de grattes mystiques et aux chants païens. L’album, s’il est divisé en sept pistes, est à prendre comme une seule entité, comme les chapitres d’un seul roman. Nous pouvons tout de même évoquer les passages les plus marquants. Par exemple, la magnifique intro du cinquième mouvement, "Gullveig", emporte notre âme sur des rivages vierges, poussée par une soif de découvertes et de conquêtes. Certainement la pièce maitresse de l’album. "Archaic Rites", avec son riff tournoyant agrémenté de chant féminin et de flute traversière, est une excellente pièce, au parfum psychédélique délicieux. Des cors se répondent, annonçant le dernier (long) titre, "Beacon In Black Horizon", morceau black à la fois farouche et atmosphérique se concluant sur les chants des ancêtres, sacrifiés sur le champ de bataille. Cette aventure massive est ainsi gagnée de petites respirations musicales, des éléments musicaux délicats enrichissant et allégeant le propos.

S’il est très difficile de décrire la musique du duo, il est en revanche très aisé de se laisser porter par ses sonorités guerrières et grandioses. Une musique belle et émotionnelle, à la rage et à l’intensité belliqueuse sous-jacentes, un voyage vers les montagnes nordiques et les forêts ancestrales. The Flight Of Sleipnir nous offre, de par sa construction et ses ambiances, son album le plus imposant et envoûtant. Que les amateurs de grande fresque épique s’avancent vers leurs destins et découvrent cet album glorieux. Le Valhalla n’est pas loin.