Cette année 2023 signe le grand retour de la formation anglaise Svalbard pour un nouvel album qui vient s’inscrire dans la lignée des excellents "It’s Hard To Have Hope" (2018) et "When I Die Will I Get Better?" (2020). Produisant toujours un post-hardcore à fleur de peau évoquant des sujets importants et sensibles, le groupe montre une véritable évolution dans ses compositions, proposant une musique parfois moins violente que d’habitude, avec beaucoup d’ambiances différentes, toujours maîtrisées. On aura d’ailleurs beaucoup plus de chant clair dans cet album que dans les précédents, ce qui n’est absolument pas un problème tant il est maîtrisé et vient servir le propos de cet album aux facettes multiples.

Mais si la musique peut parfois sembler violente, triste ou pessimiste, elle n’est jamais défaitiste, car ce que Svalbard fait passer c’est un message de soutien, un appel à ne pas abandonner malgré les difficultés et un amour dans une scène où la colère et la violence semblent être les maîtres-mots. On aura même le morceau "Eternal Spirits" adressé aux musiciens disparus et à ce qu’ils ont fait pour la musique qui restera éternellement gravé dans les cœurs et les esprits, faisant de Svalbard un des groupes les plus bienveillants de toute la scène des musiques extrêmes en produisant une musique dont beaucoup de gens ont besoin. Et si le chant a toujours été une composante importante chez Svalbard, c’est d’autant plus vrai dans ce dernier album dans lequel on retrouve toujours les trois chants distincts que proposent le groupe : deux types de chant saturé, l’un plus caverneux et profond avec des sonorités plus death metal est assumé par la guitariste et le second plus déchiré et aigu donnant des airs plus post-hardcore est proposé par le guitariste du groupe. Ces deux chants sont souvent utilisés comme deux voix qui vont se répondre au sein des morceaux alternant très rapidement au sein des couplets et venant créer un sentiment de dialogue urgent et intense. Intensité qui va atteindre son paroxysme lors des phases où ces deux chants vont se superposer comme lors du refrain de "Faking It", morceau d’ouverture de l’album qui pose une intensité musicale et émotionnelle tout simplement hallucinante, on retrouvera également ce procédé dans "Defiance" qui vient servir le même propos et fonctionne tout aussi bien. La guitariste pose en plus de cela un chant clair parfaitement maîtrisé dans de nombreux morceaux, ce sera d’ailleurs le seul que l’on aura dans "How To Swim Down", ce qui est une première pour le groupe.

La grande force de Svalbard en plus du chant réside également dans cette façon de poser des riffs absolument destructeurs qui appellent directement à la violence et à les décliner en quelque chose d’extrêmement intense et émouvant, on a ici une lourdeur au service du propos qui vient supporter quelque chose de plus grand et transforme toute l’agressivité du chant et des instruments en intensité émotionnelle, c’est le cas quasiment dans tous les morceaux de l’album qui est rehausé par une production superbement puissante, notamment pour la batterie qui vient littéralement tout écraser sur certains passages comme le couplet de "Eternal Spirits". Si la lourdeur est toujours au rendez-vous, on trouvera aussi beaucoup de passages très calmes au sein de l’album, parfois presque acoustiques, à la limite de l’ambiant et souvent portés uniquement par le chant clair. C’est particulièrement le cas dans le milieu de l’album avec des morceaux comme "Pillars In The Sand", "Lights Out" et "November" qui, d’ailleurs, propose des influences presque doom metal dans le tempo de son passage calme, ce qui vient alourdir toute la beauté du chant clair et renforcer son propos.

L’album n’oublie pas non plus d’être très mélodique et propose toujours des riffs à tremolos rapides et super aigus qu’on leur reconnait si bien, et qui sont d’une efficacité absolument indéniable, donnant un peu d’air à ce post-hardcore étouffant d’intensité, si le procédé est utilisé dans la plupart des morceaux on le retrouve particulièrement dans les refrains et les introductions comme dans "To Wilt Beneath The Weight" qui vient clôturer l’album de la plus belle des façons mais avec une production malheureusement un tout petit plus en dessous des autres morceaux, avec une batterie un poil trop présente et moins percutante que dans le reste de l’album. Tout cela n’enlève rien à la qualité du morceau qui semble véritablement tomber et se relever à plusieurs reprises pour sans cesse continuer malgré les difficultés et se terminer sur des notes plus légères et lumineuses comme pour montrer que l’on peut finir par gagner le combat malgré la difficulté des épreuves et les possibles échecs que l’on peut rencontrer sur la route.

La formation anglaise nous livre ici, comme à son habitude, un album puissant et intense. Ce dernier va repousser les limites de ce qui a pu être produit auparavant en s’appuyant sur ces bases ultra solides et en les sublimant, puisant dans de multiples influences musicales pour créer un son tout à fait unique qui allie lourdeur et beauté, violence et tendresse, des notions souvent opposées mais que Svalbard arrive à parfaitement faire coexister au sein d’une œuvre superbe diffusant un message bienveillant. "The Weight Of The Mask" s’inscrit parfaitement dans la discographie d’un groupe qui réalise pour l’instant un sans-faute, et se place sans aucun doute parmi les albums les plus importants de cette année 2023.