Quelqu’un de bien plus inspiré (et sûrement bien plus sage) que moi a dit un jour “La patience est une vertu”. Alors, n’en déplaise à Familles de France et autres bien-pensants, les fans de Superjoint Ritual doivent compter parmi les êtres humains les plus vertueux qu’il soit ! Vous en doutez ? Treize ans ! Treize longues années qu’on attend une suite au terrible "A Lethal Dose Of American Hatred" ! Vous en connaissez, vous, qui attendent autant pour un album ? Ne vous inquiétez pas, je suis également adepte de Tool et Necrophagist, alors autant dire que je suis habitué à patienter… Mais cette fois-ci, c’est bon, on l’a ! "Caught Up In The Gears Of Application" est son nom, et en cette fin 2016, il est là !

Au fait, ai-je dit “Superjoint Ritual” ? Au temps pour moi ! Désormais, c’est Superjoint. Tout court. Problème de droits, tout ça… Mais si le nom a changé, ne serait-ce qu’un peu, pas d’inquiétude : la musique, elle, reste la même. Elle envoie sévère ! Il faut dire qu’avec cet album, on reste relativement en terrain connu : Phil Anselmo retrouve ses camarades Jimmy Bower (qu’on avait plutôt l’habitude de voir derrière les fûts dans Down ou Crowbar) et Kevin Bond aux guitares, et appelle en renfort Stephen Taylor et Jose Gonzalez, qu’il connaît bien car joue déjà avec eux dans Philip H. Anselmo & The Illegals, pour combler les deux places vacantes au sein du groupe, respectivement à la basse et la batterie.

Et ce qu’on peut dire, c’est que la sauce a très bien pris entre tout ce petit monde, car ce qui résulte de leur collaboration musicale est un pur concentré d’énervement et de rage craché à l’encontre de nos pauvres oreilles ! On sent que le père Phil en avait sous le coude et n’attendait qu’une occasion pour pouvoir déverser sa bile, sa haine de ce monde voué à la technologie, prosterné devant le grand Dieu du virtuel. C’est désormais chose faite, grâce aux onze pistes de ce petit bijou qu’est "Caught Up In The Gears Of Application". Pour l’accompagner, des guitares bien hardcore, une batterie violente et une basse lourde comme on les aime. C’est direct, inspiré, efficace. Que demander de plus ? Du second degré ? Superjoint en a à revendre ! De la finesse ? Vous vous êtes plantés de chronique… Ici, ça envoie, ça déménage, ça ne vous laisse que quelques secondes de répit avant de vous reprendre de plein fouet dans des riffs sur lesquels on n’a aucun mal à imaginer les plus énervés des pogos.

En même temps, on le rappelle une nouvelle fois, ça faisait treize ans qu’on attendait une nouvelle production du groupe, alors… Maintenant qu’elle est là, on ne va pas se priver de prendre du plaisir et de se lâcher ! Phil Anselmo nous ravit de sa voix et de ses gueulantes qui nous manquaient tant, le tout posé sur des instruments survoltés, qu’on regrette d’entendre s’arrêter au bout des trente-huit trop courtes minutes qui composent l’album. Je ne saurais que trop suggérer en priorité les écoutes de "Today And Tomorrow", "Sociopathic Herd Delusion", "Clickbait" et "Asshole" (j’avais prévenu pour la finesse, ce n’est pas par ici…) pour se faire une idée de l’éventail de tout ce que Superjoint cuvée 2016 a à offrir, qu’il serait dommage de réduire à quelque chose de trop simpliste ou restrictif sans lui accorder l’écoute attentive qu’il mérite.

Superjoint, avec son "Caught Up In The Gears Of Application", reste un groupe original, spécial, à part, qui ne séduira pas tout le monde. Mais moi, si ! Et il ravira sans nul doute les fans de toujours, tout comme ceux qui recherchent un défouloir de qualité, ou encore ceux à qui un Phil Anselmo déchaîné manquait. On y retrouve ce que Pantera avait de plus noir et de plus borderline à proposer, le tout amplifié et poussé à l’extrême par l’influence hardcore punk du quintette. Et, quand on écoute le résultat, on ne s’étonne pas de savoir que le tout soit passé entre les mains expertes de Scott Hull (Monsieur Agoraphobic Nosebleed & Pig Destroyer), tant sa patte se ressent au travers des onze pistes de l’album.

En résumé, on tient ici un excellent album pour finir 2016 en crachant bien sur une année certes musicalement réussie mais qu’on n’est pas peu fâchés de laisser derrière nous, ou pour commencer 2017 avec un capital haine et rage plafonné au maximum pour supporter tous ceux à qui on rêve secrètement d’asséner notre plus beau direct du droit ! Vous l’aurez compris, une nouvelle fois, ce n’est pas dans "Caught Up In The Gears Of Application" que vous trouverez la dose de finesse et de délicatesse que, j’en suis sûr, vous cherchez tous. Par contre, vous aurez mis la main sur votre meilleur défouloir et, assurément, votre prochain fournisseur officiel de minerve ! Anselmo est en forme et ça se ressent, Superjoint cartonne et s’offre un excellent retour sur le devant de la scène !