Bien que la situation en 2020 ait engendré un nombre relativement important de complications, la scène black metal française essaie tant bien que mal de rester aussi prolifique qu’elle l’a été dans les dernières décennies, ainsi en cet fin d’été nous pouvons découvrir "Le Silence", premier album de la formation de black metal parisienne Sunnudagr qui nous avaient déjà gratifié de deux EPs par le passé. Le groupe lance donc son premier full length, d’une durée d’un peu plus d’une demi-heure, dans un album qui, s’il ne révolutionne pas la scène, démontre des dynamiques de composition intéressantes et une grande efficacité.

La première chose que l’on peut remarquer c’est que le ton est largement mis sur l’instrumental tout au long de l’album, ce dernier proposant des parties dont le chant est absent pendant de longs moments, dans le morceau "Venin Noir" par exemple, qui se caractérisent par des trémolos très mélodiques, et des riffs plus insidieux et lents et qui ne sont parfois pas sans rappeler la scène d’Europe de l’Est. On a également affaire à des morceaux qui se présentent dans une dynamique différente, beaucoup plus chaotique dans la forme, avec des riffs plus violents et abrasifs, une batterie déchaînée et un chant qui, bien que similaire aux autres morceaux dans son intensité, se trouve mis plus en avant à travers le mixage, ce qu’on peut remarquer plus particulièrement dans les titres "L’Ascension Du Malin" et "Une Charogne" qui semblent d’ailleurs se compléter entre eux.

Ce phénomène de duo de morceaux n’est pas un cas isolé dans l’album, c’est comme si pour chaque morceau un autre était conçu pour lui répondre, à travers des compositions similaires, ce qui se remarque même à travers les titres de certains morceaux, en effet on comprend clairement que "Le Silence…" et "…Et Les Larmes" sont deux blocs d’une même entité et sont écrits de manière à se superposer comme s’ils n’étaient qu’un long morceau. Cependant la division en deux partie rend le tout moins lourd et permet tout de même d’opérer une transition et des changements. "Ta Lumière" arrivant comme une sorte de conclusion de tout le reste, il est difficile de ne pas percevoir l’album entier comme une œuvre monolithique cohérente et progressive au fil des morceaux, dont le seul ovni présent semble être "Le Dernier Bastion". Ce morceau, s’il n’est pas si différent du reste dans l’aspect instrumental, possède, dans la forme des lignes de chant, une dimension très poétique avec des rimes très bien identifiables, qui sont réhaussées par le fait que le chant soit en français (ce qui est le cas dans tout l’album), langue propice à ce genre de manipulations et que l’on ne retrouve qu’exclusivement dans ce morceau, qui commence déjà très différemment des autres, et qui propose une voix masculine qui déclame quelques paroles sur une instrumentale très calme, en total opposition avec les autres morceaux qui démarrent souvent sans fioriture à grands coups de riffs plus rapides et agressifs.

Sans particulièrement apporter un vent de renouveau à la scène, Sunnudagr arrive à nous proposer un album qui se démarque par une progression intéressante, des compositions efficaces et variées et quelques morceaux qui sortent du lot pour constituer un album original et qui trouve parfaitement sa place, il sera loin de tomber dans l’oubli au sein de l’énorme sphère qu’est le black metal français.