Tiens, c’est pas fréquent de se fourrer du metal lituanien dans les esgourdes, alors du coup, j’ai fait mon curieux et je suis allé voir sur la toile ce qu’il se passe là-bas, niveau musique. Quelle fut ma surprise de constater que ma culture métallique de ce pays approche le zéro pointé, ça craint car avec tout ce que je donne à manger à mes cages à miel depuis le milieu des années 90, je pensais connaitre quelques trucs issus de cet endroit du globe. Donc du coup, je découvre Stromgrey, un groupe qui se compose de cinq membres ayant joué dans des formations obscures, et qui a déjà sorti un premier longue durée en 2015 ainsi qu’une démo promo en 2020. "DNA Of Chaos" déboule chez Great Dane Records, label français qui, il faut l’admettre, a du flair pour aller te dénicher des trucs bien underground qui n’ont jamais eu de discographie dense. C’est presque à se demander si Raph, le patron du label, n’en fait pas un jeu ou un défi personnel, je l’imagine en train de se frotter le menton en se disant "Alors, où est-ce que je vais orienter mes recherches pour dénicher un truc bien confidentiel que personne ne connaît ?".
Du coup, comme pour bon nombre de formations timides, dont on n’a peu, voire jamais entendu parler, il y a toujours cette appréhension débile de s’imaginer que si le truc n’a pas percé ou n’est pas populaire, c’est tout simplement parce que ça doit pas casser trois pattes à un canard. Quelle bêtise de partir avec des a priori ! Le pire, c’est que beaucoup de gens agissent de la sorte, moi le premier. Avant même d’entendre un disque, on se fait déjà une petite opinion avant même d’entendre la première note. Pour Stormgrey, la pochette, traditionnelle mais plutôt efficace, et le logo, légèrement anguleux mais classieux m’a poussé à imaginer une sorte de thrash / death moderne teinté de mélodies heavy, proprettes, avec une prod’ correcte. Je n’étais pas trop loin sur certains aspects, mais je me suis foutu le doigt dans l’œil jusqu’à la phalange proximale au niveau du style. Bah vouais, la tambouille de Stormgrey, c’est une grosse louchée de death / thrash lourd et efficace, avec des relents thrash, mais avec rien de heavy. Par contre, je me suis pas trompé sur la prod', elle est vraiment nickel ! On distingue bien chaque instrument, la batterie possède un son acoustique assez chaud, et les guitares sont à la fois grasses et précises, tout comme la basse. Le chant possède un grain excellent, qui colle avec les compositions. Ce qui est cool, c’est que dès le départ, le son fait bonne impression et le titre qui ouvre l’album "When Blood Runs Cold" possède tous les atouts d’un morceau d’introduction.
Stormgrey nous met bien dès les premières secondes, on sent d’entrée qu’on va passer un bon moment. Le riffing principal groove et martèle le cerveau, et cela reste une constante tout au long de l’album, les parties musicales sont construites et s’enchaînent de telle manière qu’elles poussent au headbanging frénétique. Taillées pour le live, ces compositions sont de véritables petits chefs d’œuvre de burinage intensif, c’est surprenant parce que Stormgrey, en réalité, n’a, en vrai, rien à envier à de grands maîtres du genre, c’est même à mon goût largement meilleur que certaines grosses formations légendaires. En allant piocher autant du côté de l’école américaine, Obituary, Six Feet Under, c’est surtout au niveau du death made in Europe que Stormgrey puise son inspiration, Asphyx, Bolt Thrower, Dismember notamment grâce au climat morbide et menaçant, malgré l’excès de groove. D’ailleurs, c’est fou comment ce groupe groove, et c’est gênant pour ma chronique parce que je vais répéter ce mot bien souvent, "groove". Très sincèrement, je pense avoir rarement entendu autant de groove en un album, c’est dingue comment ces Lituaniens parviennent à foutre une ambiance de malade avec des riffs tous plus macabres et redoutables les uns que les autres, ceci dit il n’y a pas que ça, parce que quand ça part en blast, ça fait pas semblant, ça poutre autant sévère ! Ajoutez à cela un chant qui mixe les meilleures intonations d’un Chris Barnes ou d’un John Tardy, avec une profondeur et une hargne totalement maîtrisées, et vous obtenez la recette la mieux appropriée au cassage de nuque. Je m’imagine une horde de Uruk Hai dandiner leur cul sur cette musique, avec les hauts parleurs installés sur une pile de cadavres mutilés mêlés à des armes de guerre brisées et émoussées. Certes, sur la longueur, ce mode de jeu omniprésent pourrait éventuellement lasser quelques auditeurs, mais bon, c’est un parti pris aussi de la part de Stormgrey qui semble très à l’aise dans cet exercice-là.
Prenez un parfait, remplissez-le d’un litre de bière belge, du genre une bonne tripel, enfilez "DNA Of Chaos" dans votre lecteur à volume respectable, vous aurez l’impression d’être en fest dans votre salon ! Si, si, je vous assure, en fermant les yeux ça marche ! Stormgrey nous a pondu un sacré bon disque capable de fédérer toutes les légions officiant sous la bannière du death metal, à savoir les old schooleux, les death thrasheux, même les plus coreux d’entre vous ! Vous avez dans cette galette tout ce qu’il faut pour vous mettre le triquou à balle, un gros son, de l’énergie, un feeling morbide, du gras dans le son, de la précision dans l’exécution et un entrain indéfectible. Stormgrey nous offre un album de qualité qui n’est pas près de quitter le classeur des disques que je sélectionne pour accompagner mes trajets en bagnole.
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