"空"
Note : 18/20
Soul Dissolution fête ses dix ans avec un troisième album. Créé en 2012 en Belgique, le
groupe composé de Jabawock (instruments / paroles, Marche Funèbre, L'Hiver En Deuil),
Acharan (chant, L’Hiver En Deuil) et Threnos (batterie, L’Hiver En Deuil ex-Spectral
Damnation) annonce la sortie de "空" chez Viridian Flame Records.
L’album débute avec les premières notes de "空 I" qui nous envoûtent facilement avant
que la rythmique lourde et lancinante ne nous cloue au sol, accompagnée par un chant brut
et mélancolique. La rythmique laisse les harmoniques entêtantes relier ses différentes
parties, qu’elles soient douces ou plus solides tout en nous menant à "空 II" , une
deuxième partie plus rapide et sauvage qui accueille blast et leads tranchants. Les parties
vocales suivent cette intensité tout en restant agressives et rocailleuses avant que
l’ambiance générale ne s’apaise à nouveau pour la longue "空 III" qui vient refermer ce
triptyque avec une dose de douceur mais également des éléments prog et post-metal.
Un
chant clair rejoint la vague de quiétude qui ne tarde pas à exploser à nouveau dans la rage,
créant un contraste saisissant avec les éléments les plus apaisants. Les hurlements rauques
rejoindront à nouveau la vague de puissance avant qu’elle ne finisse sa course dans le
néant pour laisser "The Absolving Tide" prendre la suite avec des sonorités inquiétantes. La
saturation refera rapidement surface pour nous emporter dans son ouragan qui mêle notes
aériennes et base massive surmontée par les parties vocales torturées, puis un léger
tonnerre lointain sonne la fin du titre, avant que "With Open Heart" ne vienne refermer l’album
avec un mélange de noirceur mystérieuse et de fausse quiétude. La lenteur doom-esque du
titre ajoute un aspect oppressant et viscéral supplémentaire qui permet au groupe de nous
laisser sur une touche prenante.
Avec "空", Soul Dissolution nous dévoile une part supplémentaire de son univers. Si les
premières sorties du groupe étaient ancrées dans le post-black, cet album laisse aussi les
influences post-metal et doom glaciales s’exprimer, créant une diversité saisissante.
"Nowhere"
Note : 18/20
Si vous êtes amateurs de post-black et black ambiant / mélodique, vous n’avez pas pu
passer à côté de Soul Dissolution. Et comme vous avez également lu ma précédente
chronique, vous savez déjà que le groupe s’est formé en 2012 en Belgique à l’initiative de
Jabawock (paroles / instruments, L’Hiver En Deuil, Marche Funèbre et Ah Ciliz) et
Acharan (chant, L’Hiver En Deuil), et qu’ils sont désormais accompagnés de Celestial
(batterie, Bones) et Inheritor (guitare, Genocidal Terror) pour les lives. Après une
première démo en 2014, le groupe sort son premier album en 2016 et son second en 2018,
mais seulement six mois après, c’est "Nowhere", nouvel EP de deux titres que les Belges
nous offrent sur un plateau. Six mois, c’est court, mais la créativité du duo n’a visiblement
pas de limite.
Le premier titre se nomme "Road To Nowhere", et est un véritable hymne à l’errance. Alors
que c’est une guitare mélancolique qui débute cette composition, elle est finalement rejointe
par les autres instruments, et à chaque note on sent que la rythmique va exploser, et c’est
cette libération qui fait également intervenir le chant. Alors que les riffs saturés partent tous
dans la même direction, la basse se détache un peu du lot et entame ses propre riffs, qui,
même s’ils collent au mélange, sont un peu plus libres. Cette liberté est récupérée par la
guitare lead qui envoie soudainement des harmoniques perçantes. Mais la mélodie reprend
un air plus calme, et Acharan se met à parler au lieu de hurler. Mais ce moment ne durera
pas, et la mélancolie qui s’installait progressivement s’insinue désormais dans l’esprit de
l’auditeur. La beauté glaciale des riffs incisifs s’étale tout autour de nous et je me laisse aller
à la contemplation silencieuse de cet univers en fermant les yeux jusqu’à ce que la
composition s’éteigne.
A peine quelques secondes de répit, et "Fading Darkness" démarre lentement. Seule les
cymbales viennent troubler ce calme sombre et froid, mais on sent également que
l’explosion est proche. Presque libératrice, celle-ci laisse à nouveau la possibilité au
chanteur de s’exprimer. Plus la composition avance, et plus je me rends compte que je n’ai
plus aucune notion du temps lorsque Soul Dissolution joue, car les riffs de guitare lead
viennent à peine de s’ajouter au mélange. Et même lorsque la pression retombe, il demeure
une impression lointaine que quelque chose près de nous est toujours là. Quelque chose qui
souffre, qui veut sortir et qui doit s’exprimer coûte que coûte. Et lorsque la guitare reprend sa
complainte, c’est tout le groupe qui se joint à elle pour l’accompagner dans sa traversée des
ténèbres, tout en devenant un véritable démon qui ne lâche pas sa proie. Soudain, quelque
chose change dans la composition. Le voile de noirceur est toujours là, mais on sent que le
voyage touche à sa fin, et les derniers pas en compagnie des Belges nous libèrent de ces
ténèbres.
Il est difficile de décrire autrement que par une marche ce nouvel EP de Soul Dissolution,
tellement j’ai eu l’impression de voir un paysage lorsque j’ai écouté cette oeuvre pour la
première fois. Un paysage qui défile, qui nous fait nous enfoncer au coeur d’une forêt
sombre, mais qui se laisse finalement réchauffer par la lumière du soleil à la fin de la
traversée. Ce qui est certain, c’est que le groupe sait parfaitement comment nous faire
voyager. Il ne reste qu’à confirmer cette impression par un live !
"Stardust"
Note : 18/20
Dans l’univers vaste et varié du metal, il y a deux types de groupes. Les groupes signés
dans un label prestigieux depuis dix ans, et qui sortent des productions impeccables,
parfaitement mixées et soignées par des professionnels reconnus, et il y a les
autoproductions. Certaines sont faites avec les moyens du bord, certaines sont plus
poussées, mais ce qui est certain c’est que "Stardust", le nouvel album de Soul Dissolution,
est d’une qualité exceptionnelle pour une autoproduction. Le mixage old school (ou
“imparfait”) des Belges ajoute une touche sombre à leur black metal déjà ancré dans la
peine et la dépression, et c’est probablement ce que Jabawock (instruments) et Acharan
(chant) ont voulu mettre en oeuvre depuis 2012, année de la création du groupe. D’ailleurs,
c’est toujours Robin Stone qui est derrière les fûts pour cet album. Je pourrais vous
présenter avec mille et un mots leurs premières créations, mais le mieux est que vous alliez
voir de vous-mêmes leur démo (2014) et leur premier album (2016) si le coeur vous en dit
après avoir écouté celui-ci.
Le duo commence avec "Vision", une instrumentale lente en lancinante. Des orchestrations
tristes, une atmosphère qui progresse, on s’attend presque à un album de metal folk, mais
non, ce sont les riffs emplis de peine et de terreur de "Circle Of Torment" qui nous arrivent
d’un seul coup. Une longue composition, la plus longue de l’album, qui nous étale un
manifeste de violence. Hurlé dans la plus pure tradition du black metal, avec une touche de
depressive suicidal black metal, ou aboyé avec une voix profonde et caverneuse, le chant
nous transmet l’émotion voulue en même temps que la guitare lead. Le son s’éteint
progressivement pour laisser la place à la chanson éponyme, "Stardust", qui débute
instantanément. Plus aérienne, ce nouveau titre envoie l’esprit de l’auditeur planer au-delà
du possible avec un son à la fois étouffé et en même temps prononcé, tout en gardant une
ligne vocale constante. L’atmosphère change radicalement vers le milieu du titre avec un
break plus martial, puis les deux voix qui se mélangent dans un tourbillon de notes aussi
puissantes les unes que les autres, chacune trouvant sa place à la suite de l’autre.
Une autre instrumentale, "Mountain Path", compte sur un clavier et quelques bruits de pas
inquiétants pour nous emmener vers "The Last Farwell". Le clavier revient d’ailleurs pour
débuter ce titre, beaucoup plus calme que les autres, et dont l’atmosphère première incite
au recueillement plus qu’autre chose. On a l’impression d’avoir perdu quelque chose,
quelque chose d’intangible, mais de nécessaire. Cette impression se renforce au fur et à
mesure que la batterie arrive, et je ne sais pas si c’est la même chose pour vous, mais la
progression me semble tout à fait naturelle. Comme une perte. La prise de conscience, puis
l’énervement, qui s’accentue, graduellement. Le chant d’ Acharan ne fait absolument rien
pour soulager cette peine, mais le dernier riff, plus heureux, nous fait prendre conscience de
la beauté de la musique de Soul Dissolution. "Far Above Of The Boiling Sea Of Life", le
dernier titre, démarre par un sample de l’océan. C’est ironiquement l’eau qui nous ramène
sur Terre, et qui poursuit par un riff à la fois distant et progressif en lui-même. La rythmique
le soutient, mais il n’y a que lui qui compte, même le chant est plus en retrait pour lui laisser
la possibilité de s’incruster le plus profondément possible dans l’esprit de l’auditeur. C’est
après un duo entre les deux voix que cette longue composition s’achève dans le néant, nous
laissant dépourvus de toute envie.
Je vais être honnête. La première fois que j’ai écouté cet album, je le trouvais plutôt plat,
mais avec quelques riffs intéressants. Cependant, ma curiosité m’a poussé à le réécouter, et
c’est à ce moment-là que j’ai découvert la vraie puissance créatrice de Soul Dissolution.
Une froideur assumée, une créativité morbide, mais une volonté de fer.
"Pale Distant Light"
Note : 14/20
Une fois n'est pas coutume, être chroniqueur pour votre webzine préféré me permet de découvrir un nouveau groupe et d'élargir mon horizon musical... Ce groupe, eh bien il s'appelle Soul Dissolution et nous viens tout droit de Belgique. La toute jeune formation nous propose ici son premier album "Pale Distant Light" à l'artwork particulièrement léché. Se revendiquant du post-black metal, on est bien entendu enclin à se demander ce que le groupe cache derrière cette appellation aujourd'hui très en vogue et parfois un peu fourre tout... Pour répondre à cette épineuse question, quoi de mieux que de se plonger dans l'écoute de cet opus, n'est-ce pas ? Alors attachez vos ceintures, le voyage va commencer...
On attaque ce périple de plus de 50 minutes avec "Waiting" et son intro tout en finesse et volupté... Les arpèges de guitares s'offrent à nous comme une ode à la rêverie avant de se saturer, proposant alors des riffs dans un registre que je qualifierais de doom / black metal, appuyé par quelques cordes très intelligemment placées. Le son est d'excellente facture, même en ce qui concerne la partie rythmique et le chant, déchiré, torturé et empreint d'une savante mélancolie. L'atmosphère pourrait ainsi rappeler des formations telles que Fen ou même Sombres Forêts, pour ne citer qu'elles... On retrouve d'ailleurs un petit côté rock progressif, ce qui, mélangé au reste, correspond plutôt bien à l'idée que je me faisais du post black-metal. Ainsi, ce premier titre est une bien belle entrée en matière, surprenant s'il en est par sa musicalité, sa maturité et la qualité de sa production !
Place maintenant à "This Red Painting In The Sky" qui poursuit le travail commencé précédemment en posant une ambiance toujours aussi délectable, travaillée avec sincérité et on ne peut plus envoûtante. Ce titre mid-tempo aura tôt fait de vous faire basculer dans une nostalgie sans nom tout en apaisant votre âme torturée. Comme si quelqu'un venait vous épauler et vous aidait à porter un lourd fardeau... Encore une fois, les quelques notes de violon viendront transpercer votre cœur tout en délicatesse : du grand art ! On enchaîne avec "And Every Single Step..." qui, pour la première fois, vous proposera une rythmique purement black metal. Et le résultat est tout à fait intéressant, renforçant tant le désespoir des mots que la sombre beauté des notes. Soul Dissolution fait brillamment preuve d'une intelligence de chaque instant, à l'image de cette petite mélodie accompagnée au violon... Dommage alors que le premier essai en chant clair ne soit pas aussi convaincant que le reste !
Le morceau suivant s'intitule "Anchor" et débute par une intro guitare / clavier évanescente, rapidement renforcée par quelques notes de piano, du genre qui apportent quiétude et bien-être, tant physique que spirituel. Par contre, le riff suivant n'est malheureusement pas à la hauteur, optant pour quelques dissonances difficilement compréhensibles... Heureusement, ce riff principal quelque peu en deçà permet de mettre en exergue le retour des quelques instants de tendresse. Et, de manière insidieuse, ce titre un peu décevant va monter en puissance afin de développer un potentiel encore insoupçonné : bravo ! Quant à "Immanence Of Unfulfillment", il s'agit d'un petit interlude tout en légèreté, offrant ainsi à l'auditeur l'occasion de s'évader... Cela permet d'aérer un album pour le moins intense, ne serait-ce qu’émotionnellement parlant. Le genre de petites attentions qui saura prendre soin des esprits les plus noirs...
S'ensuit alors "The Final Dissolution, Part 1 - Hatred Spawned From Longing", morceau à l'intro peut-être un peu trop longue ouvrant sur un riff dans la plus pure tradition black metal. Malgré son énergie, le titre peine à se mettre en place, et pour la première fois, je perçois ici et là quelques longueurs un peu dérangeantes au vu des morceaux précédents. Peut-être un peu classique et en léger manque d'inspiration... Et finalement, je ne suis pas sûr que les patterns de batterie black metal soient indispensables à la musique des nos amis belges. "The Final Dissolution, Part 2 - Fields Of Stone", lui, joue plutôt le rôle d'interlude, trop vite venu à mon goût, et surtout un peu plus dispensable, sans vouloir être méchant non plus... C'est peut-être tout simplement qu'il suit un morceau m'ayant laissé un goût un peu amer, mais le final est quand même plutôt sympathique, il faut le reconnaître !
On continue le voyage avec "The Final Dissolution, Part 3 - Pale Distant Light", forcément, morceau progressif de fort bonne facture qui s'orientera peu à peu vers un black metal atmosphérique tout à fait délectable. Dommage alors que ce titre soit aussi court par rapport à ses congénères... En tout cas, on retrouve le Soul Dissolution qu'on aime et c'est tant mieux, alors ne boudons pas notre plaisir ! Mais voilà déjà l'outro de ce "Pale Distant Light", qui, malgré ses qualités, ne fera pas oublier que la deuxième partie de l'album est malheureusement un peu mitigée. C'est à ce moment empreint de tristesse qu'on est content que le combo belge nous propose une reprise du "Sweetness Dies" d'October Tide ! Je ne suis certes pas expert dans ce groupe, mais je peux quand même vous dire que la cover est de très haute volée, ce qui vous redonnera à coup sûr le sourire avant d'éteindre votre platine CD. Comme quoi, avec un bon feeling et une technique parfaite, on peut faire des miracles !
L'écoute de ce premier album de Soul Dissolution fut en tout cas pour moi l'occasion d'une découverte riche en émotions et en frustration. Certes, la deuxième moitié de ce "Pale Distant Light" est quelque peu en dents de scie, navigant à vue entre excellents moments et panne d'inspiration, mais la qualité des premiers morceaux est telle qu'on ne se rappellera que d'eux ! Le groupe belge fait ainsi montre de grandes qualités de composition autant que de technique, leur permettant de construire une ambiance d'une intelligence et d'un maturité rares pour une jeune formation. La richesse émotionnelle et la puissance évocatrice de ce premier opus sont indéniables, chaque note participant avec subtilité et enchantement au voyage entamé par notre âme à l'extérieur de notre propre corps... Bref, un groupe à suivre de toute urgence !