Le groupe
Biographie :

Sorcières a été créé en tant que projet solo par Thibaut (anciennement bassiste dans Lappalainen) et rejoint au cours de l'année 2017 par Alex à la batterie (également dans Steamrock) puis Roman à la guitare et David à la basse. Les compositions, encore instrumentales, sont enregistrées dans une démo intitulée "Grim". Le projet trouve finalement sa voix avec P.A, et Marie (alors dans Adler) au violon rejoint le groupe début 2018. Sorcières pratique un folk metal sombre et organique aux influences variées allant du heavy au black atmosphérique. Pas de reprises d'airs traditionnels, pas de samples ou de claviers, et des paroles en français. Après un an de concerts dans le Nord et en Belgique, le groupe sort son premier EP 5 titres, "Sombres Danses". Avec son nouveau batteur Tritt (ex-Cave Growl, ex-Funeral Dawn, ex-NightCreepers) arrivé en 2020, Sorcières sort son premier album, "Empoisonné", en Juin 2021 chez Epictural Production.

Discographie :

2017 : "Grim" (Démo)
2019 : "Sombres Danses" (EP)
2021 : "Empoisonné"


Les chroniques


"Empoisonné"
Note : 18/20

Je n’ai jamais aimé les sorcières, ça m’a toujours foutu les jetons. Je pense que c’est dû au côté machiavélique du personnage, et également par rapport à l’aspect physiquement disgracieux, le visage verdâtre, les pustules, la malpropreté, et le genre d’habitât archaïque symbolisé par un vieil arbre dans une forêt dans lequel elles aiment y faire leur doux foyer. Faut se dire aussi que nous sommes en pleine ère du combat féministe, et une femme qui passe délibérément son temps dans la "couisine" à concocter des potions dans un gros chaudron, il y a un truc qui cloche. Le nom de ce groupe est bien trouvé, d’autant plus que Sorcières est au pluriel, ce qui signifie qu’il n’y a pas une, mais plusieurs de ces sales bestioles ! En insérant la galette dans le lecteur, on plonge directement dans une ambiance folklorique qui justifie le blaze de la formation. Les flûtes, violons et nombreux arrangements traduisent en musique des images de clairières sous la pleine lune, de forêts aux arbres massifs recouverts de lichens et de ruines que l’on pense inhabitées. C’est donc parti pour un voyage de presque une heure dans des contrées magiques et enchanteresses, ou le mystique côtoie la sorcellerie.

Sorcières propose là son véritable premier album qui dévoile un black metal / folk bien captivant. En effet, ce style a été à une période un phénomène de mode et pas mal de groupes se sont engouffrés dans la brèche, proposant chacun leur petite délire celtique ou traditionnel, mais souvent le climat souffrait d’un manque de ténèbres. Ce que je veux dire par là, c’est que le côté folk emboîtait le pas sur le côté black, on avait de cette manière assez souvent droit à de la musique de guinguette pour métalleux plutôt qu’un réel mélange des genres. Avec Sorcières, ce qui est motivant dans l’écoute, c’est que le groupe maintient constamment une cohérence stylistique qui s’appuie autant sur l’ambiance que sur le côté heavy de la musique. Ainsi, la formation parvient à nous embarquer dans son délire, on voyage aisément au gré de la musique sans être bousculé par un moment inopportun ou injustifié. Les titres qui s’inspirent de la musique traditionnelle comme "Les Yeux Verts" (peut-être un hommage aux "Yeux Noirs" de notre très cher Django Reinhardt) laisse le violon et les guitares prendre le dessus pour tisser des mélodies entraînantes qui lorgnent vers les Balkans. Même si toutes les compositions ne sont pas aussi marquées en termes d’emprunts à d’autres cultures, le subtil mélange du violon avec le reste des instruments permet au black metal de Sorcières de préserver une atmosphère qui me rappelle les pionniers du genre black mélodique. Avec ces tonalités heavy metal, on se rapproche pas mal des premiers Dimmu Borgir comme sur "Ordalie" et son rythme ternaire écrasant, ou les premiers Cradle Of Filth, ou encore Diabolical Masquerade ("Anciennes Lueurs", titre qui possède un côté occulte malsain, avec ces pizzicatos de violons insidieux).

Ce disque est un concentré d’excellentes mélodies et on sent que le travail de composition a été pris très au sérieux. Tout est bien calibré, à tel point qu’il est rare qu’on ait le sentiment d’entendre un passage bâclé ou qui ne se justifie pas. Ce qui peut arriver dans le folk / black metal, c’est de sombrer dans le pompeux, là, difficile de ne pas se mettre dans l’ambiance, comme par exemple avec le très médiéval "L’Auberge Des Corps Perdus" qui dépeint à merveille une ambiance de vieille bicoque remplie de gros péons dégueulasses côtoyant de nobles chevaliers le temps de se vider une chope. Sorcières réussit le pari d’allier des moments purement ambiants et musicaux à des passages plus puissants qui nous rappellent que nous sommes avant tout en présence d’un groupe de metal noir. "Cavalières Des Ronces", à titre d’exemple, est un titre lourd et puissant, très entraînant, qui alterne des moments plus introspectifs avec des franches parties heavy. Le passage mélodique vers la fin du morceau est majestueux et démontre clairement que le quintette possède tous les atouts pour transcender sa musique. Constamment, on côtoie une forme de mélancolie mêlée à cette ambiance sombre qui se déploie au travers de l’album, et de ce fait, les moments les plus folkloriques ne sont jamais absurdes car ils ne rentrent pas dans le jeu pervers de créer une cassure burlesque et joyeuse. De plus, la production colle parfaitement à la musique. Très claire, ni trop pompeuse, ni trop minimaliste, elle met bien chaque élément en avant, que ce soit le chant, très crédible dans son registre black metal ou les instruments, avec notamment le duo basse-batterie qui fait vraiment le taf et va même au-delà du vulgaire accompagnement naïf en ajoutant pas mal de petites subtilités.

Tout en proposant un black metal très respectueux de la tradition, Sorcières a mélangé dans son chaudron une bonne dose de musique folklorique pour créer une potion musicalement appétente, qui possède un petit goût de reviens-y. On se prête facilement au jeu, et ce, dès les premières notes. La formation lilloise offre avec "Empoisonné" un véritable voyage teinté d’occultisme, de mysticisme, de rites païens dans des lieux où seule la nature a le dernier mot. Ici, pas de mauvais jeu d’acteur, pas de scénario racoleur, le storytelling est bien ficelé et on prend plaisir à laisser défiler l’album. Amateurs de black metal, de pagan, de heavy, de folk, voire même de metal gothique, ce disque a tous les atouts pour vous plaire. Sorti le jour de la fête de la musique, je le chronique au mois de Novembre, et très honnêtement, c’est la musique idéale pour cette saison transitoire pendant laquelle la nature se met progressivement en sommeil, dévoilant des teintes chaleureuses alors que le froid glacial s’installe petit à petit…


Trrha’l
Novembre 2021




"Sombres Danses"
Note : 16/20

À l’heure où certains s’adonnent à nous briser les joyeuses en réclamant l’annulation de concerts de Týr sous prétexte de "défense de la cause animale", tournons-nous donc nous aussi vers le folk metal. Evitons toutefois de rappeler que la chasse à la baleine est régulée légalement aux Îles Féroé pour éviter tout dérapage, que la poiscaille récupérée sert à nourrir le pays pendant un an et qu’importer de la viande à la place aurait des conséquences écologiques désastreuses, et tachons de nous focaliser uniquement sur la musique. Mais de toute façon, ça, on s’en branle un peu. Et puis, ici, c’est surtout de chaudrons et de balais dont il sera question, pas de baleine et d’îles trop loin. Encore plus précisément, on causera de Sorcières et de son premier EP quatre titres, "Sombres Danses". Ce qui vaut largement mieux que de se crêper le chignon entre vikings !

Loin d’arborer fièrement la chevelure blonde au brushing impeccable de Ma Sorcière Bien Aimée, les Nordistes de Sorcières préfèrent laisser leurs tignasses entremêlées. En plus, la vie est trop courte pour se démêler convenablement les cheveux. D’autant plus lorsque l’on s’adonne au folk metal ! En vingt minutes, la troupe emmenée par l’ex-Lappalainen Thibaut Marlard narre cinq titres. L’instrumental est donc aiguisé et prêt à en découdre avec des hordes d’habitants de Salem voulant carboniser de la sorcière. La voix, de son côté, se veut gutturale et brutale ("Grim", "Ophidia"). Pagan dans l’âme, folk dans les traditions et efficace dans les oreilles, Sorcières ne sort peut-être pas seulement les nuits noires mais aime promener l’auditeur dans de grandes forêts touffues où règnent en maîtres corbeaux et autres nuisances volatiles du genre ("Défloraison", "Sorcières"). Pour le bémol pointilleux qui fera hérisser le poil du trou de balle, regrettons que par quelques rares absences d’éclairs sinistres, et au niveau du mix, le chant se voit mis en retrait au profit des ambiances et atmosphères claviers. Mais dans son ensemble, nous avons affaire là à un debut-EP solide pleins d’incantations et de mythes que les tympans seront ravis d’explorer de nouveau sur un format plus long.

"Sombres Danses" fait ressurgir l’aspect le plus sombre et folklorique de l’ambiance de la course "Ponton Lugubre" dans Mario Kart. Les mauvaises langues crieront au scandale car y'a pas Luigi et bien plus de chauve-souris, mais ça, c’est secondaire. Le principal est que ce qui n’est qu’un premier EP nous livre déjà la trame musicale que suivront les prochains contes de Sorcières. Envoûtant, épique et magique. De quoi envoyer quelques sorcières se brûler le cul encore plus efficacement qu’Hansel et Gretel ! Ouais, parce que Jeannot et Margot, ça a moins de gueule...


Rm.RCZ
Mai 2019


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/sorcieres.band