Rien de tel pour renouveler un peu la scène que de nouvelles formations venant poser leur pierre sur l’édifice déjà bien bâti du black metal français. Le genre étant loin d’être épuisé, il est parfois bon de s’éloigner un peu des classiques du genre afin d’explorer ce que les groupes nouvellement fondés peuvent proposer. Aujourd’hui, c’est sur le nouveau one-man band parisien nommé Sluagh que nous allons nous pencher. Ce nom est particulièrement évocateur par rapport aux thèmes qui vont nous être proposés, le Sluagh étant le nom donné aux esprits des morts n’ayant pas trouvé le repos éternel dans le folklore irlandais et écossais.

Nous proposant un court EP d’une vingtaine de minutes qui sait pourtant utiliser son temps et poser ses ambiances, le tout se targue d’une production extrêmement bien maîtrisée et juste, tous les instruments étant parfaitement audibles, ainsi que le chant. Cet dernier est le premier point qui frappe quand on écoute cet EP pour la première fois en sachant que ce projet est relativement récent et surtout porté par une seule personne qui a sorti cet EP sous aucun label, et a donc tout réalisé lui-même.

De l’album se dégagent deux ambiances principales. La première est portée par des riffs épais et cinglants, qui nous frappent directement, accompagnés par une batterie tout aussi percutante, nous plongeant directement dans un torrent de désespoir et d’angoisse mis en lumière par des trémolos montant de plus en plus dans les aigus et symbolisant cette plongée dans un monde d’angoisse et de tourment. La deuxième ambiance se caractérise par des passages ambiants qui viennent couper les morceaux en plein milieu, venant marquer une véritable pause teintée de douceur et de nostalgie, comme si ce défilement trop rapide s’arrêtait juste pour un instant, nous laissant face à des landes vides et désolées dans lesquelles le temps semble se figer, pour permettre de prendre conscience des choses, d’y prendre du recul, avant de finalement reprendre pour continuer de sombrer plus profondément dans l’abîme. Ce schéma est récurrent dans les quatre titres qui constituent l’EP et va se perpétuer jusqu’à la fin dans "Bás", morceau qui va se terminer dans un passage des plus chaotiques, choix évocateur montrant que l’âme damnée ne trouvera jamais le repos tant espéré.

Dans cet EP, le chant prend une partie prépondérante. Ce dernier étant totalement absent des parties ambiantes, il symbolise l’absence totale d’âme bienveillante ou rassurante dans cet endroit chaotique. Il viendra cependant tourmenter les parties purement black metal, se présentant avec différentes intonations, se répétant et se superposant même parfois comme dans "Baile", donnant ainsi la parole à une multitude d’entités brisées et errantes dans ce paysage infini et désolé. Ces différents chants sont tous très bien maîtrisés et mixés de façon à être clairement distinguables les uns des autres, ce qui permet vraiment de nous plonger dans cette ambiance dans laquelle il est possible de visualiser une multitude d’entités ayant depuis longtemps perdu leur humanité, et tentant de communiquer mais ne s’exprimant que par des râles incompréhensibles.

Ainsi, le one-man band parisien qu’est Sluagh nous propose avec "Seol" un voyage dans le monde d’esprits n’ayant jamais trouvé le repos, se démarquant par un tourment et une angoisse quasi constants qui viennent seulement être interrompu par des moments de calme plat absolu et toujours de courte durée. Afin de mettre tout cela en lumière du mieux possible, une attention toute particulière a été apportée au mixage des instruments et à la production de l’EP qui s’avèrent finalement tout simplement parfaitement maîtrisés.