Pratiquer du death / doom atmosphérique est une entreprise risquée. Déjà, ce style particulier touche beaucoup moins de fans que d’autres formes de metal de la mort, et partir du postulat que cela peut toucher les fans de funeral doom ou de musique atmosphérique serait une grossière erreur, ça peut effectivement plaire à une partie de ces publics-là, mais le mix des deux genres génère une musique tellement particulière qu’au final, cet hermétisme ne peut toucher qu’un nombre assez limité de personnes. Entre des groupes à tendance atmosphérique à la Abyssic ou Asphodelus, des formations qui soutiennent une dimension ultra dark et oppressante à la Spectral Voice ou Krypts, Sepulcros oscille entre tout cela, et peut très bien jouer un riff minimaliste qu’il fait tourner jusqu’à épuisement pour ensuite proposer un passage guerrier et complètement décharné. En tous les cas, le malaise est omniprésent, et on se retrouve happé dans un tourment sonore angoissant au sein duquel chaque auditeur éprouvera un sentiment différent, soit de plaisir, en étant complètement absorbé par cet univers froid et inconfortable, ou au contraire, porté par l’ennui, car autant être honnête, ce genre musical peut être chiant à mourir.
Quintette qui possède en ses rangs trois membres de Summon, groupe de black death qui défend sensiblement les mêmes valeurs sonores que le sujet de cette chronique, à savoir un environnement vaporeux, noyé dans la réverbe, avec un son cru et ample, Sepulcros propose au sens littéral du terme une plongée dans les abysses. Au travers de mélodies mornes, de couches fréquentielles troublantes, de riffing tourmenté, le quintette exprime par le son un sentiment désespéré enrobé d’une noirceur non contenu. Hormis le titre "Hecatombe", qui laisse entendre un long développement de guitares en son clair, le reste de l’album n’est que distorsion et chaos. Les titres sont relativement longs, en moyenne huit minutes, et mettent l’accent sur l’aspect lancinant et introspectif. Quelques moments sont délibérément black metal (un black metal d’excellente facture ceci dit, l’héritage de Summon) comme sur "Hecatombe" une fois de plus, et on peut reprocher au groupe de ne pas suffisamment exploiter cette facette tellement ils savent le faire, peut-être y a-t-il derrière ce peu de moments, une volonté de ne pas sonner comme l’autre formation à laquelle ils appartiennent ? Pour le coup, on ne pourra pas reprocher à "Vazio" (qui veut dire vide) d’être trop linéaire même si d’une certaine manière il l’est, ne serait-ce que par le style que l’album défend. Le death atmosphérique a toujours défendu le côté hypnotique et monolithique, c’est pas la fête à Neu-Neu, on n’est pas là pour gonfler des ballons et les faire exploser en se pouffant de rire à deux centimètres de l’oreille d’une pauvre victime mais pour le coup, quand Sepulcros nous tape un passage black metal ultra bien senti, d’un coup, on se dit qu’on aimerait en entendre plus, parce que leur musique, elle est bien sympa, mais pour ce qui est du dosage, on repassera.
Le premier morceau "Vazio" (j’exclus l’intro "Involucro Ocro" qui ne propose rien de concret), est mou et tire-au-flanc, la compo commence à prendre de la consistance vers 02:30, avant cela, c’est de la guimauve qui possède un arrière-goût de rance. Par contre, quand ça part en black / death, là ça déconne plus, non seulement ce sentiment de vide se ressent toujours, mais c’est le vide par le chaos et la destruction, un vide qui se construit sur l’instant, et non un vide de l’après, le "mouais bof" d’après écoute. Il ne faut malheureusement pas attendre longtemps avant que le morceau ne rebascule dans cette pesanteur, certes justifiée, mais qui, à mon goût, plonge l’auditeur dans une léthargie trop prononcée. Le dosage en est la cause, l’alternance ultra doom et les moments black sont mal gérés. "Marcha Funebre", le titre suivant, prend son temps pour se lancer et reprend exactement la même recette que le titre précédent, à savoir, 02:30 de lourdeur fracturées par un élan black metal incisif, avant de retomber sur la fameuse alternance funeral / black qui, soyons honnêtes, est un peu mieux assumée sur ce titre-là. Suite à cela, "Magno Caos" rompt avec les codes compositionnels des deux tracks précédents, mais la linéarité omniprésente sur ce titre, qui n’engendre ni pics, ni retombées, s’impose à l’auditeur. "Hecatombe" est selon moi le titre le plus efficace et le plus dynamique de tout l’album. Vraiment bien foutu, il s’engage avec un arpège mélancolique avant de s’élancer dans une forme de black / death qui soutient de manière admirable toute la noirceur et le pessimisme de la première partie du morceau. "Humana Vacuidade" est une outro, admettons-le, somme toute banale et inutile, pourquoi tenter de faire retomber la pression d’un album qui n’en avait pas… ouais bof.
Que dire de ce premier album de Sepulcros ? Pour sûr, le gros geek qui kiffe le death atmo a de quoi se régaler : ambiance morne, vide sidéral rythmique, pesanteur écrasante, textures éthérées, production diffuse, tous les ingrédients sont réunis pour l’aficionado du genre. En revanche, le principal souci de cet album, c’est la monotonie structurelle qui n’est pas assumée à 100% et qui, de ce fait, laisse une sorte de sentiment d’inachevé au niveau compositionnel, n’est pas Winter qui veut. Déjà, le disque possède une intro et une outro, si on enlève ces deux tracks, il reste quatre compositions. Sur les quatre, deux sont des clones en termes de structure, puis pour le reste, une est excellente, "Hecatombe", et l’autre composition "Magno Caos" reprend la recette introductive des deux premiers titres sur toute sa longueur. Ainsi, sur la répartition on se retrouve avec un disque dont les différentes phases ne s’équilibrent pas bien sur toute la longueur. Malgré tout, "Vazio" apporte son petit lot de bons moments, il y a une véritable atmosphère tout du long et Sepulcros respecte les us et coutumes du genre qu’il défend. Nous avons donc là une galette destinée aux initiés, et peut-être de quoi mettre un pied à l’étrier à ceux qui veulent découvrir le genre doom / death atmo.
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