"In Service Of The Dead"
Note : 15/20
Si vous aimez le death metal gras de la scène suédoise du début des années quatre-vingt dix, vous allez vous sentir chez vous avec le nouvel album de Sentient Horror, "In Service Of The Dead" ! On sent l'influence des apôtres de la HM-2 qu'étaient Entombed ou Dismember mais avec un petit truc en plus qui permet au groupe de ne pas être une simple copie.
Et ce petit truc en plus d'après le chanteur Matt Moliti, c'est que cette fois il a voulu donner un côté plus accrocheur en allant piocher dans ses influences thrash et heavy metal en citant quelques petits groupes qui débutent comme Iron Maiden, Judas Priest, Dio ou Megadeth. Et il faut avouer que ça marche plutôt car dès l'ouverture de l'album avec "The Way Of Decay" on sent bien le côté accrocheur et direct qui fait headbanguer direct avec des riffs du tueurs et un death metal violent et gras qui tape dans le mille. Trois petites minutes et c'est fini, dans le genre démarrage en trombe ça se pose là. Le tempo est nerveux, ça blaste pas mal, les riffs sont aussi puissants que gras et les guitares et la basse bavent bien dans les enceintes. Les inspirations heavy et thrash sont évidemment très discrètes et se sentent surtout dans cette envie de faire quelque chose de direct et d'accrocheur plutôt que dans des plans sonnant vraiment dans ces styles. Pareil pour "Undead Mutation" qui suit et qui tabasse tout autant avec là encore de bons gros blasts et des riffs qui foncent dans le tas sans réfléchir, le reste du temps c'est du up-tempo bien nerveux et des passages mid-tempo bien gras qui vous tassent les vertèbres. Bref, Sentient Horror a tout compris au death metal et balance exactement tout ce qu'il faut dans le bon dosage : groove, violence, légère pointe mélodique dans les soli et pour accrocher un peu l'oreille dans les leads et production grasse et puissante qui arrache le papier peint. D'ailleurs, l'intensité ne baisse que rarement, le groupe n'est pas trop du genre à lever le pied et quand il le fait c'est pour balancer des passages qui écrasent la tronche.
"In Service Of The Dead" est d'une efficacité à toute épreuve et les trente-sept minutes passent tellement vite que l'on n'a pas le temps de s'ennuyer une seconde. Le côté très direct, violent et accrocheur des morceaux fait que les influences suédoises ne sont jamais trop flagrantes. Le groupe les a suffisamment digérées et met sa patte dans des morceaux frontaux et taillés pour le live. "Cadaverous Hordes" nous sort des riffs qui sentent le punk et donc le grindcore, là encore sur un tempo sur-boosté et des blasts de bourrins qui ne se privent pas pour nous en remettre une derrière les oreilles. Quant au tout aussi bourrin "The Tombcrusher", c'est carrément le vieux Carcass qui vient à l'esprit ! Le plaisir que prend Snetient Horror à faire ce type de death metal s'entend à chaque seconde, ça transpire justement dans ce tempo qui sent l'urgence à plein nez et cette envie de foncer dans le tas sans réfléchir. Enfin sans trop réfléchir parce que le groupe ne bâcle pas le travail, tout ça est travaillé et sacrément bien composé. Parce que des groupes qui font du death à la suédoise, on en connaît plein, mais beaucoup tombent dans le piège de la redite avec des influences qui s'entendent beaucoup trop. Chez Sentient Horror, on les reconnaît mais elles ne prennent pas toute la place, le sens de la composition et le travail de ces gars-là fait que leurs morceaux sont suffisamment efficaces et jouissifs pour faire oublier d'où ils viennent. Et même si les premiers Entombed ou Dismember n'hésitaient à se faire brutaux, il faut dire que Sentient Horror en rajoute encore une couche et se fait bien brutal.
Sentient Horror est donc toujours en forme et "In Service Of The Dead" est une boucherie très efficace qui pioche dans le death suédois old school mais pas seulement. Les influences sont très bien digérées et le groupe arrive à poser sa patte sur des morceaux qui défoncent tout. Trente-sept minutes d'une efficacité redoutable qui devraient faire un massacre en live et mettent sérieusement en danger le mobilier de votre appartement.
"Morbid Realms"
Note : 15/20
Dans la scène death metal, il y a ceux qui innovent et il y a les nostalgiques, Sentient Horror se positionne plutôt dans la deuxième catégorie. Loin de vouloir apporter un son novateur à la scène, les Américains, derrière le très efficace "Ungodly Forms" paru en 2016, reviennent avec du nouveau à proposer aux inconditionnels du swedeath des années 90 avec "Morbid Realms".
Ici, pas de temps à perdre en fioritures et introductions samplées, le premier morceau de l’album nous attaque directement sans aucune forme de procès et nous plonge d’emblée dans un chaos instrumental dans lequel le chant ne va pas tarder à se faire entendre. Une entrée en matière des plus surprenantes pour le genre, on se serait plutôt attendu à un riff lent et insidieux avant cette explosion musicale, ce que l’on retrouve avec grand plaisir dans les titres "Cemetery Slaughter" et "Morbid Realms", on constante néanmoins une certaine variation dans les intros tout au long de l’album, allant d’une violence directe et sans concession de "Bound To Madness" à l’introduction plus grandiose, lente et écrasante de "Loss Of Existence", ce qui lui offre une certaine diversité, l’empêchant de tourner trop vite en rond et de tomber dans la facilité répétitive.
Cependant, le groupe ne parvient pas à éviter de tomber dans les clichés typiques du death old school avec des riffs qui, bien que très efficaces, se répètent beaucoup au long des titres mais qui, malgré tout, restent agréables car sont d’une durée raisonnable et agrémentés de trémolos guitare / basse qui parviennent à couper cette sensation de répétition tout en maintenant un rythme et une ambiance cohérents, ce que l’on retrouve dans "Black Wings Of Delirium".
Peu de morceaux échappent au traditionnel solo technique, ces derniers, s’inspirant grandement de tout ce que la scène a pu produire de meilleur, font la lumière sur une production très soignée et la technicité des musiciens mais malheureusement se renouvellent peu, bien que certains puissent plus retenir l’attention, que d’autres comme celui du morceau éponyme qui se distingue par sa longueur et par le fait qu’il soit particulièrement bien amené par un ralentissement des instruments, comme du chant, rendant ainsi au solo une dimension salvatrice de l’oppression subie précédemment.
Le chant, bloc quasi monolithique droit et carré tout le long de l’album, ne s’autorise un écart plus éraillé qu’à la fin de "Reanimated", appuyant la vitesse d’un riff qui va clore la chanson, style de riff de clôture d’une efficacité indiscutable que l’on prend plaisir à retrouver dans "Sworn To The Dead" ou "Obsessive Killing Disorder" dans lesquels l’apex ne se produit qu’au moment de tout réduire au silence.
Sentient Horror ne délivre pas ici un album qui se veut fidèle au death old school tel qu’on le conçoit en pensant à Entombed ou Dismember mais plutôt un hommage à ces derniers, on le constate par l’utilisation d’une production très propre et soignée, et de jeux d’instruments bien moins dissonants, s’inscrivant plus dans la lignée d’un Bastard Grave que d’un Disfuneral, mais qui seraient toutefois loin de faire rougir les pionniers du genre.
"Ungodly Forms"
Note : 17/20
9 Décembre 2016, Sentient Horror, formation de death metal nord-américaine, sort son premier album "Ungodly Forms", signé chez Redefining Darkness Records et Testimony Records. C’est donc avec une certaine curiosité que je découvre l’opus, qui démarre par une intro d’une cinquantaine de secondes, nous plongeant immédiatement dans l’univers du groupe. Les bases sont posées : des guitares lourdes alliant saturation grasse rappelant les heures de gloire du death metal des années 90, avec des envolées mélodiques qui vont caractériser par la suite l’album dans son entier.
L’intro enchaîne directement sur le premier titre "Abyssal Ways". Le chant de Matt Moliti (ex-Dark Empire, et également guitariste sur l’album), qui n’est pas sans rappeler un certain Chuck Schuldiner, vient se poser parfaitement sur les guitares saturées et les nombreux blasts et changements de rythme du morceau. On a également droit à un petit solo de guitare mélodique et bien maîtrisé, qui étoffe ce titre déjà bien construit.
On reste dans la même ambiance sur "Die Decay Devour" et "Blood Rot", on commence à se dire que ce jeune groupe se débrouille plutôt bien !
"Splinter The Cross", quant à lui, vient nous retourner la tête à sa façon. Commencer le morceau par une harmonie à deux guitares était très bien pensé, et ajoute à la finesse de composition des musiciens. Tout est magnifiquement conduit ; la voix, comme un écho, couplée au jeu de batterie de Ryan Cardoza très black metal à certains moments, le superbe solo en tapping…, c’est une réussite.
On retient également "Ungodly Forms", morceau éponyme au rythme très groovy et aux faux airs de "The Rack" (Asphyx). Le refrain, scandé par le talentueux Matt, hypnotise et rentre en tête. Sans aucun doute un des meilleurs titres de l’album !
Les titres s’enchaînent, le puissant et catchy "Suffer To The Grave", suivi de "Host Of Worms" et "Of Filth And Flesh", morceaux de gros death old school qui tache. Il est d’ailleurs important de noter ce dernier point, qui s’affiche clairement comme être la marque de fabrique de Sentient Horror tout au long de l’album. Le groupe a ses préférences et ses mentors, et les revendiquent sans aucune gêne, ce qui est très appréciable.
Je continue mon écoute, et quel ne fut pas mon étonnement d’entendre des notes de clavier retentir dès les premières secondes du morceau instrumental "Mourning". Ici, on fait un virage à 180 degrés vers une ballade mélancolique mêlant guitares en clair et nappes de clavier. Une minute et vingt sept secondes qui suffiront à donner à "Ungodly Forms" encore une autre facette inattendue et superbe, on aimerait qu’elle se poursuive plus longtemps.
L’album s’achève sur "Celestial Carnage", qui est relativement dans la même veine que "Ungodly Forms", par son début lent et très "asphyxien". Le morceau prend de la violence au fil des minutes, violence tout même contrebalancée par de très beaux solos de guitares venant ponctuer les différentes structures. Telle une pyramide, après avoir atteint son sommet, "Celestial Carnage" va en decrescendo et se termine en un fondu de guitares fébriles et de nappes de clavier.
Que dire de plus sur ce très bon album qu’est "Ungodly Forms" ? Sentient Horror a bien compris les codes du death old school et les applique à la règle, s’inscrivant dans la lignée de ses mentors tels que Entombed, Asphyx, Death, ou encore Carcass. Cependant, le groupe ne tombe pas dans le réchauffé total, et apporte sa touche personnelle tout au long de l’album. Les titres sont travaillés et maîtrisés de bout en bout, comme sculptés de façon à ce que chacun ait une particularité qui lui est propre.
"Ungodly Forms" est fortement recommandé aux fans de death de la première heure, et est très prometteur pour la suite !
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