"Heavenly Down"
Note : 17/20
Les Hongrois de Sear Bliis reviennent après six ans d'absence avec leur neuvième album "Heavenly Down". Fidèle à sa tradition, le groupe délivre une fois de plus son black metal atmosphérique doté de quelques accents plus expérimentaux et d'un instrument atypique pour le genre, à savoir le trombone. Une mixture toujours particulière de violence typiquement black metal d'un côté et de beauté orchestrale de l'autre.
On retrouve cette patte dès l'ouverture de l'album avec "Infinite Grey" qui balance des blasts et des riffs tranchants avec des claviers en fond qui installent une ambiance stellaire et une fois de plus le mélange renvoie directement aux années quatre-vingt-dix. Le trombone se fait vite entendre et comme d'habitude avec Sear Bliss, l'instrument ne fait pas tache dans le décor et s'intègre merveilleusement bien à l'ensemble, en plus de développer des ambiances plus épiques ou plus dramatiques. On sent qu'il est intégré dans les compositions dès le départ et ne sert pas de simple gimmick comme certains peuvent le faire depuis quelques années avec le saxophone, un instrument qui semble avoir été découvert seulement récemment par pas mal de groupes qui s'amusent à en foutre partout. Ce premier morceau se fait en tout cas bien nerveux et tabasse pas mal avec des blasts fréquents et des riffs purement black metal qui tranchent dans le vif. Si "Watershed" calme un peu le jeu avec plus de mélodies et un rythme plus posé, le groupe repart sur un black metal plus proche de la tradition sur "The Upper World" qui bourre bien lui aussi avec une violence soutenue, des blasts partout et une ambiance bien plus sombre et inquiétante. Les mélodies et les voix claires qui se font de temps en temps entendre amènent quelque chose de plus poignant, et quand le trombone arrive c'est carrément une ambiance épique qui s'installe ! Retour sur quelque chose de plus posé, plus mid-tempo avec là aussi un mélange entre ambiances épiques et dramatiques pour le morceau titre.
Sear Bliss arrive à mélanger tout ça sans jamais sonner ni trop bourrin, ni trop mou et le dosage entre les ambiances épiques, stellaires ou mélancoliques d'un côté et la fureur typique du black metal de l'autre est quasiment parfait. On est touché en plein coeur par des mélodies poignantes et évocatrices et quelques secondes plus tard c'est une tempête de blasts qui vous tombent dessus avec en renfort des riffs tranchants et directs. Non seulement le groupe s'est toujours démarqué du reste de la scène avec l'incursion de trombone et ces fameuses ambiances, mais en plus de créer son propre univers et d'amener le black metal sur d'autres terres il trouve le moyen de nous toucher par une puissance d'évocation impressionnante. "The Winding Path", par exemple, enchaîne les mélodies à tomber par terre et développe là encore une ambiance mélancolique et presque stellaire qui nous emmène très loin. Et malgré cette richesse, cette complexité plus prononcée que chez les autres représentants du genre, ces multiples influences et l'utilisation du trombone, tout ça reste accessible et relativement accrocheur. Si les étiquettes avant-gardiste ou expérimental sont fréquemment utilisées pour désigner la musique de Sear Bliss, il n'y a pourtant rien d'hermétique par ici. "Heavenly Down" est un album fréquemment touchant, poignant, qui va certes bousculer les codes classiques du black metal mais sans jamais vous perdre en cours de route. Tout est tellement travaillé et maîtrisé que ce nouvel album va une fois de plus vous embarquer avec lui et ne vous lâcher qu'à la toute fin, vous laissant désorienté à vous demander où sont passées ces quarante-cinq minutes.
Sear Bliss frappe donc fort une fois de plus avec "Heavenly Down", un neuvième album qui prouve que le groupe est toujours aussi inspiré et que les six ans d'attente depuis le précédent album en valaient la peine.
"Letters From The Edge"
Note : 18/20
Grand fan de black mélodique, j'arpente souvent les chaînes YouTube consacrées à ce style.
Satisfaisant ainsi ma soif musicale. Quelle ne fut pas ma surprise, quand j'ai cliqué sur le
premier album de Sear Bliss. Ce groupe hongrois offre un black symphonique entraînant,
mélancolique, planant dans un style et un artwork pagan. Très prolifiques depuis "Phantoms" en
1996, ces musiciens nous font part de leur nouvelle pépite, "Letters From The Edge". On
comprendra pendant l'écoute à quel point la pochette de l'album reflète parfaitement ces
différentes mélodies.
"Crossing The Frozen River" fait chavirer à travers de légères cordes planantes directement
vers "Forbidden Doors". Accueillis par un bon blast beat, le chant est rauque et caverneux. La
guitare suit cette cadence. Puis vient le calme plat, des voix de petits elfes en fond chantant
dans une ambiance paganisante. La fameuse trompette chère au groupe reprend ces mêmes
mélodies. On rentre dans une bulle mystique symbolisée par la myriade de couleurs derrière
ces montagnes.
J'apprécie beaucoup les couleurs de cet album permettant de mieux comprendre toutes les
subtilités de la musique. Une atmosphère solennelle se met en place à travers "The Main
Devide" et "Seven Springs". On y entend le chanteur principal s'exprimer comme un chef. La
batterie est stridente devant cette guitare aux tons légers. Une autre voix plus agressive
s'oppose à tout cela. On part maintenant sur du black plus classique avec des riffs planants. Le
growl principal est plus enjoué, mêlé aux trompettes et flûtes. On remarque bien le contraste
entre cette menace montante et l'environnement paisible initial. On retrouve d'ailleurs cette
différence à travers les couleurs rouge et vert forêt de l'artwork.
Mais le groupe se dégage vraiment de sa formule de base en nous proposant des airs parfois
surprenants. "A Mirror In The Forest" donne un aperçu techno futuriste presque cybergoth. La
batterie ralentit mais le chanteur se libère, complètement déchaîné. Le nuage post-black
arrive accompagné de flûtes sonnant comme une balade dans la nature. Une touche stoner se
fait aussi sentir avec la gratte vrombissante. On retrouve ces mêmes éléments dans "Leaving
Forever Land" avec toutefois un sample de musique science-fiction 70's à un moment qui ne colle pas. Le
chanteur module extrêmement bien sa voix avec les grattes et la batterie. Il raconte son histoire
à travers des trompettes qui sonnent de manière discontinue. Avec, en plus, un black traditionnel
sortant de vielles oubliettes de châteaux. Cette ambiance cosmique et planante se retrouve
dans la couleur grise bleutée proéminente.
On finit en apothéose avec "Shroud". D'autres paroles plus barbares se font entendre.
L'ambiance se transforme à un environnement similaire à God Is An Astronaut. Un choeur
angélique se fait entendre en arrière-plan. La guitare fait monter les mélodies vers l'espace. Les
chants annoncent la fin, accompagnés des bonnes trompettes. On pourrait presque penser à une musique de fin d'un très bon film.
Sear Bliss se démarque encore une fois avec une oeuvre sublime. Un album mêlant plusieures
essences, et ces trompettes... mon Dieu... ces trompettes. Un album qui glisse dans
toutes les oreilles.
"Eternal Recurrence"
Note : 15/20
Sear Bliss, voilà un nom que j'ai l'habitude de croiser depuis des années sans jamais avoir jeté une oreille sur leur musique, le groupe a sorti son premier album en 1996 et nous dévoile son dernier méfait "Eternal Recurrence". Catalogué black atmosphérique, le groupe s'est fait remarquer entre autres par l'utilisation de cuivres dans sa musique.
Ils sont toujours là et apportent une couleur assez inhabituelle pour du black metal, il faut dire que la façon dont ils sont utilisés renforce les ambiances. Parce que oui, Sear Bliss base toute sa musique sur les ambiances, pas de blast rageurs pendant 40 minutes chez ces Hongrois. Leur black se fait plus pesant, plus noir, et surtout plus fin. Sear Bliss préfère construire tout un monde dans lequel vous perdre plutôt que de vous ramoner les cages à miel, le genre de musique "visuelle". Pas le genre à écouter en faisant la poussière histoire d'avoir un fond sonore, c'est en vous plongeant dedans que vous allez pouvoir voyager. On pourrait presque rapprocher cet album de ce que peut faire un groupe comme Secrets Of The Moon, cet espèce de dark black occulte et poisseux.
On note aussi la présence d'une basse bien mise en avant, parfois même fretless ! Ce groupe propose définitivement un mélange étonnant, même les passages en chant clair sont très bons et s'intègrent parfaitement au reste. Globalement le tempo est d'ailleurs assez lourd, en dehors de quelques blast sur "A Lost Cause" par exemple. A noter d'ailleurs que ce morceau présente un morceau beaucoup plus glauque que les autres, un côté bien malsain se dégage des riffs menaçants et de cette voix claire désabusée. Là où certains groupent galèrent à impliquer l'auditeur en utilisant des tonnes de claviers, des orchestres symphoniques et une tripotée d'arrangements, Sear Bliss nous embarque dans son délire avec une facilité déconcertant et une relative simplicité.
D'autant que l'album ne dure que 38 minutes, on n'a donc vraiment pas le temps de s'ennuyer. L'album passe tout seul et on se surprend à se dire qu'il est déjà fini, une bonne excuse pour le repasser une deuxième fois. Au moins ils ont évité le piège de l'album monde interminable, qui sous prétexte de vous embarquer dans son univers fait durer les morceaux pendant des heures. Pas de ça ici, comme le disait un certain Max Well, le mari de Rose : Pas besoin d'en rajouter (alors là je ne sais pas ce qui est le plus honteux, la vanne pourrie où la référence naze ?). Les bourrins de base répondront que c'est du black de fillettes, moi je vous dirai que j'ai toujours considéré cette musique comme étant basée sur des ambiances. Pas besoin de blasts à 280 bpm tout le long de l'album pour que je considère ça comme du black, même si là effectivement avec ce groupe on commence à s'en éloigner un minimum. Toujours est-il que les bases sont là, et que certains passages sont plus noirs que bien des choses entendues chez des groupes de "true black".
D'ailleurs le son est excellent, assez propre et gros, il permet de distinguer parfaitement tout ce qui est joué. Idéal pour apprécier la ballade dans ces étranges contrées, parfois hostiles et d'autres fois magnifiques. C'est le cas sur l'avant-dernier titre, "There's No Shadow Without Light" qui se termine sur un solo extrêmement simple mais d'une beauté à couper le souffle ! Une occasion de souffler après le côté étouffant de ses prédécesseurs, un petit rayon de lumière au milieu de ce champ de ruines. Rayon de soleil que le dernier titre se chargera très vite de cacher définitivement, apportant un côté totalement fou avec cette drôle de voix claire qui égrène quelques mots en plein milieu du morceau.
Je ne sais pas pourquoi après tout ce temps je n'ai jamais pris la peine de jeter une oreille sur leur musique, mais je crois qu'à partir de maintenant je vais être un peu plus attentif. Je croisais déjà leur nom à l'époque des premiers numéros Français de Metallian, et le pire c'est que ça m'a toujours intrigué ce truc. Voilà une erreur réparée, et si vous avez fait comme moi je vous conseille une petite séance de rattrapage avec cette galette.
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