Bon, voici un groupe sorti de nulle part, peu d’infos sont disponibles sur le net, sur l’Encyclopedia Metallum il y a que dalle et en ce qui concerne la discographie du groupe, eh bien celui-ci n’a sorti qu’un seul album, celui-ci, "Les Affres Du Néant". Le plus fou dans tout ça, c’est qu’à peine le disque inséré dans le lecteur, on se prend une salve malaisante de poisse musicale qui laisse un arrière-goût amer et abject, pile poil ce qu’on recherche dans ce genre de musique. Le metal noir a toujours eu un penchant pour la rébellion et la controverse, et depuis maintenant pas mal de temps, celui-ci s’est vu être poli, lissé, rendu totalement inoffensif, émasculé de son essence macabre et malsaine à cause de pléthore de formations qui font ça pour la hype et le faux anticonformisme. Alors, imaginez-vous, lorsque vous tombez sur le fruit musical de grands malades, vous vous surprenez à esquisser un sourire pervers et malsain à l’écoute d’un maelstrom de schizophrénie et de misanthropie comme peut l’être "Les Affres Du Néant". Dès le départ, ça sent le "rien à battre" à plein nez, pour preuve, sur les 7 titres de l’album, aucun n’a la même production, rien que ça ! Par exemple, "Le Purin De L’Angoisse" est surmixé par rapport au reste, le genre de détail auquel on fait très attention lorsque l’on souhaite diffuser sa musique. On a donc le sentiment d’écouter une compilation, sauf que le style défendu par Sarkasm est tellement personnel que, bon sang, on s’en fout du mix, ce n’est qu’un détail, cela faisait un moment que l’on n’avait pas entendu une musique aussi macabre et négative.

Je mentirai en disant que le black s’est vachement radouci, parce que parmi la foule de moutons biberonnés au post-machin-intello-on-est-méchant-mais-mon-musicien-préféré-c’est-Steven-Wilson, il existe encore des formations qui repoussent les frontières de la déraison. Funeral Mist, Culte Des Ghoules, Deathspell Omega proposent tous une musique aussi originale que décadente et antipathique, vous pouvez rajouter Sarkasm sur la liste désormais. Déjà, premier point fort, le chant, à la fois possédé, fou, dédaigneux et approximatif, son but ultime est de vomir son inhumanité sur nos pauvres corps pétrifiés de terreur, nos pensées confuses face à tant de négativité. Non mais rien que les titres : "La Mort Est Si Obscene", "Le Purin De L’Angoisse", "Jardin Des Inespoirs", rien qu’avec ça, on est assez vite conscient que c’est pas ce que l’on va faire écouter dans le break familial sur la route des vacances direction le camping en bord de mer. Ce genre de disque, c’est même certainement un répulsif à blackeux trendy qui ne jure que par Alcest et Deafheaven. Désormais, je vais ajouter un nouveau curseur à mon répugnomètre, qui me sert à mesurer le caractère répulsif engendré par la musique pour y insérer Sarkasm. La France est quand même un vivier fertile d’esprits malades, Aosoth, Antaeus, pour ne citer qu’eux, mais musicalement, "Les Affres Du Néant" laisse entendre une musique plus rudimentaire, garage et sale.

Les titres présents sur l’album ont tous, à la fois un petit truc bien à eux mais participent à une cohérence globale qui maintient le concept jusqu’au bout. "La Mort Est Si Obscène" se base sur un riff simpliste et mélancolique sur lequel vient se superposer plusieurs lignes de chant, incantatoire et malsaines, contrastant admirablement avec le fond musical, lancinant et limite apaisant. Tout s’emballe lorsque la batterie perd les pédales, le macabre s’immisce dans la musique et on a droit à un black sans compromis qui délivre toute sa noirceur. Il y a un petit côté Mayhem, déjà dans les sons gutturaux que propose Ruins, le vocaliste, mais aussi dans l’approche compositionnelle, de par la dimension entêtante et profondément pessimiste des riffs. "Le Purin De L’Angoisse" persiste dans la fange musicale, la production très organique nous envoie vers des sonorités typiques de la deuxième vague norvégienne, un pur régal pour nos oreilles qui se font violer avec saleté. La partie mid-tempo au milieu du titre illustre à merveille la capacité de Sarkasm à créer des fractures efficaces, la formation aborde de manière instinctive son black metal, ce qui prouve une réelle imprégnation des arcanes de cet art sombre de la part de ces musiciens. "Les Foules Marchent" fait retomber un poil la pression, notamment par rapport au mix, un poil plus faiblard, mais la musique n’en perd pas néanmoins toute sa noirceur. Les sons d’orgue arrivent à point nommé pour appuyer la dimension occulte. "Les Affres Du Néant", le titre éponyme, réussit à nous faire descendre encore d’un cran vers la décadence. Non seulement la production est encore plus dégueulasse, mais ce titre, très vindicatif, s’affirme par sa catharsis, cette souffrance palpable, omniprésente, mêlée à une forme de défaitisme. "La vipère Siffle" sonne un poil plus guerrier, avec une touche de mélancolie, à la fois simple et radical comme toutes les compositions de cet opus, le trio crée un black aussi évident dans les structures que captivant. "Jardin Des Inespoirs" étonne par son penchant gothique, certainement à cause de la basse sur laquelle repose l’essentiel du morceau, une mélodie étrangement majeure se partage l’environnement sonore avec des moments plus punk, ce titre dénote sans pour autant faire tache. Le disque se termine par une outro dérangeante, des bruits de cloches de cathédrale, un fond sonore black metal apparaît derrière des sons percussifs indéfinissables, une expérience musicale comme The Residents, à titre d’exemple, peuvent nous en proposer.

Très sincèrement, ce disque est une des plus belles surprises musicales que j’ai eu l’occasion de découvrir ces derniers temps. La musique de Sarkasm ne plaira certainement pas à tout le monde, c’est normal, et c’est tant mieux. La formation française propose, et l’auditeur dispose, une direction tout à fait normale, et qui fait du bien de nos jours, car combien de groupes font de la musique pour plaire à un public et non dans un but personnel ? "Les Affres Du Néant" nous fait traverser les époques du black, en partant de la scène scandinave et en s’imprégnant de tout ce qui se fait de plus radical et anticonformiste en la matière. L’inégalité de la production et le son global qui ne se fixe jamais réellement participent à ce climat sauvage et schizophrène. Si vous cherchez un album de black metal qui met dans l’inconfort et sème le doute, qui joue avec vos nerfs, qui vous provoque, "Les Affres Du Néant" peut vous apporter tout cela pour une expérience musicale délicieusement éprouvante.