"Rivers Of Nihil"
Note : 18/20
Rivers Of Nihil sait rebondir. Après le départ de leur vocaliste et d’un des guitaristes, Brody Uttley (guitare, ex-Dissian), Adam Biggs (basse / chant, WretchedPain, ex-Dissian), et Jared Klein (batterie, Flub, ex-Psychosomatic) recrutent Andy Thomas (guitare / chant, Antiqva, ex-Black Crown Initiate), et collaborent avec Patrick Corona (saxophone, Cyborg Octopus), Grant McFarland (violon, Galactic Empire) et Stephan Lopez (banjo, Cavum) pour créer leur cinquième album, "Rivers Of Nihil".
Le premier titre à frapper est "The Sub-Orbital Blues", exploitant alternativement les capacités vocales d’Andy et Adam pendant que la rythmique fait rage, témoignant à la fois d’une lourdeur oppressante, mais aussi d’une grande technicité. Pour l’avoir vu à l’oeuvre, le titre est parfait pour débuter un set avec sa versatilité, notamment lorsque le saxophone arrive, puis c’est finalement le groove et l’agressivité que le groupe développe avec "Dustman", créant un cocktail explosif et intense. L’alliance des voix est véritablement délicieuse, sous les vagues de rage, mais le son finira par faire place à l’inquiétante "Criminals" qui exploite de plus en plus les racines prog du groupe pour créer des patterns mystérieux, mais qui ne met pour autant pas de côté les phases les plus violentes. "Despair Church" prend assez vite la suite, laissant les racines les plus sombres prendre le dessus tout en développant quelques touches dissonantes et imprévisibles, profitant de sa longueur pour faire durer l’angoisse en nous menant vers un son plus doux comme sur "Water & Time" qui nous envoûte grâce à sa quiétude.
Une éruption de fureur est tout de même au programme, mais le morceau sonne comme un véritable moment de repos, surtout comparé à "House Of Light" qui nous incite rapidement à remuer le crâne avec frénésie sur ses passages grandioses. Le final est à son tour relativement doux, à l’inverse de "Evidence" qui est beaucoup plus courte, mais qui ne perd pas un seul instant pour nous molester de toutes ses forces, en particulier grâce à une section rythmique massive. Après un court moment de flottement, le morceau repart, offrant même sur ses derniers moments des gang shouts liés à la base au hardcore, mais "American Death" prend le relai et nous met face à un véritable mur de son dévastateur qui emprunte parfois au deathcore - notamment sur la fin - ainsi qu’à des sonorités plus chaotiques. On continue avec l’approche épurée de "The Logical End" qui laisse les instruments entrer un par un dans la composition, mais lorsque les parties vocales prennent à leur tour leur position le morceau devient largement plus menaçant, mais le titre est à nouveau long et s’offre diverses fantaisies avant de laisser place à "Rivers Of Nihil", l’intrigante dernière composition où les claviers modernes et intrigants révèlent une fois de plus l’éventail de capacités du groupe, tout en mettant un terme à ce chapitre.
Rivers Of Nihil a toujours été un projet très fluctuant, qui s’orientait plus vers le prog que le death dernièrement, mais cet album semble ajouter de nouvelles cordes à leur arc. "Rivers Of Nihil" plaira sans mal, que ce soit aux anciens comme aux nouveaux fans.
"The Work"
Note : 18/20
Rivers Of Nihil vient compléter son oeuvre. Créé en 2009 aux Etats-Unis, le groupe nous
avait ébloui en 2018 avec un troisième album incroyable. Jake Dieffenbach (chant), Brody
Uttley (guitare, ex-Dissian), Adam Biggs (basse/chant, WretchedPain, ex-Dissian), Jon
Topore (guitare) et Jared Klein (batterie, Flub, ex-Psychosomatic) nous présentent "The Work", leur quatrième album, à nouveau accompagnés par Zach Strouse (Burial In The
Sky) au saxophone.
On débute avec "The Tower (Theme from "The Work")", un premier titre qui lève
progressivement le voile sur le son que le groupe va développer sous l’artwork de Dan
Seagrave (Suffocation, Decrepit Birth, Devourment, Gorguts, Entombed, Morbid
Angel, Pestilence…). Un chant clair et des mélodies mélancoliques nous mènent à cette
explosion aérienne qui finira par s’apaiser avant "Dreaming Black Clockwork". Le titre nous
offre lourdeur, complexité réfléchie et une rage solide, mais également une ambiance
étouffante, que la rythmique écrasante soit en marche ou non, et on retrouve cette folie qui
nous avait séduits. Le final chaotique nous propulse sur la douce "Wait", une composition très
calme qui conservera cette ambiance rassurante même lorsque les hurlements
fantomatiques et la saturation viendront hanter les riffs, puis "Focus" propose un groove
sombre très accrocheur. Le duo chant saturé renforcé par des choeurs clairs est sublime,
puis le groupe renoue avec la rage sur "Clean", le titre suivant. Ces patterns rapides et
explosifs font leur effet, apportant noirceur et lourdeur à la composition entêtante qui
propose également des harmoniques dissonantes et ambiantes avant de s’achever sur de la
violence pure, alors que "The Void From Which No Sound Escapes" nous propose une
nouvelle pause de douceur.
Elle sera de courte durée, puisque l’on entend déjà que le son
s’embrase en arrière-plan, tout en conservant des passages plus calmes qui mettent en
avant les capacités des musiciens. Le groupe enchaîne avec la puissante "More?", un titre
un peu plus court qui s’axe entièrement sur une rage viscérale, et même lorsque la
rythmique semble calme, elle ne demande qu’à nous exploser au visage. La lourdeur sera
mise de côté sur la courte "Tower 2", une composition inquiétante mais calme, qui développe
des tonalités ambiantes tout comme "Episode", un morceau qui s’appuie sur une certaine
lenteur pour surprendre avec une lourdeur majestueuse et lancinante. A nouveau le titre
développera des sonorités complexes et entêtantes, puis la violence refait surface,
accompagnée d’éléments sombres, effrayants et dissonants. "Maybe One Day" prend la suite
avec un son beaucoup plus doux et calme qui emprunte au post-metal pour agrémenter
cette base prog. Les éléments death metal sont absents du morceau, mais l’angoisse surgit
à nouveau pour "Terrestria IV: Work", la dernière composition. Onze minutes et demie de
savoir-faire, d’ambiance oppressante, de mystère et d’éléments agressifs qui se mélangent
pour donner ce son que seul le groupe sait développer, tout en l’agrémentant d’éléments
aériens et de sonorités complexes.
Rivers Of Nihil maîtrise son sujet. Si le groupe semble s’axer sur plus d’expérimentations
sonores avec "The Work", le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est riche et efficace.
Chaque nouvelle écoute vous fera découvrir ou redécouvrir des éléments. On ne s’en lasse
pas !
"Where Owls Know My Name"
Note : 15/20
Tiens, ça faisait longtemps que je n’avais pas chroniqué un groupe de death chelou. Pourquoi chelou ? Parce que ce n’est pas totalement du death, loin de là… Sinon, je n’aurais peut-être pas eu autant envie d’en faire une chronique d’ailleurs. C’est ici chelou dans le sens où c’est varié, et du death varié, il va de soi que ça méritait bien que je me bouge le cul pour écrire quelques lignes. Voici donc Rivers Of Nihil, groupe qui n’hésite pas à mettre un peu de jazz ou même de folk dans un death qui sait toutefois faire preuve d’une violence plutôt classique quand il le faut.
Autant parler immédiatement des choses sérieuses, et même du morceau le plus sérieux de ce nouvel album (sorti chez Metal Blade Records tout de même), c’est-à-dire "Subtle Change", qui mélange metalcore, death, jazz, metal symphonique, on se croirait presque sur un album de Tool ! Là où Rivers Of Nihil sait se démarquer, c’est qu’ils savent prendre leur temps, créer une ambiance, un univers bien à eux, assez sombre, pesant, lourd, et l’instant d’après, paf, l’instru' se déchaine, la voix se met à hurler, et on a là du death assez technique et surtout de bonne qualité. À côté de ces chansons assez variées, on trouve aussi du death plus simple, mais toutefois trop technique pour se rapprocher d’un Cannibal Corpse, puisque l’instru' domine largement l’ensemble et offre quelques moments de répit à un chant parfois un peu trop mou.
On arrive donc au sujet qui fâche : la voix claire. Critique qui revient souvent avec moi, et dont vous trouverez une belle / moche illustration au début du titre éponyme. Malgré ce constat un peu facile, je dois avouer que cela ne vient pas trop gâcher l’ensemble, puisqu’une certaine variété bienvenue au niveau de l’instru' peut aussi l’être au niveau de la voix. J’en conclus en fait que je suis juste un peu intolérant lorsque ça ne gueule pas assez à mon goût.
Finalement, je reste agréablement surpris de voir que l’on peut faire du death différemment, qu’on peut produire quelque chose qui sort du lot, peu importe si quelques imperfections se glissent à droite à gauche, l’ensemble mérite le détour.
"Monarchy"
Note : 12/20
L'atmosphérique, c'est comme les intros ou le mélodique : ça m'emmerde. C'est vrai quoi, cultiver l'art du bourrin est tellement délectable, voire délicieux, je trouve ça trop dommage de venir le polluer avec de l'ennui musical, du néant auditif. Je n'ai rien contre le mélangisme, mais parfois, ça ne prend pas, surtout quand un groupe excelle dans un domaine et pas dans l'autre.
Énième exemple aujourd'hui avec Rivers Of Nihil, qui reviennent avec "Monarchy", deux ans après leur premier album. Composé d'anciens membres de Dissian et Anesthetized, ce n'est pas le talent qui fait défaut à ce groupe, loin de là. Au contraire, la piste "Monarchy", par exemple, saura vite vous convaincre qu'ils savent à merveille mêler riffs ultra déchaînés et voix propre au deathcore, sans difficulté. Ces Américains m'ont d'ailleurs à plusieurs reprises fait penser à d'excellentes formations, plutôt deathcore que death "classique", de Misery Index à Decapitated, en pensant par Carnifex.
Seulement voilà, il y a un hic, et pas des moindres. Je veux bien tolérer une interminable et suffocante intro / outro, mais pourquoi venir gâcher de si bons morceaux avec de longs passages à vide ? Quand je dis "passages à vide", il s'agit vraiment de passages où il ne se passe strictement rien. Par exemple la fin de "Terrestria II : Thrive", je n'arrive définitivement pas à me plonger dans cette ambiance, dans une sorte de néant sans fin qui conduit mes oreilles à s'éloigner d'une écoute qui aurait pourtant pu être très jouissive.
Parce qu'il est là le problème en fait : Rivers Of Nihil est très doué pour envoyer du pâté, mais dès qu'il sombre dans un délire atmosphérique, la sauce ne prend pas. C'est trop mou, trop linéaire pour réussir à nous attirer dans cet univers à part. Tellement dommage. Ça me rappelle les albums "Load" et "Reload" de Metallica, ou comment gâcher un gros potentiel inutilement.
On pourra finalement se consoler en pensant que cette jeune formation a encore besoin de temps pour choisir clairement son style et s'améliorer un peu, afin d'éviter de pondre des morceaux bien trop irréguliers. Affaire à suivre donc...