Quand il n’écume pas les showcases spéciaux, qu’il ne s’exhibe pas dans des démonstrations ardues de basse, qu’il ne s’adonne pas à son art lors de concerts anniversaires de certains albums ou qu’il ne trouve pas d’occasion de ressortir les notes qu’il a pu exercer dans Pantera, Rex Brown compose. Ou plutôt, quand il ne chôme pas, Rex Brown compose. D’ailleurs, il faudrait dire que le bougre ne chôme presque jamais puisqu’en dehors du félin noir qui a fait sa réputation, des projets qu’il a pu intégrer (Kill Devil Hill etc) ou encore des formations lui ayant crié au secours (notamment Down et Crowbar), Rexounet a trouvé le moyen et l’effort d’accoucher de son premier album "solo". Trêve d’égarements, le légendaire Texan et sa quatre cordes sont donc de retour avec "Smoke On This". Alors, fins limiers que nous sommes, allons fumer ça de plus près ! En fait, réflexion faite, allons plutôt voir la fumée que dégage cet album, ce serait plus approprié...
Premier cru tout seul, "Smoke On This" regroupe onze compositions dans un style purement heavy, groove voire hard mais compositions toujours tintées de cette chaude touche southern qui fera monter la température de quelques degrés de plus en donnant des envies de redneck. Pour la petite histoire, rappelons aux mémoires que, courant 2016, Rex Brown annonçait travailler sur ledit album. Moins d’un an après, la réalité a rattrapé la fiction et l’idée s’est désormais matérialisée en quarante-trois minutes de son. Musicalement, si Rex clame s’être inspiré des riffs qu’il composait au sein de Pantera ou de Down, le tempo de ce "Smoke On This" est clairement ralenti et moins lourd que dans les deux bestioles précédemment citées. Il en ressort donc un premier album solo assez hétérogène qui, sans se trahir, revisite les diverses facettes et inspirations du ‘sieur Brown : du heavy traditionnel ("So Into You") au "ballad rock" ("Buried Alive"). Mais surtout, ce "Smoke On This" respire et transpire ces influences, certains sons aguichant l’oreille avec un air de "déjà-entendu" pour le moins voulu, comme "Crossing Lines" qui se balade avec brio sur les plates bandes d’un certain "Back In Black". Pour la suite, même si l’album n’est pas parfaitement parfait comme un certain camembert, il reste très bon tout en renfermant sa (grande) part de réussite. Disons donc qu’il s’agit là d’un vrai album solo, à savoir un disque où l’artiste laisse couler et œuvrer son inspiration sans se ranger délibérément dans un seul style ou se cataloguer dans un genre unique ("Train Song", "Fault Line"). Le monsieur n’hésitant pas à ce titre à sortir de ses gonds et côtoyer le country. Quoi qu’il en soit, "Smoke On This" est une œuvre qui vacille sans limites mais tout en gardant une certaine ligne directrice qui s’apparenterait aux origines de la musique selon Rex Brown : un ensemble de mélodies bien foutues avec une voix atypique qui ne fait que poser des lyrics que seule cette dernière aurait pu interpréter ("Get Yourself Alright").
Oui parlons ici d’"œuvre" et pas seulement de disque, puisque c’est bien ainsi que Rex Brown a éminemment conçu son "Smoke On This". En ce sens, "Smoke On This" n’a que peu de défauts et, tout comme l’art abstrait, se révèle facilement déconcertant par les chemins ou sentiers qu’il peut emprunter et dans lesquels l’oreille se retrouve émerveillée ("What Comes Around", "Best Of Me"). D’ailleurs, celle-ci se retrouve assez vite puisque la majorité des sonorités font échos à la piste précédente et, par conséquent, le disque se répond dans un monologue arborant presque les mêmes notes ("Grace"). Alors même si dans une édition 1995 du Jeu des 7 Familles, Rex Brown serait réclamé par un truc du genre "Dans la famille Brown, je demande le cousin "sauvage" amateur de rodéo qui, entre James Brown et Alphonse Brown, avait pris l’habitude de dégainer des décibels groove voire sludge mais toujours purement heavy", l’édition 2017 mériterait un "Dans la famille Brown, entre Chris Brown et le Brownie, je demande le père musicien qui se laisse porter par ses émotions et ses influences les plus profondes pour revenir à ses premiers amours de compositeur". Du coup, ne laissons pas ressurgir nos vieux démons, posons-nous calmement avec ce "Smoke On This" et apprenons à le savourer.
Pour la sempiternelle et traditionnelle conclusion, avançons qu’avec l’âge, (T-)Rex s’est assagi et ne sort plus les griffes ou les crocs mais préfère la technicité simple, efficace et réussie. De son côté, "Smoke On This" est un très bon cru de heavy, classic / desert rock voire "coyote" rock. Oublions toutefois la violence et les cavalcades effrénées de "Cowboys From Hell" ou de "Vulgar Display Of Power", car si le headbang n’est pas tellement au rendez-vous, "Smoke On This" est loin de ces derniers mais excelle tout autant dans son genre. Bref, ce disque est à recommander aux amoureux de LA Musique et aux amants de la douce poésie décibellesque d’icone !
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