Le groupe
Biographie :

Prophets Of Rage est un supergroupe musical formé en 2016 à Los Angeles aux États-Unis. Mené par Chuck D de Public Enemy et B-Real de Cypress Hill, le groupe est complété par DJ Lord de Public Enemy et trois des quatre membres de Rage Against The Machine : le guitariste Tom Morello, le bassiste Tim Commerford et le batteur Brad Wilk. Le groupe tire son nom de "Prophets Of Rage", l'un des morceaux de Public Enemy qui figure sur leur album de 1988, "It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back". Prophets of Rage a sorti son premier album éponyme le 15 Septembre 2017.

Discographie :

2017 : "Prophets Of Rage"


La chronique


Queen, Pantera, Rage Against The Machine. Voici les trois groupes que je regretterai toujours de n’avoir pas pu voir sur scène. Pour les deux premiers, si je tiens à les voir dans leurs formations d’origine… c’est plutôt mal barré. Freddy, Dimebag, vous nous manquerez éternellement. En ce qui concerne Rage Against The Machine, ou RATM pour faire plus court et rapide, il n’est pas interdit de rêver. Mais ce ne sera pas pour tout de suite... Mais pourquoi parler de RATM alors que ce n’est pas le groupe qui nous intéresse aujourd’hui ? Eh bien parce que visiblement, au gré de mes lectures et errances sur le net ces temps-ci, il semblerait que beaucoup de gens aient cru que le quatuor de Los Angeles venait de sortir un nouvel album. Alors qu’en fait, eh bien… pas du tout ! Non non, vous devez avoir des problèmes de vue, car c’est bien “Prophets Of Rage” qu’il est écrit sur la pochette ! Et, qu’on se le dise, Prophets Of Rage n’est PAS Rage Against The Machine…

Alors certes, oui, on retrouve dans le line-up trois des quatre membres originaux, à savoir Tom Morello, Tim Commerford et Brad Wilk ; oui, musicalement, on retombe grosso modo sur une base de rap et de rock ; et oui, on a toujours face à nous un groupe politiquement et socialement engagé. Je vous l’accorde, jusque là on pourrait se méprendre. Mais je ne pense pas qu’il faille, comme énormément de personnes le font, comparer plus que ça les deux groupes. D’autant qu’on en arrive dans ce cas à trouver parfois certains bons blocs de bullshit à droite à gauche, par exemple lorsqu’on lit, presque dans le même paragraphe, une plainte sur “Ouais c’est nul ils copient trop Rage Against The Machine” et “Leurs chanteurs ils ont pas le niveau de Zack de la Rocha”... Donc ils plagient en faisant pareil mais quand ils ne font pas pareil, c’est mauvais ? Faudrait se décider. Par contre, les détracteurs de Prophets Of Rage ont raison sur un point : le résultat de leur premier album n’est pas vraiment très bon…

Pour replacer un peu dans le contexte, rappelons tout d’abord que, pour accompagner les trois musiciens cités plus haut, on retrouve au sein de ce supergroupe (c’est la mode en ce moment…) Chuck D et DJ Lord de Public Enemy, ainsi que B-Real qui, en ayant eu marre de faire le guignol avec Larusso, est repassé à des choses plus sérieuses avec cette formation. Et la présence de ce trio va énormément peser dans les compositions du groupe. En effet, et il s’agira là d’une première différence entre les deux groupes si souvent comparés, aussi subtile soit-elle, là où on pouvait très grossièrement résumer RATM à du “rock avec un rappeur au micro”, on pourrait tout aussi bien réduire Prophets Of Rage à du “hip-hop sur fond de guitare”. J’avais prévenu que c’était subtil, mais cette petite nuance a tout de même son importance, notamment sur la seconde moitié de l’album. On retrouve sur les pistes concernées une très forte influence du hip-hop des années 80 et 90, dont Public Enemy et Cypress Hill comptaient parmi les fers de lance : rythmiques, instrus, flow des deux MC aux commandes de la partie vocale… Tout ici rappelle les morceaux cultes de cette musique urbaine dans sa plus belle période, ce qui n’est pas étonnant quand on connaît le poids et l’influence de Chuck D et B-Real dans ce style.

Et quand on prend cela en compte, on s’étonne peut-être moins du côté moins énervé, moins hargneux de la musique de Prophets Of Rage. Mais ça ne veut pas dire pour autant que le côté rock est totalement zappé ! Certains en profiteront d’ailleurs, un peu à juste titre, pour souligner le fait que nos trois gaillards et leurs instruments ont quelque peu opté pour la solution de facilité en revenant à un style musical proche de celui qui a fait leurs heures de gloire, ce rock funky et groovy que beaucoup d’entre nous aimaient tant. N’ayant jamais vraiment accroché à Audioslave (huez-moi, je vous en prie) malgré la prise de risque certaine que représentait une telle exploration d’un nouveau paysage musical pour nos chers Tim, Tom et Brad, je ne vais pas me plaindre de les entendre revenir à ces sonorités qu’ils maîtrisent si bien. Le jeu simple mais efficace de la batterie, ce son et ce groove de basse, et les délires de Papa Morello avec sa guitare et ses effets par milliers filent relativement la pêche, en particulier sur les titres "Radical Eyes" et "Unfuck The World", qui avaient servi de singles pour la promotion de l’album.

Dommage que "Prophets Of Rage" suive le mauvais exemple d’un de ses prédécesseurs de cette année, "Powerflo", album lui aussi sorti par un autre supergroupe… Powerflo. Deux singles qui envoient du lourd, annoncent du bon, et nous font tomber d’autant plus haut lorsqu’on écoute le reste. "Resistance" et "Victim Of Circumstance" nous avaient déjà fait le coup avec la bande à Sen Dog et Billy Graziadei, "Radical Eyes" et "Unfuck The World" réitèrent ici l’opération. Et ce que j’avais écrit à propos de Powerflo il y a quelques temps lors de la sortie de leur premier album peut en effet également s’appliquer à Prophets Of Rage aujourd’hui : qu’est-ce que c’est mou ! Au regard des deux line-ups, on serait en droit de s’attendre à ce que ça envoie du lourd non stop, à des compos puissantes, endiablées… et il n’en est malheureusement rien. Évidemment, je n’espérais pas du blast, de la double pédale ou du death technique, mais quand on entend ce que Body Count ou Stuck Mojo nous ont offert en termes de puissance et de qualité musicale, respectivement sur "Bloodlust" et "Here Come The Infidels", on ne peut que regretter la relative mollesse de la plupart des morceaux de ce "Prophets Of Rage".

Toujours est-il que, si nos petits Californiens sont moins enragés, ils n’en deviennent pas pour autant moins engagés. Et à ce niveau, ça brasse plutôt large niveau revendications. L’économie, le social, la religion, la politique, les violences policières, principalement concernant les Etats-Unis, mais également le monde entier... tout et tout le monde est attaqué, critiqué, dénoncé. On a même droit, présence de B “Hits From the Bong” Real oblige, à deux morceaux militant pour la légalisation d’une certaine petite plante verte : le très bien nommé "Legalize Me", et "Take Me Higher". Et parce qu’il serait quand même beaucoup trop facile de se contenter d’attaquer le manque de pêche des morceaux, il est d’ailleurs très intéressant de signaler le style musical adopté par le groupe sur ces deux titres, une ambiance beaucoup plus légère, chantante, “à la cool”, qui s’adapte parfaitement au message évoqué. Malheureusement, à côté de ça, des morceaux comme "Hail To The Chief" ou "Fired A Shot" ne proposent que des plans beaucoup trop simples, beaucoup trop basiques pour appuyer leurs messages. Et surtout pour un groupe de cette envergure.

Je n’ai personnellement pas eu la chance de les voir performer sur cette scène, mais il y a cependant fort à parier que les morceaux prennent fort heureusement une toute autre dimension en live. "Hands Up" et "Who Owns Who", par exemple, semblent dès la première écoute parfaitement taillés pour être joués devant un public, avec leurs refrains qu’on n’a aucun mal à imaginer repris et scandés par une foule conquise. Surtout lorsqu’on sait qui est là pour les interpréter : tous les membres du groupe sont de véritables bêtes de scène et je vois mal comment un public resterait stoïque face à eux. Alors je ne verrai peut-être jamais Rage Against The Machine sur scène, mais je pourrai déjà assister à un live de Prophets Of Rage, et c’est déjà pas mal. En attendant, à écouter chez soi, le résultat reste malheureusement fort peu convaincant… La base est là, il y a quelque chose d’indéniable qui se passe, et certains titres sont vraiment très bons. Mais l’ensemble manque toutefois cruellement d’énergie, de ce petit quelque chose qui nous mettrait un coup de fouet (et non, cette chose n’est PAS Zack de la Rocha). Du coup, c’est non sans une certaine frustration et une indéniable déception qu’on rangera très rapidement ce premier opus de Prophets Of Rage et, en attendant une suite meilleure, réécouter une fois de plus du Body Count ou du Stuck Mojo, seuls derniers représentants convaincants du style…


Nico
Octobre 2017


Conclusion
Note : 13/20

Le site officiel : www.prophetsofrage.com