Le groupe
Biographie :

Le groupe israélien Orphaned Land, pionnier du metal oriental, est de retour avec "All Is One" et le message suivant : "Nous devrions être jugés pour notre cœur et notre sincérité, non pas par nos croyances religieuses". Trois ans ont passé depuis la sortie de  "The Neverending Way Of ORWarriOR" (co-produit par Steven Wilson, Porcupine Tree) ; pendant ce temps, Orphaned Land a tourné à travers le monde, diffusant leur message et renforçant cette réputation de groupe qui existe pour un but défini. Quelque chose qui dépasse le death metal mélodique, le black et le folk metal. Orphaned Land ne chante pas les mythes auxquels d’autres groupes s’intéressent ; les musiciens se focalisent sur les situations réelles, sur ce qui se passe ici et maintenant. Vous trouverez difficilement des musiciens en Israël avec une influence si importante au-delà des frontières de leur pays, y compris là où, aux yeux des divergences religieuses, ils sont considérés comme des ennemis. Sans aucun doute, le groupe a brisé ces barrières et unifié une communauté. Ce n’est pas un groupe de jazz ou de new age qui a rassemblé les gens ; c’est un groupe de heavy metal venant du Moyen-Orient appelé Orphaned Land.

Discographie :

1993 : "The Beloved’s Cry"
1994 : "Sahara"
1996 : "El Norra Alila"
2004 : "Mabool"
2010 : "The Neverending Way Of ORWarriOR"
2013 : "All Is One"
2018 : "Unsung Prophets & Dead Messiahs"


Les chroniques


"Unsung Prophets & Dead Messiahs"
Note : 17/20

En 2013, le groupe israëlien Orphaned Land atteignait une forme de consécration dans sa carrière avec la sortie de "All Is One". En effet, cet album riche et ambitieux sur le plan musical marquait aussi l'aboutissement du message spirituel du groupe par une ode à l'unité entre les peuples et les religions. Quatre ans plus tard, le quintette nous revient avec une nouvel opus dont on se demande s'il sera à la hauteur de son prédécesseur.

Commençons par nous pencher sur la thématique et le concept philosophique de l'album. Car oui, il est bien question de philosophie dans ce "Unsung Prophets & Dead Messiahs". Le groupe interroge ici la vieille allégorie de la caverne selon laquelle les hommes ne seraient pas en mesure de regarder la lumière du jour et seraient condamnés toute leur vie à n'en contempler que des ombres trompeuses. Or, dans cet album, le chanteur défend la thèse que l'humanité préfère consciemment se contenter de la fausseté de ces ombres plutôt que d'affronter une vérité jugée trop dérangeante ; au point même de mettre à mort tout homme qui chercherait à guider les autres vers la lumière. Socrate, Jésus Christ, Gandhi, Edward Snowden... Ce sont les prophètes qui ne sont pas chantés et les messies décédés évoqués par le titre de l'album.

Cette thématique centrale est parfaitement introduite par le long morceau d'ouverture, justement intitulé "The Cave". Le chanteur y pointe du doigt la responsabilité des hommes à fuir la lumière, notamment par ce refrain marquant : "One can easily forgive a child who is afraid of the dark / But one cannot forgive a man who is afraid of the light" ("On peut facilement pardonner à un enfant d'être effrayé par l'obscurité / Mais on ne peut pas pardonner à un homme d'être par la lumière"). Il y a, dans cette accusation, une dimension à la fois tragique et politique forte de sens en cette période de crise planétaire qui s'annonce à tous les niveaux ; économique, écologique, humanitaire, technologique... Ainsi, dans la continuité du précédent album, ce "Unsung Prophets" défend une thématique forte tout en renouvelant le questionnement philosophique et politique porté sur notre monde.

Mais penchons-nous un peu sur l'aspect musical de cette œuvre. Malgré le départ du guitariste / compositeur Yossi Sassi, on retrouve le groupe à peu près à l'endroit où nous avait laissé "All Is One". La production est toujours aussi excellente, si ce n'est meilleure que sur l'album précédent. Malgré la gravité des paroles, la musique de israéliens continue à se faire chaleureuse et lumineuse et offre ainsi un contraste bienvenu avec les quelques éléments plus sombres, comme les quelques chants extrêmes disséminés dans l'album. Exprimant tour à tour différentes émotions telles que l'espoir, l'incompréhension ou la colère, le chant parfaitement maîtrisé de Kobi - parfois magnifié par des chœurs grandioses – y est souvent poignant. De plus, l'album bénéficie parfois de l'intervention d'invités de marque tels que Hansi Kürsh (Blind Guardian) dans "Like Orpheus" ou Tomas Lindberg (At The Gates) dans "Only The Dead Have Seen The End Of The War". Avec, encore une fois, l'utilisation de plusieurs langues différentes (anglais, yiddish, grec, espagnol...), les Israéliens mélangent habilement les sonorités pour délivrer leur message universaliste.

Or, si le chant et les paroles sont primordiaux dans l'album, ils ne monopolisent cependant pas toute l'attention et une place très importante reste accordée aux autres musiciens avec de nombreux passages purement instrumentaux. Il me faut d'ailleurs relever le soin tout particulier qui a été apporté aux lignes de basse dans cet album. En effet, rarement cet instrument n'aura été autant mis à l'honneur dans un album de metal, tant au niveau de la composition que du mixage. Le son rond et chaud de l'instrument nous caresse agréablement l'oreille et nous guide discrètement mais solidement à travers les soixante trois minutes de cet œuvre. Dans l'ensemble, que ce soit par l'utilisation de la basse, des guitares, de la batterie, du chant, des chœurs et des instruments orientaux ou orchestraux, Orphaned Land nous propose ici des compositions puissantes et variées avec des arrangements de toute beauté qui forcent le respect. Il n'y a qu'à écouter (et réécouter) le premier morceau, "The Cave", pour prendre la mesure de l'excellent travail qui a été par le groupe.

Ceci dit, malgré toutes ses grandes qualités, ce "Unsung Prophets" a parfois de quoi exaspérer légèrement l'auditeur par un manque de mesure susceptible de tourner un peu au kitch. Ainsi, on peut trouver une certaine mièvrerie sur des titres comme "All Knowing Eye" ou le long "Chain Falls To Gravity" qui aurait pourtant pu être magnifique s'il avait montré un peu plus de retenue. Pour reprendre l'image d'Orphée, à vouloir toucher au sublime, le groupe veut parfois trop en faire au risque de s'y brûler les ailes. Pour le côté kitch, je pourrais aussi citer le thème de guitare électrique de "Like Orpheus" qui fait très cliché power metal ou les passages narratifs dans "My Brother's Keeper", "Take My Hand" ou "The Manifest", avec leur côté bande-annonce de film d'action américain assez ridicule et malvenu. Bien sûr, comme toujours dans mes chroniques, j'expose ici un ressenti personnel qui ne saurait être partagé par tous. D'ailleurs, l'album se révèle suffisamment dense et varié pour que chacun puisse y trouver son compte quelque part.

Au final, malgré les quelques réserves exprimées ici, "Unsung Prophets & Dead Messiahs" est définitivement un excellent album qui n'a pas à rougir face à ses prédécesseurs. Les fans du groupe peuvent se rassurer, Orphaned Land n'a pas encore dit son dernier mot !


Zemurion
Février 2018




"All Is One"
Note : 19/20

Un album d’Orphaned Land ne ressemble jamais à un autre. Ce qui reste fidèle au groupe, par contre, malgré les années qui défilent, malgré les multiples visages connus –et ceux que le futur nous réserve toujours–, c’est cette émotion ô combien particulière. Celle-là même qui serre les tripes, celle-là même qui coupe le souffle et laisse sans voix. Après "El Norra Alila", Orphaned Land est resté silencieux pendant huit longues années. C’était pour revenir avec un "Mabool" stupéfiant, à la hauteur des attentes des auditeurs qui, peut-être, n’espéraient plus revoir les Israéliens sur le devant de la scène. Après un album d’une qualité telle, le successeur devait accomplir le défi d’être à la hauteur. Et c’est ainsi qu’en 2010 est sorti "The Neverending Way Of ORWarriOR" où, une fois encore, les musiciens ont fait preuve de leur créativité très personnelle.

Trois ans, une tournée européenne en compagnie d’Arkan, Myrath et Artweg, des dates à travers le monde plus tard, voici venir le sixième album, intitulé "All Is One". Une pochette représentant l’unité des trois religions monothéistes, des photos promotionnelles dont la simplicité rend l’efficacité extraordinairement percutante, et, oui, un nouveau line-up (si le batteur Matan Shmuely apparaissait comme membre officiel sur le récent DVD live "The Road To Or-Shalem", nous voyons ici pour la première fois Chen Balbus en temps que guitariste permanent) ; l’environnement désormais connu, nous sommes prêts à en venir au sujet lui-même. Nous le savions déjà, pour cette nouvelle sortie, Orphaned Land s’est donné les moyens à la hauteur de ses ambitions, comme : un enregistrement dans pas moins de trois pays différents (Israël, Turquie et Suède), plus de quarante musiciens, vingt-cinq choristes, et plus encore ! Bref, un programme qui ne manque pas de mettre l’eau à la bouche.

Et une surprise éblouissante nous attend. Alors que "All Is One" est annoncé comme étant l’album le plus sombre du groupe, c’est aussi celui sur lequel le chant saturé est presque inexistant. Oh, il apparaît bien, mais ô combien sporadiquement ! Annonce contradictoire ? Certainement pas ! Pour résumer en quelques mots : amateurs de metal agressif et gratuit, vous n’y trouverez peut-être pas votre compte ; amateurs d’émotions fortes, installez-vous confortablement et profitez ! 54 minutes, c’est court, surtout pour un disque d’Orphaned Land. Mais ce "All Is One" figure parmi ceux qui vous captivent, qui parvient à vous toucher au plus profond de vos sens, à vous bouleverser grâce à des morceaux courts –peu habituel également de la part des Israéliens–, mais dont la qualité ne pâlit en rien devant celle des prédécesseurs. Oui, on peut être complexe et fouillé tout en étant visiblement accessible. Accessibilité néanmoins trompeuse, quand on prend en considération –exercice indispensable !– cette recherche et ce soin prodigieux, du morceau d’ouverture éponyme porté par des chœurs féminins homériques à l’instrumental de toute beauté ("Freedom").

Ceux qui possèdent le DVD live et son documentaire auront sans doute entendu le chanteur Kobi Farhi déclarer que la force de son groupe, sa particularité, c’est la vie que ses compagnons et lui mènent en Israël. Cette assertion n’aura jamais pris son sens autant qu’aujourd’hui. Car en effet, il est impossible d’imaginer disons un groupe occidental composer un tel album, faussement doux, définitivement douloureux. Les paroles, de touchantes à véritablement éprouvantes, chantent l’incompréhension, la colère, la peur de peuples ravagés par des guerres qui ne sont pas les leurs, d’enfants et adultes poussés à la haine de leur voisin pour quelque prétexte nébuleux. C’est le témoignage d’êtres humains, comme vous et moi, qui n’ont que le désir de vivre en paix, et qui voient cet espoir s’effacer sous la rage journalière de dirigeants imbus et de mensonges. Les touches d’innocence, d’interrogations font certainement parties de celles qui touchent le plus, par leur humanité tellement perceptible ("Brother"). Et c’est sur ces mots que je vous invite à écouter le très touchant "Through Fire And Water", où Kobi Farhi partage le micro avec la talentueuse arabe israélienne Mira Awad. Notez aussi que ces paroles sont tour à tour interprétées en anglais, latin, hébreu et arabe.

Vous l’aurez sans doute compris, "All Is One" est un disque qui se vit bien plus que ce qu’il ne s’écoute, qui se ressent plus qu’il ne se décrit ; un album d’une telle puissance émotionnelle qu’il ne pourrait pas vous laisser indifférents. Orphaned Land nous offre ici un cadeau extraordinaire. Je joins mes espoirs à ceux du groupe en vous souhaitant de comprendre ce message unique. Bon voyage !


Gloomy
Juin 2013


Conclusion
L'interview : Chen Balbus

Le site officiel : www.orphaned-land.com