"Muuntautuja"
Note : 16/20
Le démon fou Oranssi Pazuzu est de retour. Plutôt discret depuis sa précédente sortie, le
groupe composé de Jun-His (chant / guitare, Three Pounds Trigger, ex-Kuolleet Intiaanit),
Ontto (basse / chant, Atomikylä), Korjak (batterie), EviL (clavier / effets / chant) et Ikon
(guitare, Domovoyd), tous également membres de Waste of Space Orchestra, dévoile en
2024 "Muuntautuja", son sixième album.
L’album débute par les percussions étranges de "Bioalkemisti", suivies par la basse, la
batterie et les claviers, puis par le chant qui accentue l’oppression créée alors que la guitare
rejoint le mélange. Le son est tout aussi chaotique et psychédélique qu’imprévisible, créant
cet espèce de nuage obscur duquel peuvent parfaitement sortir des choeurs imposants
comme des leads criards ou des claviers futuristes avant que "Muuntautuja" ne prenne sa
place, développant sa propre mixture inquiétante. Si les premiers moments sont
relativement calmes, le son va s’alourdir considérablement pour créer une masse
hypnotique mais qui cesse brusquement pour permettre à l’atmosphère envoûtante de
"Voitelu" de la remplacer, s’approchant parfois plus du metal avant-gardiste que du black
metal. Les parties vocales restent agressives, mais l’instrumentale cherche à retenir notre
attention par tous les moyens en s’alimentant avec des sonorités bruitistes permanentes,
mais le groupe nous autorise un moment de répit avec "Hautatuuli", où les musiciens restent
assez calmes.
Même le vocaliste se met à murmurer, mais le groupe s’enflamme vers la
moitié du titre, dévoilant une création majestueuse et protéiforme qui s’apaise à nouveau
pour reprendre ses tonalités originales en nous menant vers "Valotus", une composition bien
plus énergique qui sait autant tirer parti d’harmoniques singulières que d’un blast véloce. Le
groupe conserve son approche saccadée jusqu’à rencontrer une nouvelle pause, puis une
véritable apocalypse sonore jusqu’à ce qu’"Ikikäärme" ne propose sa touche complexe qui
devient de plus en plus brumeuse avec le temps. Les apparitions vocales confirment
l’étrangeté des riffs, mais le tout finira par s’enflammer avec une saturation abrasive et
lancinante avec même une pointe de mélancolie qui va perdurer lorsque la longue
composition redescend en intensité, et se perd dans le néant, rejoignant la froide "Vierivä
Usva" avec laquelle les musiciens nous bercent et nous fascinent une dernière fois avant de
raccrocher leurs instruments.
Bien que relativement habitué à ces expérimentations musicales étranges, je ne peux
m’empêcher de penser que les musiciens d’Oranssi Pazuzu sont habités. Vous ne devriez
vous attendre à rien avec "Muuntautuja", pour être pleinement surpris par sa folie.
"Mestarin Kynsi"
Note : 18/20
Les expérimentations musicales sont légion, mais Oranssi Pazuzu reste une référence en
la matière. Créé en Finlande en 2007 par Jun-His (chant / guitare, Three Pounds Trigger,
ex-Kuolleet Intiaanit) et Ontto (basse / chant, Atomikylä), ils recrutent Korjak (batterie),
EviL (clavier / effets / chant) et Moit (guitare). L’aventure démarre, entre black metal,
sonorités psychédéliques et technicité musicale. Un premier album en 2009 lance le rythme,
mais c’est en 2016, après la sortie du quatrième album qu’Ikon (guitare, Domovoyd)
remplace Moit. Le groupe crée Waste Of Space Orchestra en 2018 en collaboration avec
Dark Buddha Rising et c’est finalement en 2020 que sort chez Nuclear Blast "Mestarin Kynsi", le cinquième album de la formation.
On débute l’aventure avec "Ilmestys", un titre énigmatique, sombre, intrigant, et bien
évidemment ce son si particulier. Entre claviers hypnotiques, sonorités étranges et black
metal glacial, le groupe avance. Il faudra attendre la fin du morceau pour retrouver les
guitares saturées comme on les aime, mais la patte de la formation est bien présente. Même
constat pour "Tyhjyyden Sakramentti", on reconnaît clairement le touche des Finnois. Le
morceau prend un peu plus le temps d’étaler ses différentes nappes sonores, mais on
retrouve rapidement la noirceur des riffs qui accompagnent l’étrangeté musicale à laquelle
nous sommes habitués. Le son s’apaise, repart, s’envole à nouveau… "Uusi Teknokratia" et
ses claviers futuristes donne naissance à de nouvelles ambiances, qui se mêlent au chant
effrayant du vocaliste. Mais une rythmique lourde tombe à nouveau, et la folie reprend le
dessus.
"Oikeamielisten Sali" semble plus calme, à la fois au niveau de la composition que de
l’intensité du tempo, mais le titre n’en est pas moins intéressant. Mêlant diverses influences
sous une grosse dose de maîtrise musicale et de folie, le groupe se plaît à abuser de
claviers et de mélodies au son clair. On continue sur "Kuulen Ääniä Maan Alta" qui est… eh
bien presque dansante, avec des passages qui se rapprochent presque de l’electro, mais
les hurlements viennent rappeler les origines musicales de la formation dans un mélange
somme toute assez chaotique qui finira par s’apaiser dans une sorte de mélange
ambiant / trance. Dernier titre, "Taivaan Portti" renoue avec un son sale et violent, un mur de
noirceur auditive sur lequel transparaît quelques petites notes plus douces, plus aériennes
et qui viennent contraster le tout, rompant ainsi la linéarité du morceau.
Pour une surprise, "Mestarin Kynsi" en est une ! Oranssi Pazuzu n’est pas réputé pour son
accessibilité musicale, et ces six titres ne font pas exception à la règle. Plusieurs écoutes
sont nécessaires pour s'accommoder à cet univers particulier et en apprécier toutes les
nuances. Attention cependant à ne pas vous noyer dans les claviers.
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