Le groupe
Biographie :

Negură Bunget est un groupe de black / folk / pagan (parfois qualifié de black metal atmosphérique ou mélodique) originaire de Roumanie. Ce nom vient de l'ancien roumain, dans lequel Negură veut dire "brume, brumeux / brumeuse", et Bunget "forêt". Avançant un nouveau type d'approche du black metal, Negură Bunget veut exprimer musicalement le mysticisme ancestral transylvain, l'harmonie qu'il y avait jadis entre l'homme et son milieu. Les thèmes abordés par les chansons varient entre les cultes et rites pré-chrétiens qui ont habité cette région intra-carpatique depuis des siècles (et qui subsistent dans certains cas même aujourd'hui), et des réflexions sur la Nature, le Cosmos, l'Univers... Aussi, grâce à une sonorité sobre et rustique et aux paroles (tantôt "criées", tantôt chuchotées) élaborées en ancien roumain, Negură Bunget arrive à recréer cette atmosphère unique, silencieuse et mystique (même occulte) des forêts transylvaines. Originaire de Timişoara (où il a été fondé en 1995), le groupe est établi en Allemagne. En Mars 2017, le groupe annonce la mort du batteur et cofondateur du groupe Gabriel Mafa et plus tard sa séparation.

Discographie :

1998 : "Zîrnindu-să"
1998 : "Sala Molksa" (EP)
2000 : "Măiastru Sfetnic"
2002 : '"N Crugu Bradului"
2005 : "Inarborat Kosmos"
2006 : "OM"
2010 : "Măiestrit "
2010 : "Virstele Pamintului"
2015 : "Tău"
2016 : "Zi"
2021 : "Zau"


Les chroniques


"Zau"
Note : 19/20

Quatre ans après son arrêt, Negură Bunget nous offre un dernier album posthume. Et pour lui rendre hommage, Petrică Ionuţescu (instruments traditionnels, Sur Austru), Adi "OQ" Neagoe (guitare / chant / clavier, Tragacanth, Anarhia) et Tibor Kati (chant, Sur Austru, Grimegod, ex-Feralia) ont suivi les plans de Gabriel "Negru" Mafa (batterie / chant / instruments traditionnels, ex-Wiccan Rede, décédé en 2017). Voici "Zau".

Avec ces cinq titres, le groupe va nous renvoyer dans l’univers que l’on croyait éteint, et qui se montre toujours aussi aérien. Rien qu’avec l’introduction de "Brad", le groupe nous invite à participer à son rituel païen, accompagné par ces murmures inquiétants et ces instruments à vent entêtants. L’ambiance nous mène lentement à une saturation prenante sur laquelle les hurlements prennent vie, accompagnés par ces éléments dissonants et le chant clair de Manuela Marchis. Le son s’apaise avant de devenir aérien mais chaotique pour un final qui donne naissance à "Iarba Fiarelor" et son introduction étrange mais prenante. Nous sommes littéralement projetés dans les forêts roumaines emplies d’un brouillard mystique, puis le son est soudainement écrasé par des tonalités abrasives et majestueuses. Le contraste est fascinant, et il nous mènera à une partie beaucoup plus brute avant que la rythmique ne ralentisse pour laisser place à "Obrăzar" et ses accents mystiques.

La rythmique lancinante ne tarde pas à refaire surface, tout en mêlant un black metal atmosphérique martial et des mélodies étrangement douces, ce qui alimente une fois de plus ce contraste prenant, tout comme sur "Tinerete Fara Batrânete", une composition mystérieuse. L’oppression se montre beaucoup plus présente dans cette saturation pesante, utilisant différents patterns vocaux et une rythmique changeante, jusqu’au dernier moment, mais l’album touche déjà à sa fin. "Toaca Din Cer", le dernier titre, développera tout le potentiel folk de la formation avant de nous noyer sous ce torrent de sonorités orchestrales qui autorisera la même intensité à un chant sombre qu’à une voix claire. Si certains peuvent avoir peur de la longueur du morceau, soyez rassurés, car les ambiances se succèdent de manière très fluide jusqu’à ce final, qui sonne comme un éloge funèbre, même si la culture roumaine m’est totalement inconnue.

Negură Bunget renaît de ses cendres pour un dernier éloge funèbre. Bien que le groupe ait toujours été partagé entre la culture roumaine et le black metal, "Zau" semble réellement différent. Un hommage ? Une continuité ? Une épitaphe ? Peut-être. Tout ce que je sais, c’est que cet album est intense et merveilleux.


Matthieu
Décembre 2016




"Zi"
Note : 12/20

Après un "Tău" surprenant et au final plutôt intéressant, Negură Bunget revient déjà avec son nouvel album intitulé "Zi" qui se veut le deuxième volet d'une trilogie. Il est donc de bon ton de s'attendre à un résultat dans la continuité de ce qu'on avait entendu il y a moins de deux ans. Pour autant, on notera l'utilisation du noir et blanc pour l'artwork pour un rendu plus sombre et tout autant mystérieux. Est-ce un indice sur ce que l'on va découvrir en écoutant ce nouvel opus ? Bien évidemment, vous trouverez la réponse, ou tout du moins des éléments de réponse dans cette chronique...

On attaque avec "Tul-ni-ca-rînd" et sa longue intro on ne peut plus païenne, le côté "Nature" étant parfaitement mis en valeur par d'étranges instruments à vent et quelques bouts de bois servant de percussions. Le chant incantatoire apporte quant à lui un aspect plus mystique et ritualiste... Malheureusement, la montée en puissance est assez longue à se mettre en place, mais le résultat final est plutôt appréciable quand le Negură Bunget purement metal fait son apparition avec un son plutôt intéressant, tant au niveau de la batterie de Negru que des guitares. Dommage alors de voir le soufflé retomber avec l'intro atmosphérique de "Gradina Stelelor" alors qu'on était enfin rentré dans le vif du sujet ! Et pourtant, cette intro n'est pas déplaisante, flirtant étonnamment avec la musique Andine... Heureusement, j'apprécie énormément ces ambiances qui font voyager ! L'arrivée du chant clair est plutôt sympathique, mais par contre, le chant death qui va suivre me laisse décidément toujours de marbre... Je trouve qu'il s'intègre une fois encore difficilement dans la musique ici énergique et mélodique de Negură Bunget, et le retour d'un pseudo chant clair sur un passage plus mid-tempo va vite me faire déchanter ! Un faux air de Skyforger mal assumé, bancal et poussif. Le retour à quelque chose de plus traditionnel sur la suite du morceau sera heureusement salvateur...

Place maintenant à "Brazda Da Foc", titre qui bénéficie lui aussi d'une savoureuse intro atmosphérique nous plongeant rapidement dans une ambiance païenne et méditative. Avec le chant clair, on pourrait presque voir poindre ici et là des réminiscences de Wardruna, impression vite effacée par l'arrivée de parties de batterie assez rapides... Mais alors qu'on pensait que le morceau était vraiment lancé, on retombe immédiatement dans une dimension purement atmosphérique, pas déplaisante en soit, mais plus adaptée à la contemplation qu'à l'écoute active. Le black metal propre à Negură Bunget fera quand même une apparition, mais j'ai comme l'impression que ce titre se cherche inconsciemment, me perdant quelque peu tant au niveau vocal que musical, même si, prise individuellement, chaque partie est plutôt intéressante. "Baciu Mosneag", quant à lui, se veut résolument metal vu qu'on entre tout de suite dans le vif du sujet avec une batterie assez rapide et des guitares assez typiques du groupe Roumain. Mais une fois encore, les vocaux ne sont pour moi vraiment pas adaptés au style pratiqué ici, le chant clair n'étant pas assez bien maîtrisé à mon sens... Dommage car dans ce morceau, Negură Bunget va nous offrir un excellent riff saccadé et mélodique, véritable moment de bravoure rarement entendu depuis le début de l'album ! Mais comme on pouvait s'y attendre, le retour au style atmosphérique et au chant clair n'est vraiment pas du meilleur effet, surtout après un tel bon moment... De quoi une nouvelle fois perdre le fil d'un morceau qui s'annonçait plutôt bien !

On poursuit avec "Stanciu Gruiul" et son intro originale tant dans le style que dans les instruments utilisés. Ce titre va s'avérer le plus folk de l'album, l'aspect typiquement metal étant ici mis en retrait et le chant clair ayant ici la part belle ! Le résultat est heureusement moins catastrophique que sur les morceaux précédents, voire même plutôt agréable. Negură Bunget parvient enfin à nous emmener au cœur des légendes et de la Nature roumaine, ce qui était pourtant attendu depuis le début par votre humble serviteur... Le jour où le groupe ne nous fera plus voyager, il y aura à coup sûr un certain nombre de questions à se poser ! Donc pour l'instant, on peut dire que l'honneur est sauf... On terminera l'écoute de ce tout nouveau "Zi" avec "Marea Cea Mare", long morceau atmosphérique de plus de 12 minutes, pas désagréable en soit mais tournant rapidement en rond... Je trouve personnellement le chant clair toujours aussi limite, même si l'arrivée d'un chant féminin va apporter à l'ensemble un côté lumineux très agréable ! Et pourtant, ce dernier titre va très vite m'évoquer une musique d’ascenseur : pas désagréable en soit, mais on l'entend sans vraiment l'écouter... Loin, très loin de l'esprit païen et méditatif que je recherche dans une formation telle que Negură Bunget, et surtout très vite rébarbatif car sans véritable tenant ni aboutissant ! A ce stade, je peux l'avouer, j'ai perdu le fil...

Passons sur les remix proposés sur ce nouvel album, celui de "Tul-ni-ca-rînd" étant plutôt ennuyeux, celui de "Brazda Da Foc" étant, lui, trop moderne avec un côté trip hop ne collant pas du tout à l'ambiance du morceau, de même que celui de "Schimniceste" tout ce qu'il y a de plus electro : vous imaginez le résultat ? Moi pas, mais je l'entends... Le seul intérêt pourrait venir de la version Tragacanth de "Baciu Mosneag" : énergique, bien produite et bénéficiant d'un vrai bon chant extrême, bref, en tout point savoureuse ! Mais pour en revenir aux premiers remix, c'est bien beau de proposer de tels "bonus", mais faudrait-il encore que les morceaux soient un tant soit peu marquants... Pourtant, concernant les deux premiers, je venais d'entendre les versions originales, mais je suis bel et bien incapable de les reconnaître en version remixée, tout simplement parce qu'ils ne m'ont pas tapé dans l'oreille ! Et malheureusement, c'est tout l'album qui est victime de ce sentiment... De bonnes choses, d'autres beaucoup moins intéressantes, mais surtout l'impression d'oublier instantanément ce qu'on vient d'entendre ! J'essaye pourtant de faire des efforts face au nouveau visage de Negură Bunget, mais plus le temps passe et plus je regrette le départ d'Hupogrammos qui était pour moi la véritable âme du combo... Il savait me guider jusqu'à la transcendance là où la bande à Negru me perd en chemin !


Carcharoth
Décembre 2016




"Tău"
Note : 15/20

Même si j'avoue avoir un peu lâché l'affaire concernant Negură Bunget suite aux nombreux changements de line-up (et potentiellement de style), mon amour pour des albums comme "Om" et surtout l'incontournable "N Crugu Bradului" me laissait présager qu'un jour, le groupe roumain reviendrait en grâce dans mon cœur... C'est donc avec crainte mais aussi curiosité que je me suis plongé dans l'écoute de ce tout nouvel sobrement intitulé "Tău" !!! Alors, craintes fondées ou opération séduction réussie ??? Ces quelques lignes devraient vous donner une petite idée de son effet sur ma personne...

"Nămetenie", premier morceau de ce nouvel opus de Negură Bunget, commence par une intro atmosphérique comme le groupe sait en faire... Mystérieuse, empreinte de nostalgie, ou tout simplement envoûtante, elle est tout cela à la fois !!! Ce passage évanescent nous amène tranquillement vers une explosion métallique très agréable, même si de courte durée... L'esprit du morceau reste quand même majoritairement atmosphérique, mais les interventions purement metal apportent puissance et relief à l'ensemble, comme si une tempête se déchaînait le temps de quelques riffs savoureux !!! De manière surprenante, le chant n'a plus rien de black, mais même s'il est déroutant à la première écoute, j'avoue qu'il donne un peu plus de lourdeur et de profondeur à la musique du groupe, ce qui n'est pas pour me déplaire... En contre-partie, l'usage de chant clair apporte un côté parfois plus épique, d'autres fois plus ritualiste, mais en tout cas, la combinaison fonctionne formidablement bien !!!

De manière générale, le son est très intéressant, presque chaleureux... On reste dans une production underground, mais les sonorités sont riches et variées, ce qui donne un album très cohérent et homogène !!! Encore une excellente intro pour le titre "Izbucu Galbenei", plus concise, le morceau entrant plus rapidement dans le vif du sujet... Là encore, on sent bien toute la richesse de la musique de Negură Bunget : diversité des sons, des riffs, des instruments !!! Et le son est suffisamment bien travaillé pour nous permettre de nous délecter de chaque note, de chaque accord... Un excellent riff mélodique au milieu du morceau, renforcé par un chant clair imparable, quelques notes de clavier tout en légèreté histoire d'apporter un peu de relief : du grand art !!! Finalement, peut-être que la fin du morceau en "pseudo" blast est la partie la moins réussie... Et le chant mériterait, malgré son aspect très death metal, d'être un peu plus délié et compréhensible, car même si je ne parle par roumain, j'aimerais parfois entendre des mots !!!

"La Hotaru Cu Cinci Culmi" est lui un excellent morceau folk atmosphérique, tout en nuances et émotion, avec un aspect nostalgique très intéressant... Une magnifique ode à la Nature comme Negură Bunget en a le secret, avec en prime un petit air de flûte tout en délicatesse : magique !!! Le titre suivant, "Curgerea Muntelui", est un morceau véritablement planant et contemplatif... Et sa magnificence nous entraîne progressivement vers une communion avec les divinités païennes d'autrefois : mémorable !!! "Tărîm Valhovnicesc" est un des titres phares de l'album et sûrement le mieux taillé pour la scène... Il y a tout : un aspect résolument metal, un magnifique refrain en chant clair, une atmosphère riche agissant sur l'auditeur comme un charme, des riffs mélodiques entêtant... Bref, c'est une vraie réussite même si, encore une fois, les "pseudo" blasts ne semblent pas les mieux maîtrisés, ce qui fait quelque peu perdre en efficacité !!! Ceci est heureusement compensé par un chant plus varié et parfaitement adapté...

Place maintenant à "Împodobeala Timpului", le morceau probablement le plus décalé de l'album, à l'image de son intro rappelant immanquablement des groupes comme Finntroll ou TrollfesT... Mais rassurez-vous, la comparaison s'arrête là !!! Ce morceau est envoûtant au possible et vous possède comme sait le faire la musique tzigane : les cuivres, la rythmique atypique, tout y est... Et que dire de ce chant féminin qui vous prend aux tripes et vous entraîne dans une transe folle, véritable communion avec l'esprit même de la Transylvanie !!! Sûrement le morceau le plus original qu'il m'ait été donné d'entendre de la part de Negură Bunget et il s'agit une vraie réussite comme on aimerait en entendre plus souvent... "Picur Viu Foc" paraît forcément plus fade à côté malgré son intérêt non négligeable, à l'image du passage en chant clair qui vous transperce le cœur et l'esprit tel une lance !!! Ce titre résolument mid-tempo est particulièrement riche en émotions... Il parvient même à nous confronter à nos forces et à nos faiblesses, entre puissance et tristesse, c'est dire !!!

Ce nouvel album de Negură Bunget se termine avec "Schiminiceste" et son intro atmosphérique aussi légère que le coton dans lequel notre âme pourrait se lover afin d'être enfin en paix... Encore un titre d'une grande richesse qui fait une nouvelle fois mouche !!! "Tău" est décidément un album plein de surprises et d'une rare intelligence, les Roumains faisant ici montre d'une grande maturité autant dans la construction des morceaux que dans l'utilisation des divers instruments... Et ce qui frappe aussi, c'est l'honnêteté avec laquelle les musiciens du groupe parviennent à nous transmettre toutes ces émotions !!! Malgré quelques bémols concernant le chant death et les blasts, Negură Bunget a su nous plonger une nouvelle foi dans l'esprit même de sa terre natale... "Tău" est ainsi un vibrant hommage à Mère Nature, aux Dieux et aux éléments !!!


Carcharoth
Mars 2015


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/negurabunget