Venue tout droit d’Allemagne, la formation Naxen revient en 2024 pour son second album, qui vient faire suite au premier qui était sorti en 2020 (qui a été suivi de quelques EPs entre temps). Ici, pas de perte de temps en fioriture et autres samples, c’est une descente directe et profonde dans la noirceur et le chaos qui nous attend pendant la quarantaine de minutes qui constitue l’album. Ce dernier se pare de quatre morceaux qui sont donc assez longs et permettent ainsi une vraie évolution dans chacun d’eux, ne se décomposant bien évidemment pas en un classique schéma couplet refrain mais plutôt en plusieurs "mouvements" qui nous entraînent toujours un peu plus loin dans un profond désespoir et donnent à chaque morceau un air de voyage dans un monde où l’espoir n’est pas permis et où tout semble déjà perdu.
Le tout n’est pas sans rappeler certaines formations comme le groupe polonais Mgła dont la structure des morceaux peut sembler similaire par moments avec des riffs cinglants et hyper percutants qui durent sur de longs passages avec peu de chant et se répètent sans cesse nous envoyant dans un tourbillon chaotique des plus appréciables, on notera notamment le riff principal de la première moitié de "Triumphant Tongue Of A Thousand Swords" et la fin "To Writhe In The Womb Of Night" qui rappellent réellement le premier morceau de l’excellent "Exercises In Futility" notamment sur ce point, et devrait ravir toute personne ayant apprécié cet album. Malgré tout, il serait très réducteur de réduire l’album entier, ou même ce morceau, à un vulgaire clone de la formation polonaise, car ce n’est absolument pas le cas. Si certaines dynamiques de compositions sont en effet les mêmes, on est bien loin d’un tribute band et Naxen apporte largement sa touche personnelle pour marquer la scène black metal d’un album authentique et unique.
On retrouvera notamment une partie en chant clair dans "A Shadow In The Fire Pt. III (A Life Led By Loss)" qui sonne comme une plainte désespérée avant, le tout sur un calme instrumental qui n’est présent que pour amorcer un nouveau déferlement dans les secondes qui suivent. Cependant, derrière une batterie déchainée et un chant écorché absolument déchirant se cache une guitare qui porte des riffs plus lents et traînants et apporte une mélancolie triste et froide à cette violence déjà bien sombre. On aura également vers la moitié du dernier morceau une partie beaucoup plus lente et solennelle, avec un riff lourd et répétitif qui semble annoncer une fin imminente et un abandon face à ce chaos désespérant, mais qui, malgré tout, continue de nous rapprocher de ce dernier pour nous permettre de l’embrasser pleinement lors des dernières minutes de l’album qui vont venir nous plonger dans un black metal qui sera devenu presque atmosphérique et beaucoup plus léger, sans pour autant perdre sa dimension profondément sombre, on aura ainsi le retour d’un chant clair désespéré et lent qui viendra lentement finir cette descente dans les ténèbres pour nous laisser seuls dans le silence au fond de l’abysse.
L’album n’oublie cependant pas non plus d’être violent quand il le faut, on a notamment à travers le chant qui parcourt tout l’album une dose de violence non négligeable, ce dernier étant un chant très agressif à la limite du blackened death sur certains points et vient nous percuter directement et parfois créer une vraie dissonance notamment dans les passages où les riffs sont plus posés et mélancoliques, ce qui vient ajouter à la sensation de chaos. Les instruments ne sont pas en reste non plus sur les passages brutaux proposant à plusieurs reprises des riffs rapides et incisifs comme dans le début de "Triumphant Tongue Of A Thousand Swords" qui est probablement le passage le plus agressif de l’album et vient se poser comme un brutal passage dans l’ultime étape de cette descente dans le désespoir. On retrouvera également une multitude de passages courts mais nerveux dans les autres morceaux de l’album, on pourra citer par exemple l’introduction de "To Writhe In The Womb Of Night" qui nous attaque immédiatement avec des riffs courts et incisifs et un blast puissant. Le premier morceau de l’album, "Our Souls Shall Fall Forever", sert également ce propos de la violence chaotique avec le très utilisé ressort du riff hyper rapide et répétitif qui va venir nous emporter dans une spirale de folie. Si cette dynamique de composition est souvent utilisée dans les albums du genre, elle n’en est cependant pas moins efficace et fonctionne toujours aussi bien lorsqu’elle est correctement intégrée à la structure du morceau, notamment quand ces derniers sont longs et proposent une évolution qui leur est propre comme c’est le cas ici.
Parmi les quelques points faibles de l’album, on pourra regretter une production un peu faiblarde qui peine à mettre en avant la puissance de certains instruments, notamment la basse qui est assez effacée dans le mixage et la batterie, même si elle est bien audible, semble souvent manquer d’impact surtout dans les passages les plus violents, ce qui est dommage car on peut clairement distinguer une technique impeccable et une rapidité d’exécution absolument chirurgicale.
La formation allemande Naxen nous livre un ici un très bon album de black metal profondément défaitiste et désespéré. Nous entraînant dans un abîme sans fond tout au long des quarante minutes qui parcourent l’album, le groupe montre que, si les inspirations des têtes d’affiches de ce genre de black metal sont clairement revendiquées, elles ne sont pas uniquement là pour proposer un énième clone de ces groupes et propose un black metal qui, s’il ne réinvente rien, fait les choses correctement et avec rigueur. On regrettera cependant une production un peu faiblarde qui peine à mettre en valeur certains passages plus urgents ainsi qu’une basse bien trop en retrait, même si c’est souvent le cas dans ce type de production. Il en reste néanmoins que ce "Descending Into A Deeper Darkness" se positionne parmi les sorties de cette année qui valent la peine qu’on leur accorde notre temps et notre attention.
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