Le groupe
Biographie :

Nature Morte est un groupe de post-black metal parisien formé en 2015 et actuellement composé de : Chris Richard (basse / chant), Vincent Bemer (batterie) et Stevan Vasiljević (guitare). Nature Morte sort son premier album, "NM1", en Novembre 2018 chez Argonauta Records, suivi de "Messe Basse" en Mai 2021 chez Source Atone Records, et de "Oddity" en Septembre 2023 chez Frozen Records.

Discographie :

2018 : "NM1"
2021 : "Messe Basse"
2023 : "Oddity"


Les chroniques


"Oddity"
Note : 17/20

Deux ans après la sortie de l’excellent "Messe Basse", la formation de post-black française Nature Morte revient avec "Oddity". Et en effet, quelle étrangeté que ce nouvel album, là où "Messe Basse" nous proposait un ensemble tout à fait superbe de post-black teinté de shoegaze et de post-rock, "Oddity" ne s’impose absolument plus aucune limite de genre et va largement puiser dans une multitude d’inspirations pour les incorporer au sein d’un mélange sonore qu’il est de plus en plus difficile de qualifier de post-black metal tant les horizons explorés sont variés. Si le matériau de base semble en effet toujours être ce très maîtrisé post-black metal proposant des riffs planants avec une production beaucoup plus crue qui vient créer une vraie dissonance et une patte artistique très distinctive chez le groupe, on a en effet vraiment l’impression de voir les compositions s’affirmer et enfin partir dans des directions qui n’étaient encore avant que des envies timides.

La diversité de tout ce qui est représenté se traduit directement à travers la pochette de l’album qui nous plonge dans ce mélange de couleurs qui vont parfois même déborder l’une sur l’autre, il se dégage cependant de cette image plusieurs impressions tantôt chaleureuses et accueillantes notamment sur les tons roses et jaunes, mais aussi quelque chose de plus froid et statique avec de couleurs plus sombres. Le tout se mélange littéralement au centre de la pochette pour créer un blanc aveuglant et chaotique et c’est tout cela auquel vont faire écho les compositions de l’album, ce qui représente un premier véritable tout de force. En effet, c’est une multitude d’émotions qui sont transmises à travers les compositions de cet album, on aura la plupart du temps une certaine mélancolie mise en lumière par plusieurs morceaux, mais cette dernière va parfois être teintée de tristesse, notamment dans "Nothingness" qui va parfois nous rappeler ce que proposent les Belges d’Amenra, parfois de regret comme dans "The Pier", ce qui va être marqué par des accents très doom dans la musique avec un tempo lent et des notes traînantes, il va même arriver qu’elle soit aussi réconfortante et chaleureuse comme c’est le cas dans "Here Comes The Rain" avec ses tons dream pop qui apportent une vraie douceur à l’intégralité du morceau, le tout étant relevé par la présence d’un chant féminin également tout le long qui ne sera que très brièvement interrompu par le chant saturé en arrière-plan comme pour faire resurgir ces émotions enfouies.

On verra cependant des sentiments plus violents arriver au sein de l’album qui se verront caractérisés par des passages beaucoup plus agressifs, presque jamais vus jusque-là dans la musique de Nature Morte avec notamment "Banquet Overflow For The Mind House" qui va puiser dans un certain chaos instrumental et réellement mettre en musique un torrent de pensées chaotiques. Le morceau bonus de l’album, "Fireal", qui est une cover du groupe Deftones va également s’illustrer dans ce registre en proposant un passage purement black metal : agressif et rapide une première fois, avant de se calmer et de basculer à nouveau avec des riffs qui ne sonneraient pas étrangers sur un album de blackened death metal. Si cette violence est présente dans plusieurs morceaux de l’album, elle n’est jamais ininterrompue au sein des morceaux, étant souvent espacée par des passages très calmes voire presque ambiants, symbolisant une certaine léthargie, une pause dans ce torrent de pensée pour clarifier tout ça avant d’y replonger de manière inéluctable, ce qui est particulièrement remarquable dans la progression de "Monday Is Fry Day" qui représente bien ce schéma de composition que l’on retrouvera à plusieurs reprises dans tout le reste de l’album.

La force de cet album se trouve également dans l’utilisation de certaines dissonances musicales, c’était déjà le cas dans le précédent album qui proposait une production très typée raw black metal sur des riffs pourtant très atmosphériques et mélodiques, ce procédé étant assez caractéristique du son que propose Nature Morte, les rendant aisément identifiables. Si aux premiers abords dans "Oddity" cette dynamique semble évoluer pour proposer une production plus claire dans les moments calmes et plus crues sur des riffs plus pesants, comme dans "Bruises And Lace", on peut remarquer que ce concept de superposer des sonorités opposées va plus loin avec par exemple l’utilisation d’un chant saturé sur un fond instrumental très calme dans "The Pier". On va également avoir affaire à beaucoup de changements de tempo au fil des morceaux qui vont souvent enregistrer une progression qu’on a l’habitude de voir chez les groupes de post-rock seconde vague avec des débuts lents et doux qui évoluent progressivement vers une explosion instrumentale beaucoup plus puissante sur la fin, c’est particulièrement identifiable à travers la structure du morceau "New Dawn".

Là où "Oddity" est en effet une véritable étrangeté, c’est dans l’outro de ses morceaux, et de l’album lui-même (bonus track mise à part). En effet, on va constater à la fin de chaque morceau une coupure instrumentale nette qui va laisser place à un chaos sonore qui relève du milieu de la noise et va se faire de plus en plus insistant dans la progression de l’album pour finalement s’imposer à part entière comme le dernier morceau de l’album sobrement intitule "Untitled", comme pour symboliser ce fond sonore qui est à la fois tout et rien et vient prendre le pas sur tout type de pensée ou d’émotion rationnelle dans l’esprit humain, s’imposant comme ce véritable mélange de toutes les couleurs de la pochette pour créer ce blanc profond au centre de tout.

Nature Morte nous livre donc un album beaucoup plus expérimental que ce qui a précède dans sa carrière, ne s’imposant aucune limite, il va aller explorer le terrain d’une multitude de sonorités et de genres pour les mélanger au sein des morceaux tout en gardant une solide cohérence dans leur structure et sans jamais renier leur identité sonore particulièrement identifiable.


Praseodymium
Novembre 2023




"Messe Basse"
Note : 18/20

Beaucoup de formations, notamment dans le black metal, délivrent une musique dont le but est d’occulter totalement tout espoir et toute lumière de leur musique à travers des riffs sombres et chaotiques, ce n’est pas le cas de Nature Morte, formation de post-black metal parisienne qui a décidé de pleinement apporter cette lumière, pour mieux la détruire. C’est donc en ce printemps 2021 que Nature Morte nous présente son deuxième album, "Messe Basse". Mélangeant black metal et post-rock / metal dans des ambiances qui se veulent donc très contradictoires et difficiles à cerner.

La première chose que l’on capte dans cet album, c’est en effet le clivage très marqué des sonorités entre, mais également au sein des morceaux, en effet la plupart des compositions que l’on retrouve dans l’album sont axées sur une ambiance très post-rock, parfois post-metal. Ces riffs posent donc une ambiance très contemplative et lumineuse. D’autre part, au sein des mêmes morceaux, on a également des riffs dont les sonorités sont très proches de celles que l’on peut trouver chez certains groupes de DSBM et qui se veulent donc très ancrées dans un esprit black metal tourmenté et violent. Ces différences d’ambiances au sein de l’album se présentent à la fois comme une qualité, car elles servent parfaitement le dessein que veut porter l’album, et comme son plus grand, et peut-être seul, défaut. En effet, si sur le premier morceau cette structure se révèle plaisante et intéressante, il est un peu dommage de la retrouver exploitée sur le même schéma dans beaucoup de morceaux de l’album, ce qui peut amener une sensation de répétition dans une ouvre d’une cinquantaine de minutes.

C’est donc à travers le chant que se fait le violent clivage évoqué précédemment, ce dernier ne changeant jamais quelle que soit l’ambiance instrumentale qui l’accompagne. Il se montre très éraillé, presque inhumain, et vient donc totalement en contraste avec la clarté et l’espoir évoqués par les instruments. Le rythme du chant vient également contredire les riffs, ces derniers pouvant être parfois posés et lents, derrière un chant qui reste constamment assez soutenu. Ça n’est cependant pas toujours le cas et on peut remarquer que le chant se pose parfois un peu plus, notamment dans le morceau "Knife", sans pour autant perdre en puissance ou se faire plus clair. Ce qui frappe le plus dans cet album, c’est que, pour une fois, on fait réellement face à ce qu’on appelle du post-black metal. Là ou la plupart des groupes qui se revendiquent de ce genre délivrent un black atmosphérique avec des tons plus clairs et plus calmes, on entre ici véritablement dans le domaine du post-metal avec des sonorités lourdes mais lumineuses, le tout porté par un chant on ne peut plus black metal, et c’est cet alliage qui fait la véritable force de cet album, le présentant comme une oxymore musicale constante. On a même affaire, avec le morceau "T.S.O.C", à du post-rock dans lequel on entend le chant qui apparaît au milieu du morceau et intervient pour anéantir la beauté et la contemplation qui émanent des mélodies produites par les instruments.

C’est donc en intégrant pleinement cette clarté et cette lumière dans sa musique que la formation parisienne vient les détruire, en les remplaçant par des riffs beaucoup plus violents et en les superposant à un chant désespéré qui va tout assombrir sur son passage. C’est d’autant plus marqué sur "Messe Basse", le dernier morceau de l’album, qui nous met face à un des accords de guitare sèche très doux qui viennent tenter de masquer une musique très bruitiste et parasitée. Le seul passage symbolisant réellement une lueur d’espoir qui n’est pas immédiatement tué par le chant étant le sample de fin du morceau "Only Shallowness" qui apporte un réel apaisement. Cependant, quand on vient à se pencher sur les paroles de ce sample, on se rend compte que ce dernier constitue lui aussi un abandon au désespoir, à la contemplation de l’extinction de l’humanité, mais cette fois dans une douce résignation.

Nature Morte nous sert donc ici un véritable album de post-black metal, utilisant toute la beauté du post-rock et du post-metal pour mieux la détruire à travers la violence et la noirceur du black metal. Ce processus rappelant un peu Woods Of Desolation, il n’a pas été si bien réalisé depuis le groupe précédemment mentionné. Les mélanges d’ambiances sont parfaitement maîtrisés et bien qu’un peu répétitifs aboutissent sur un final parfaitement cohérent avec tout ce qui a été mis en place plus tôt.


Praseodymium
Juin 2021


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/ntrmrt