Le groupe
Biographie :

Mr. Bungle est un groupe de rock expérimental américain, originaire d'Eureka, en Californie. Le groupe est formé en 1985 alors que ses membres étaient toujours au lycée, et est nommé ainsi en référence à un film éducatif des années 1950 conçu pour apprendre les bonnes manières et l’hygiène aux enfants. Mr. Bungle compte quatre cassettes démo au début des années 1980 avant de signer chez Warner Bros. Records, et de sortir trois albums studio entre 1991 et 1999. Le groupe tourne en 2000 pour la promotion de son dernier album avant de s’éclipser, révélant qu'ils s'étaient dissous seulement en 2004. Bien que Mr. Bungle soit passé par différentes formations au cours de son existence, les membres de longue haleine étaient le chanteur Mike Patton, le guitariste Trey Spruance, le bassiste Trevor Dunn, les saxophonistes Clinton "Bär" McKinnon et Theo Lengyel et le batteur Danny Heifetz. Début 2020, le groupe est en studio pour enregistrer une nouvelle version de la première démo du groupe "The Raging Wrath Of The Easter Bunny" avec trois membres fondateurs : Mike Patton, Trey Spruance et Trevor Dunn ainsi que Dave Lombardo (Slayer, Suicidal Tendencies, Dead Cross) à la batterie et Scott Ian (Anthrax) à la guitare. "The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo" sort le 30 Octobre 2020 sur le label Ipecac Recordings.

Discographie :

1986 : "The Raging Wrath of the Easter Bunny" (Démo)
1987 : "Bowl Of Chiley" (Démo)
1988 : "Goddammit I Love America!" (Démo)
1989 : "OU818" (Démo)
1991 : "Mr. Bungle"
1995 : "Disco Volante"
1999 : "California"
2020 : "The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo"


La chronique


Il y a des annonces qui secouent plus l'industrie musicale que d'autres. C'est le cas dès qu'une activité, aussi futile soit elle, émane des réseaux sociaux de Mr. Bungle. Assez muets depuis plusieurs années, au grand désespoir des fans, les trublions de Mr. Bungle ont réveillé l'excitation de tous en actualisant subitement les pages des réseaux sociaux au cours de ces derniers mois. Certes, il y avait bien quelques concerts par ci par là, et l’on jalousait férocement les Etats-Unis où se produisait presque exclusivement le groupe. Le reste du monde, lui, se désespérait de la sortie d'un nouvel album (soyons fous !!) ou au moins d’une petite tournée des festivals pour pouvoir dire "Je peux mourir à présent, j'ai (re)vu Mr Bungle sur scène", des larmes encore chaudes sur les joues et leur petit coeur de métalleux se contractant douloureusement en repensant à ce moment unique... Au cours de l'année 2019 les posts se multiplient. Entendons-nous bien, Mr. Bungle est tellement absent des réseaux depuis des années, que quand on parle de multiplication des posts (et pas des pains - encore que... Mike Patton c'est un peu Dieu, non ?), on se retrouve sur un rythme de 4 à 5 posts sur l'année. Youhoouuu ! C'est dire si les fans sont sur les dents et avides de la moindre information. C'est l'ascenseur émotionnel. Avec un bon nombre d'EPs et seulement 3 albums, Mr Bungle a réussi à devenir un groupe mythique par sa folie, sa créativité, son humour et des concepts musicaux assez déjantés. En 2020, après quelques concerts exceptionnels annonçant que "Mr. Bungle joue "The Raging Wrath Of The Easter Bunny" accompagné de Scott Ian et Dave Lombardo", on se met à croiser les doigts très fort : "Saint Bungle, priez pour nous, et délivrez-nous du mal en nous offrant un nouvel album !".

La prière est à demi exaucée fin Mars quand on apprend que le groupe est en train de réenregistrer sa première démo ! A demi, oui. Car secrètement, au fond de moi, la fan que je suis est légèrement déçue. Je rêvais d'un nouvel album. Et à vrai dire, le premier EP de Mr Bungle, est, soyons honnête, un gros pavé de low-fi death / thrash d’adolescents, rugueux, agressif mais brouillon et pas représentatif de la production musicale qui suivra au fil des années. Seul "Evil Satan" laisse poindre le potentiel vocal de Mike Patton, la folie des musiciens et le style très original et décalé qui va amener le succès au groupe. De plus, l'écoute de l'EP nécessite un conduit auditif en béton, tant la qualité d'enregistrement est exécrable. En 1986 lors de la sortie de la démo, les membres du groupe ont 16/17 ans tout au plus, et l'année précédente, ils jouaient encore sur la scène de l'école sous le nom de Bister Mungle. Un show improbable avec déjà des musiciens déguisés et sautillants, des ados qui passent sur la scène en dansant, d'autres qui font du skate et des roulades... Bref, aux balbutiements de leur projet musical, ceci explique cela. Quelle est donc la motivation qui conduit à réenregistrer un EP 34 ans après sa sortie ? Sûrement le désir de boucler la boucle pour ces artistes aujourd'hui reconnus et accomplis.

Et puis, quelle ironie du sort ! Les ados de Mister Bungle n’auraient sûrement pas imaginé une seconde le réenregistrer avec des grands noms comme Scott Ian et Dave Lombardo. Car cette année-là les deux musiciens avaient déjà une carrière bien entamée au sein d'Anthrax (3 albums en 1986) et Slayer (4 albums). Depuis, Dave Lombardo et Mike Patton ont partagé l'aventure de l'expérimental supergroupe Fantomas et plus récemment collaboré dans Dead Cross, groupe de punk hardcore. On ne va pas débattre ici de la qualité des compositions car évidemment elles ne sont pas inédites. Pas de réelle surprise à ce niveau-là. On notera tout de même l'ajout des reprises "Hypocrites/Habla Espanol O Muere" (S.O.D.), "Loss For Words" (Corosion of Conformity) qui s’intègrent parfaitement au milieu des compos initiales. Ainsi que des vieux morceaux sortis de la cave : "Methematics" et "Eracist". Parlons donc du résultat des morceaux pumpés et de la nouvelle production. Évidemment comparer un enregistrement sans moyens dans les années 80 à un enregistrement avec une production haut de gamme et dire que c'est mieux... Ce serait un truisme. Mais tout de même, on est obligé de reconnaître que "The Raging" a pris un sacré coup de rangers dans la tronche ! Mené par des musiciens désormais expérimentés, l'EP a tout d'un grand album de death / thrash punk ultra rentre-dedans et casse-nuque. Les morceaux sont joués avec une précision et une efficacité qui n'existaient pas sur la démo. Les guitares sont incisives et les rythmiques au cordeau. Quant aux parties instrumentales, elles ont été réécrites et largement enrichies d'éléments créatifs. Ce qui fait aussi clairement la différence avec la démo originale, c'est bien la voix de Mike Patton. Plus puissante, plus modulable, plus audacieuse. C'est toute l'expérience et le talent de ce dernier qui transpirent au travers de ses diatribes. Comment ne pas à nouveau être épaté par ce chanteur qui durant des années n'a cessé d'utiliser sa voix comme un instrument de musique, de la distordre, de l'expérimenter et de la moduler au gré de ses envies et de ses délires (mince, ça se voit trop l'admiration là ??!).

Alors on ne sait pas si c'est dans les vieux pots que l'on fait la meilleure soupe, mais en tout cas force est de constater que la recette fonctionne encore et même vachement mieux que la première fois. Cette nouvelle version de "The Raging Wrath Of The Easter Bunny" est la preuve que Mike Patton, Trey Spruance et Trevor Dunn (3 des membres fondateurs) sont des artistes sur lesquels on pourra compter encore longtemps. La cinquantaine n'a entamé ni leur créativité (au contraire) ni leur énergie adolescente qui suinte encore 34 ans après ! Le groupe a pris du plaisir et ça s’entend ! Et même si le style n'est pas nouveau, le vieil EP poussiéreux a retrouvé ses lettres de noblesse. Amen.


Miss Bungle
Novembre 2020


Conclusion
Note : 14/20

Le site officiel : www.facebook.com/ou818