"The Foam Of Despair"
Note : 18/20
Le retour du beau temps me fait grincer des dents tous les ans. Ce beau temps qui fait ressortir tous les kékés à gros moteurs, les boulets en quad et en scooter qui font 800 fois le tour du pâté de maison avec leur engin de merde, les crétins défoncés au shit qui hurlent comme des singes sur fond de "musique" d'illettrés et d'analphabètes sous autotune dans la rue jusqu'à pas d'heure... Mourning Dawn vient à notre rescousse avec "The Foam Of Despair" et va nous permettre de semer un peu de fange et de fumier sur la route de ces dégénérés à roulettes.
Doom, death, black, on ne sait plus trop avec Mourning Dawn. Le groupe aime se servir de tout ce que le metal extrême a sous le coude pour peindre ses toiles et il suffit de dire que les teintes sont systématiquement sombres. "Dead End Euphoria" poussait encore le bouchon un peu plus loin que ses prédécesseurs et nous faisait entendre quelque chose de plus dur, de plus noir et dont la beauté vénéneuse allait se cacher encore plus profond. On se demandait donc ce qui allait nous tomber dessus avec "The Foam Of Despair", enfin en plus des traditionnelles enclumes évidemment. "Tombé Du Temps" nous accueille avec pas loin de dix minutes en guise de bonjour, on sent déjà que l'ambiance ne va pas être à la fête cette fois non plus. Le rythme est rampant, les riffs pèsent des tonnes et le groupe confirme son évolution vers une musique encore plus froide et malsaine. Même dans le son il y a un feeling plus glacial, plus métallique et déshumanisé qui appuie encore cette ambiance urbaine et désincarnée. On reste sur une production puissante et qui sonne presque live une fois de plus, on est donc heureusement très loin du son en plastique qui semble être devenu la norme (froid ne veut pas dire synthétique et faiblard, si ça pouvait percuter chez les trois quarts des groupes metal actuels...). On retrouve la patte habituelle de Mourning Dawn tout en sentant une progression, une preuve supplémentaire si besoin en était du fait que le groupe a une personnalité propre. Une personnalité qui s'étoffe d'album en album et qui s'est désormais bien éloignée des influences que l'on pouvait sentir à l'époque des deux premiers pavés. Mourning Dawn a imposé sa patte et peint un univers bien à lui cette fois encore, en témoigne ce petit passage au saxo à la fin de ce premier morceau qui trouve le moyen d'amener une pointe de chaleur humaine d'un côté et un côté désabusé digne d'un film noir de l'autre.
"Blue Pain" amène quelques mélodies plus accrocheuses et un tempo plus énergique malgré une ambiance toujours aussi noire et torturée. On sent presque la patte du vieux metal grec dans ces mélodies, les premiers Nightfall ou Septicflesh par exemple. "Borrowed Skin" appuie encore sur le côté froid, mécanique et déshumanisé avec quelques bruits métalliques et autres samples pour donner au final l'impression d'être à l'article de la mort et de faire un dernier point sur sa vie. On retrouve cette impression que faisait déjà ressentir "Dead End Euphoria", celle de l'observateur qui se tient à distance et qui n'a plus aucune attache avec le monde tel qu'on le connaît. Comme si ce personnage n'était déjà plus là et qu'il nous observait de l'autre côté, nous envoyant ses observations comme un médecin légiste rendrait compte d'une autopsie. Si le précédent album se faisait plus dur et moins avenant, "The Foam Of Despair" remet quelque peu les mélodies et la beauté froide en avant. C'est toujours aussi écrasant et oppressant mais il y a cette fois un côté plus glacial et déshumanisé qui rend le tout paradoxalement plus "accrocheur" ou en tout cas un peu plus simple à approcher (notez les guillemets hein, vous ne risquez pas de chanter ça sous la douche en vous déhanchant comme un possédé), un morceau comme "Apex" par exemple devrait faire apparaître quelques cristaux de glace dans les enceintes. L'ambiance y est malsaine et quelques dissonances dans les arpèges me rappellent les fumés du bulbe de Dolorian, avec cette même impression de musique qui provient de loin amplifiée par cette petite réverbe sur les dits arpèges. "Suzerain", quant à lui, va chasser vite fait sur les terres de l'industriel et il y aurait une inspiration Godflesh derrière tout ça que cela ne m'étonnerait pas. Un feeling que l'on retrouve aussi sur le morceau bonus "Midnight Sun" présent sur toutes les versions sauf le vinyle. Même si cela reste discret, Mourning Dawn va donc chasser sur des terres plus électroniques, plus industrielles et confirme par la même occasion qu'il ne se ferme aucune porte lorsqu'il s'agit de transposer ses tourments en musique.
"The Foam Of Despair" permet donc à Mourning Dawn de franchir un échelon supplémentaire et d'affirmer encore un peu plus sa personnalité. On y retrouve la patte habituelle du groupe avec quelques expérimentations qui laissent penser que nous ne sommes pas au bout de nos surprises !
"Dead End Euphoria"
Note : 17/20
Cela faisait bien longtemps que Mourning Dawn ne nous avait pas livré de véritable nouvel album, depuis "Les Sacrifiés" en 2014 en fait ! Il y a bien l'EP "Waste" en 2017 (qui était tout de même un sacré morceau, dans tous les sens du terme) et "The Dead Years" la même année mais celui-ci était un réenregistrement du premier album. Il aura donc fallu attendre sept ans pour voir arriver un vrai nouvel album, donc maintenant que "Dead End Euphoria" est là, c'est son petit nom, empressons nous de voir (ou plutôt entendre) de quelle façon le groupe va nous rouler dessus cette fois.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, on va faire un jeu très simple, regardez le tracklisting et remarquez qu'il y a six morceaux pour soixante-neuf minutes. Du doom dites-vous ? Bingo ! Quoique c'est un peu réducteur, il y a bien d'autres sonorités qui s'expriment là-dedans. D'ailleurs vous allez me faire le plaisir de rattraper votre retard et d'aller écouter les précédentes sorties du groupes, parce que Mourning Dawn est une valeur sûre du genre depuis un certain nombre d'années maintenant. "Les Sacrifiés" avait d'ailleurs monté la barre d'un cran en s'émancipant des influences que l'on pouvait encore sentir sur les deux premiers albums, évolution qui s'était confirmée par les expérimentations de "Waste". Autre détail qui confirme la qualité et le caractère extrême de la chose, "Dead End Euphoria" sort comme "Waste" chez Aesthetic death, le label qui a sorti les deux premiers albums d'Esoteric, rien que ça ! Maintenant que l'on a planté le décor pour les deux du fond qui sont à passés à côté ou qui découvrent le doom, voyons ce que l'animal a dans le ventre. C'est "Dawn Of Doom" qui nous accueille avec ses neuf minutes et le bougre ne prend pas de gants, les riffs sont écrasants et sales d'entrée de jeu et le désespoir suinte par tous les pores. Laurent continue à s'arracher les cordes vocales au point qu'on finit par en avoir mal pour lui et l'ambiance générale descend plus bas que terre. Si le groupe est capable de produire de superbes mélodies, il se concentre sur le développement d'une ambiance poisseuse, boueuse, sale pour ce premier morceau. On patauge dans le sang, les riffs sont puissants, durs et le groupe ne cherche pas à développer une quelconque beauté. Il cherche au contraire à nous entraîner avec lui dans les abysses, à nous enterrer vivant avec ce côté death qui ressort dans les riffs les plus gras. Une orientation que confirme "Never Too Old To Die" qui pose lui aussi une noirceur flagrante et une impression de folie prégnante, loin de la beauté funèbre que pouvait développer "Les Sacrifiés".
L'ambiance sur "Dead End Euphoria" est bien plus dure, plus noire, plus agressive même avec ces racines death qui ressortent par moments. La mélodie est évidemment toujours de mise mais tout est plus sombre, plus désespéré. On sent comme une sorte de distance, l'impression d'avoir le point de vue d'un observateur résigné qui regarde le décor s'effondrer. "Conclusion" se montre même carrément malsain et ressort les bonnes vielles accélérations proches du black pour une ambiance d'autant plus noire forcément. Ici, c'est la rage, la fameuse colère du désespoir qui explose dans les hurlements et les riffs qui se font aussi sauvages que glauques, presque dissonants. L'effet sur les guitares rappelle d'ailleurs par moments les premiers Esoteric justement, ou les cinglés de Dolorian qui s'y connaissaient en matière d'ambiances tordues et malsaines. Une fois de plus, tout est noir sur morceau, les mélodies qui pouvaient apporter un semblant de lumière par le passé ne sont plus et Mourning Dawn s'enfonce tout droit vers le neuvième cercle de l'enfer de Dante et nous précipite avec lui. Le point d'orgue de cette chute est bien évidemment "The Five Steps To Death", pavé de vingt-six minutes et monstre de noirceur. Des choeurs aux allures de lamentations nous accueillent et nous font vite comprendre que le chemin qui mène à la fournaise se trouve bien ici. On trouve même un solo de basse pendant un break acoustique ! Le groupe continue à expérimenter et à élargir son spectre sonore, et vu les ambiances terrifiantes que cela lui permet de créer, on ne va pas s'en plaindre. Une orientation plus éprouvante qui se fait sentir sur tout l'album qui se montre bien plus noir que ses prédécesseurs, ce qui permet au passage à Mourning Dawn de tracer sa route et de s'écarter du reste de la scène en marquant encore plus sa singularité. Notons d'ailleurs que "Dead End Euphoria" jouit une fois de plus d'un son excellent et puissant, relativement propre pour le genre et qui sonne organique voire même live.
Au final, "Dead End Euphoria" est un excellent cru pour Mourning Dawn et l'attente valait le coup. L'album se fait bien plus noir que les trois précédents albums et le groupe s'enfonce encore plus loin dans la folie et le désespoir. Éprouvant, dur à encaisser, extrêmement noir mais excellent dans le genre et une preuve supplémentaire de l'authenticité de Mourning Dawn.
"Waste"
Note : 17/20
Après l'excellent "Les Sacrifiés" en 2014, Mourning Dawn revient avec un EP assez particulier, que ce soit par sa durée ou son concept.
En effet, "Waste", puisque c'est son petit nom, est composé de trois pistes de vingt-quatre minutes chacune, ce qui fait que sa durée globale dépasse donc les soixante dix minutes. Pour une sortie considérée comme un EP c'est plutôt copieux, ça me rappelle d'ailleurs le "Harbinger Of Metal" de Reverend Bizarre considéré lui aussi comme un EP malgré ses soixante-quinze minutes au compteur (même si la comparaison s'arrête là évidemment). Sur ces trois pistes, on trouve donc deux nouveaux morceaux, jusque là ça va, mais la troisième piste est une sorte de fusion ou superposition de ces deux morceaux qui en donne du coup un troisième ! Ce qui est clair c'est que le groupe continue sa descente aux enfers musicale puisque "The One I Never Was" nous accueille d'entrée de jeu avec un feeling presque rituel, des sonorités indus ambiant dégueulasses, bref on patauge dans la crasse dès le début. "The One I'll Never Be" suit le même chemin tribal et rituel dans l'âme, un mélange entre procession et danse macabre. La musique du groupe se fait encore plus lourde, glauque, malsaine, inhumaine que sur "Les Sacrifiés", les incursions noisy - ambiant / indus sont plus nombreuses, bref le groupe tente de nouvelles choses. Je pense que c'est ce qui explique le fait que "Waste" soit considéré comme un EP, ce format étant souvent choisi pour expérimenter et c'est précisément ce que fait Mourning Dawn sur ces trois morceaux. Si l'on pouvait encore pointer quelques rares influences sur les premiers travaux du groupe, celui-ci s'est bel et bien émancipé et propose maintenant quelque chose de personnel. Mourning Dawn est à part, que ce soit au milieu de la scène doom ou de la scène metal en général.
La troisième piste, "Waste (The Deconstruction Of A Human Being)" étant la superposition des deux précédents morceaux, elle accentue encore plus les ambiances crades et rituelles, le morceau en devient d'ailleurs limite flippant. Cette musique est autant un exutoire qu'une introspection, elle plonge dans les bas fonds de l'âme humaine et vous offre à contempler tout ce qu'elle a de plus sale. Rien n'a de sens, rien ne dure, tout fini par disparaître, le masque de la tolérance et ce simulacre de vie sociale ne servent qu'à cacher notre égoïsme et notre hypocrisie. Il y a plus de misanthropie et d'authentique dégoût sur ces trois morceaux que chez la plupart des groupes de black. On y retrouve pourtant ce climat froid typique du black metal mais je le répète, les influences que l'on pouvait encore légèrement discerner auparavant sont totalement assimilées et c'est bel et bien son propre univers que le groupe déploie ici. Un univers qui ne conviendra pas à tout le monde, plus le temps passe et plus la musique de Mourning Dawn devient extrême et risque d'autant plus d'en laisser certains sur le carreau. Quelques rares passages montrent une certaine beauté, voire même quelques rayons de lumière, mais ça ne fait que renforcer la noirceur et la crasse qui s'étale allègrement le reste du temps.
Pour faire simple, "Waste" pousse encore un peu plus loin la musique de Mourning Dawn et prouve que ce groupe n'en fait qu'à sa tête et qu'il ne sort que ce qui vient de ses tripes. Un EP qui présente certaines expérimentations sans bouleverser l'univers du groupe, un changement dans la continuité comme on dit.
"Les Sacrifiés"
Note : 17/20
Après 5 ans d'absence, voilà enfin le troisième album de Mourning Dawn, "Les Sacrifiés", qui fait suite à "For The Fallen..." sorti en 2009 donc et qui avait montré que le groupe avait franchi un bon gros palier depuis le premier album s'affranchissant encore un peu plus des influences old Shining et Katatonia qu'on pouvait y entendre et surtout en ayant progressé à tous les niveaux.
Pas d'inquiétude, Mourning Dawn n'a pas fondamentalement changé et ce nouvel album est toujours dans la même veine, les influences en question peuvent encore y être trouvées en cherchant un peu, mais elles sont maintenant digérées et le groupe a une patte bien reconnaissable. Mourning Dawn fait du Mourning Dawn, à savoir ce mélange qu'on pourrait qualifier de blackened doom, et le fait de mieux en mieux ! Dès "The Watchers", on se fait écraser la gueule bien comme il faut, histoire de mettre les choses au clair tout de suite. Par la suite, le tempo sera un poil moins lourd, à la Mourning Dawn quoi, même si on note quand même cette fois une propension à descendre encore plus profond que par le passé. C'est un peu l'album "monsieur plus", tout y est encore plus dépressif, maladif, noir et malsain (on a même un CD en plus). Le chant suit le même chemin, les growls sont de plus en plus profonds et les hurlements encore plus déchirés ! On retrouve aussi pas mal de guests de luxe, à savoir Jonathan Théry comme sur le précédent album, Daniel Droste (Ahab), Kostas Panagiotou (Pantheist) qui apporte son chant aux airs de procession sur le morceau éponyme et sur le final "False Hopes", ainsi qu'Amduscias (Temple Of Baal). Finalement le groupe continue sur le chemin tracé depuis ses débuts, "For The Fallen..." marquait un tournant vers une musique plus doom dans laquelle les influences black cédaient un peu de terrain, l'ambiance y était encore plus plombée que sur le précédent album. On remarque finalement la même évolution sur celui-ci, Mourning Dawn nous fait descendre de plus en bas et nous écrase sous une chape de plomb en profitant pour nous noyer dans une mare de boue et de sang, histoire d'être sûr qu'on n'en ressorte pas indemne.
Sur le CD bonus réservé à l'édition limitée, on trouve pas mal de bonnes choses, à savoir "Scorned Silence", un inédit d'une bonne douzaine de minutes, une reprise de Paradise Lost ("Rotting Misery") et 4 anciens morceaux totalement réenregistrés et réarrangés. Réarrangés oui, parce que certains voient quand même leur durée passer du simple au double ! Et ça permet d'entendre certains morceaux dont les supports d'origine ne sont plus disponibles depuis un moment : "This Lost Smile In The Dark Sky" vient de "Straight To The Past" la deuxième démo du groupe, et "Remember" vient du premier EP "The Freezing Hand Of Reason". En plus de ces deux-là, on retrouve de nouvelles versions des morceaux "As The Ocean" tiré du premier album et qui passe mine de rien de 6:29 à 11:20 minutes ! On termine avec "For The Fallen..." tiré du deuxième album du même nom. Bref, le groupe ne se fout pas de nous et nous propose une édition double blindée ras la gueule, pour quand même près de 2h30 de musique. Des réenregistrements qui font du bien à tous les morceaux, ne serait-ce que pour le son qui est assez énorme cette fois. Une bonne occasion pour ceux qui découvriraient le groupe avec ce nouvel album d'écouter ce qu'ils ont fait sur leur précédents méfaits et de pouvoir constater la progression effectuée depuis. Pour en donner une idée, disons que si les gars de Mourning Dawn avaient déjà touché le fond précédemment, ils se sont dit cette fois que ce serait pas mal de creuser encore un peu histoire de voir si quelque chose se cache en dessous.
Au final, un excellent album en guise de troisième livraison, avec en bonus une rétrospective de la carrière du groupe avec un dépoussiérage de morceaux venant des démos, du EP et des deux premiers albums. Mourning Dawn confirme avec "Les Sacrifiés" qu'il est bien une valeur sûre du doom (et assimilés) français aux côtés d'Ataraxie et de Funeralium entre autres (les trois n'officient pas dans le même registre même si la base est bien doom, mais dans le genre "douceur de vivre" ça se pose là), et que ceux qui en doutent aillent jeter une oreille attentive sur ce double pavé, ça devrait les calmer !