Le groupe
Biographie :

Morgue Supplier est un groupe de death / grind américain formé en 1999 (anciennement Jugular Appetizer) et actuellement composé de : Paul Gillis (chant, guitare / Drug Honkey, Rabid Beast, ex-Crematorium, ex-Jugular Appetizer, Asscavern, Downheart, Giant Bitch, KLLU, Unspeakable Mind, ex-Bean Black, ex-Bollock Swine, ex-Chronic Illogic, ex-Embodied, ex-Innoculant, ex-LadyBug, DeathCamp) et Stephen Reichelt (basse / Drug Honkey, ex-Namland, Lost Dog, Murder Capital, Sympathy For Astronauts, Unspeakable Mind, ex-Nequient, ex-Cog). Morgue Supplier sort son premier album, "Sociopath", en autoproduction en Novembre 2004, suivi de "Morgue Supplier" en Février 2016 chez Obscure Musick, et de "Inevitability" en Mai 2022 chez Transcending Obscurity Records.

Discographie :

2001 : "Not Dead Enough" (EP)
2004 : "Sociopath"
2006 : "The End of the World" (EP)
2009 : "Constant Negative" (EP)
2016 : "Morgue Supplier"
2022 : "Inevitability"


La chronique


Mais qu’est-ce qui se passe à Chicago, ou dans l’Illinois en particulier ? C’est l’air souillé par les fumées des usines qui influe sur la créativité des artistes qui y résident ? Ou alors, c’est le fort taux de délinquance et de chômage qui pourrit la vie des gens et qui du coup, favorise l’inclination de la musique à se tourner vers le chaos et / ou le bizarre pour un résultat assez généralement non conventionnel ? Macabre et son metal qui se tape une fixette sur les serial killers, longue de pratiquement quarante ans, Maggot Twat et son batteur marionnette, Ministry et son charismatique frontman dont l’aspect physique s’est adapté à un mode de vie seringuo-décadent, Master qui a été un pionnier dans le death metal sombre et radical, Broken Hope et son death urbain qui pue la menace à plein nez, entre grindcore et fragrance thrashy, bref, je pourrai dresser une liste longue comme le bras mais on est surtout ici pour parler d’"Inevitability", album sorti en 2022 chez Transcending Obscurity Records.

Morgue Supplier, fort de ses vingt-deux ans d’existence, propose avec ce nouvel opus un grindcore / death dense, complexe et dissonant. Ce disque ne semble pas vouloir s’affranchir de quelque règle que ce soit et dévoile des compositions où les mouvements rythmiques et autres riffs ininterrompus peuvent à tout moment se retrouver fracturés, déchiquetés, propulsés ou négligés, autant dire qu’il va falloir bien attacher vos ceintures pour ne pas prendre quelques chocs qui pourraient occasionner de graves séquelles. Déjà, dès les premières secondes d’écoute, on ressent la fibre expérimentale, on pense à Voivod, à Gorguts évidemment mais avec cette sauce grindcore, ça tire aussi vers Discordance Axis voire Converge, mais aussi vers des groupes plus "basiques" et old school à la Broken Hope ou Defecation. Le duo n’hésite pas à mettre nos sens à rude épreuve grâce à un maintient constant dans la tension, l’expérience d’écoute d’"Inevitability", c’est comme si quelqu’un vous maintient la tête sous l’eau, que vous vous débattez, que celui-ci vous l’extirpe hors de l’eau le temps de récupérer une bouffée d’oxygène ou deux, et qui immédiatement vous y replonge avec force pour reprendre le petit exercice suffocant.

Avec Morgue Supplier, on se retrouve balloté à droite, à gauche, secoué ; leur dernier skeud, c’est les montagnes russes ! Malgré le fait que le drumming soit programmé et joué par une machine, cela n’impacte pas le plaisir d’écoute, en vérité, on n’entend le côté froid et clinique de la drum machine qu’à de rares moments, surtout dans les parties blasts insistantes. Autrement, le mixage de l’ensemble parvient à bien uniformiser les éléments entre eux. Le chant laisse entendre un bon panel de timbres, du criard au plus guttural, avec des modulations parfois étonnantes, très souvent utilisées pour appuyer le côté bizarre de ce qui se passe, écoutez "Thoughts Of Only Darkness" et ce riff cyclique et redondant, dissonant et dramatique qui, d’un coup, se fait interrompre par une basse qui précède à un passage mélodique, à situer quelque part entre The Fall Of Troy et du black metal. D’ailleurs, je parle de The Fall Of Troy mais "Inevitability" comporte quelques éléments parfois plus rock garage, toute proportion gardée, qui le rapprocherait de la mouvance mathcore. Morgue Supplier prend parfois des airs d’Antigama en plus débridé et il va falloir pas mal de temps pour s’imprégner des multiples détails qui pullulent dans le disque, car, hormis "Departure", un interlude qui arrive comme un cheveu sur la soupe et qui est basé sur des fréquences qui semblent être jouées à l’archet et qui dégagent de multiples harmoniques, autant dire que le reste de l’album vrille à cent à l’heure.

Dès "Absurd Identity", le premier track, Morgue Supplier te met dans le mal direct ! Aussi complexe que nuancé, dégageant de nombreuses atmosphères au travers d’un death / grind aussi dissonant que torturé, "Inevitability" est un de ces disques qui bousculent, qui te retournent le cerveau dans tous les sens sans pour autant sombrer dans une démonstration qui se perd, mention spéciale au track 2 "Closing In", mélange de Meshuggah, de The Dillinger Escape Plan et de black metal pour aliénés. Bon, après, quelques langues de vipère risquent de critiquer un certain aspect démonstratif qui peut parfois sembler jusqu’au-boutiste, mais l’expérimentation, est-ce que ce ne serait pas aussi de s’accorder le droit à l’essai, le droit de se dépasser ?


Trrha'l
Mai 2023


Conclusion
Note : 17/20

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