Le groupe
Biographie :

Møl est un groupe de post-black metal danois formé en 2012 et actuellement composé de : Ken Klejs (batterie, percussions / Intig, ex-Sunken, ex-Antennas To Nowhere), Nicolai Hansen (guitare / ex-Antennas To Nowhere), Frederik Lippert (guitare / ex-Sunken), Holger Rumph-Frost (basse / ex-Panacea) et Kim Song Sternkopf (chant / The Arcane Order, ex-100 Knives Inside, ex-Amplified, Roselyn). Møl sort son premier album, "Jord", en Avril 2018 chez Holy Roar Records, suivi de "Diorama" en Novembre 2021 chez Nuclear Blast.

Discographie :

2014 : "Møl" (EP)
2015 : "II" (EP)
2018 : "Jord"
2021 : "Diorama"


La chronique


La fin de l’année 2021 a été tout aussi prolifique pour la musique que le début, avec notamment le retour des Danois de Møl qui nous délivrent un post-black metal teinté de shoegaze aux ambiances mélancoliques mais également lumineuses, ce qui est assez rare dans du black metal. Si l’on constate évidemment la dimension nostalgique, il est en effet tout à fait surprenant dans ses mélodies très aériennes et lumineuses qui donnent des ambiances claires et reposantes, parfois presque positives, comme si cette nostalgie s’abandonnait au chagrin et s’y complaisait.

Les compositions qui parcourent l’album sont donc en général très légères et apportent un véritable vent d’air frais dans une scène où même les groupes de post-black metal et de black metal atmosphérique se dotent souvent d’une production assez lourde et sombre. Cependant l’album n’oublie pas de présenter des riffs d’une efficacité et d’une intensité tout simplement indéniables, ce qui donne lieu à des passages très percutants, dans lesquels la production devient plus massive et accède à des travers plus brutaux, passant par des riffs qui ne feraient pas pâle figure au sein d’un album de death metal, tout particulièrement dans "Serf". On notera un passage frôlant le hardcore dans le morceau "Redacted" sublimé par un chant qui semble en venir tout droit. On retrouvera également dans le début du morceau "Tvesind" des riffs dignes des meilleures formation de death metal dissonant qui résonnent comme un véritable appel à la violence pendant tout le début du morceau, ce qui est des plus étonnants quand on considère les ambiances délivrées par la suite, et de manière plus générale, dans l’album. Et c’est la façon de mélanger ces ambiances avec virtuosité et techniques qui font de Møl un grand groupe. Cette façon d’apporter une tristesse sans le sentiment destructeur qui l’accompagne, se targuant de mélodies chaudes et travaillées qui ne sont pas sans rappeler des formations comme Toundra, tout en proposant cependant de réelles dissonances dans les morceaux comme ça peut être le cas dès "Fraktur", premier morceau de l’album qui pose directement les bases de la musique à laquelle on aura affaire. Certaines structures ne sont également pas si éloignées du screamo, avec des mélodies qui pourraient tout à fait officier chez les Japonais de Envy.

Et c’est cette hybridation des ambiances et des genres qui marche si bien, car intelligemment réalisée et ne se présentant donc pas comme un album brouillon ne savant pas vers où se poser, mais bel et bien comme une traversée qui balait tout un pan des musiques extrêmes en passant par leur travers "post". Le morceau illustrant probablement le mieux ce procédé est "Vestige" qui, s’il prend une posture plus post-black classique que les autres morceaux, adopte pendant un temps une rythmique saccadée et brutale, avant d’enchaîner sans transition sur une cascade instrumentale tout droit sortie du post-rock. Côté chant, on se trouvera le plus souvent face à un chant hurlé assez criard et aigu typique des formations de post-black metal, mais certains morceaux verront intervenir un chant clair féminin qui vient surmonter des mélodies pourtant énergiques et agressives, créant ainsi une nouvelle dissonance plus que bienvenue au sein des morceaux "Photophobic" et "Diorama". Un chant clair masculin viendra également orner "Itinerary" et le morceau éponyme à l’album, apportant une touche de beauté plus humaine dans ce paysage teinté d’émotions qu’il est difficile de personnifier tant il est dense. Cependant, comme mentionné précédemment, dans "Redacted", on fait face à un chant lorgnant sur le hardcore avec des sonorités parfois death, et donc très inhabituel car venant bousculer l’auditeur dans son confort d’écoute, mais pas dans un sens négatif, car ce dernier est introduit progressivement, tout d’abord par des chuchotements se muant petit à petit en chant plus crié, comme une protestation et un abandon, avant de revenir sur le chant post-black auquel l’album nous a habitués jusque-là.

La guitare nous gratifiera également de moments surprenants de techniques avec notamment un solo dans le morceau "Serf" qui semble complètement sortir du contexte du morceau car entouré de riffs alternant entre le death metal et le post-black metal. Intervient donc par la suite ce solo complètement halluciné et sorti tout droit d’un album de heavy metal, mais qui ne choque pas pour autant et qui vient s’insérer là naturellement, comme si ce genre d’excès avaient toujours eu lieu dans ce type de production. L’album se termine par le morceau éponyme, et vient sublimer complètement tout ce qui a été mis en place dans le reste, instaurant des chants clairs se superposant parfois, le tout sur une ambiance très post-rock, dans toute la première partie, avant de se lancer complètement sur un chant totalement déshumanisé, semblant se désincarner de plus en plus au fil du temps, avec un chant clair féminin résonnant faiblement en fond, incarnant cet éloignement de l’humanité, déformé par toutes ces émotions qui sont transmises par la musique, de plus en plus dissonante, et n’arrivant plus à s’incarner et coexister.

"Diorama" s’impose donc comme un monstre émotionnel protéiforme mêlant avec virtuosité les genres et les ambiances afin de transmettre une myriade de sonoritéds toutes plus intenses et maîtrisées les unes que les autres. La formation allant piocher dans de nombreux genres, parfois inhabituels, nous livre donc une démonstration en termes d’hybridation et une œuvre d’une qualité rare et indéniable pour les amateurs des genres dans lesquels elle va chercher ses inspirations.


Praseodymium
Octobre 2022


Conclusion
Note : 18/20

Le site officiel : www.facebook.com/moeldk