Qui aurait pu croire, moi le premier, que l’un des meilleurs albums de power metal symphonique en 2020 en serait un de Noël ? Vous avez bien lu. Et pour les grincheux de ce monde, comme moi, ne cessez pas la lecture de cette chronique avant de vous rendre jusqu’à la fin.

Majestica en est à son deuxième album en un peu plus d’un an. Formé entre autres par Tommy Johansson (guitariste et chanteur live de Sabaton), le groupe suédois évolue, contrairement à Sabaton, dans un power metal à haute teneur orchestrale. C’est grandiose, à la limite grandiloquent, épique et mélodique. Démarré à la base par un certain Rhapsody, ce power metal cinématographique est maintenant porté par les Trick Or Treat, Aquaria et autres Fairytales et Avantasia de ce monde.

Tommy Johansson s’est donc librement inspiré de plusieurs cantiques de Noël connus pour concocter sa propre interprétation du conte de Dickens "A Christmas Carol", racontant les péripéties du plus connu des grincheux de Noël, Ebenezer Scrooge. Les puristes du metal viendront au front me rappeler que Majestica n’invente rien ici, que Trans-Siberian Orchestra le fait depuis belle lurette. En effet, je le concède à moitié car la différence entre le regroupement sibérien et Majestica est que Johansson s’est clairement amusé à produire un album de pure frénésie power metal. Il n’est d’ailleurs pas étranger au genre, ayant évolué au sein de Reinxeed durant près de 20 ans. L’originalité ne réside pas toujours dans la réinterprétation d’un style, mais bien aussi dans la manière de faire évoluer son art, et Johansson réussit l’exploit de faire avancer la cause du power metal.

L’un des points forts du power metal, et bien souvent son talon d’Achille, est les power ballads. Autant elles peuvent être magistrales, autant elles peuvent être sirupeuses et de mauvais goût. Rien de tel avec Majestica. "The Joy Of Chrismas" est l’exemple parfait d’une power ballad réussie. Elle sert bien l’histoire et vient casser l’atmosphère dithyrambique et imposant du reste de l’album. Au-delà des guitares, puissantes et rapides, et des arrangements orchestraux parfaitement réussis, c’est surtout la voix de Johansson qui sort du lot. Tributaire de Kiske, Tobias Sammet ou de Fabio Leone pour ne nommer que ceux-ci, Johansson navigue aux travers des mélodies qu’il a composées avec une aisance renversante. Son registre est impressionnant et convient absolument au style de metal proposé ici.

Aucun de ces compliments ne serait pertinent si "A Christmas Carol" tombait à plat au niveau des mélodies et de la composition des morceaux. Je critique souvent les groupes de power metal lorsqu’ils ne parviennent pas à m’impressionner et me faire ressentir les frissons dont je suis en droit de m’attendre avec ce style de metal. Majestica s’en tire haut la main. Les pièces sont toutes plus impressionnantes l’une de l’autre et jamais il n’existe un moment d’ennui dans les 42 minutes de ce petit chef-d’œuvre de power metal. Le mélange entre les compositions originales et les extraits de cantiques est fort réussi et jamais on ne sent que cela a été forcé ou rapiécé de force. Le seul petit bémol de ce véritable tour de force power metal réside dans les narrations. Mais pourquoi, à mon grand dam, la plupart des formations du genre ne parviennent jamais à réaliser des narrations adéquates ? Elles semblent toujours jouées par des comédiens tout juste sortis de l’école ou par des étudiants dans un spectacle de fin d’année. Sérieusement, j’attends encore à ce jour le premier groupe qui réussira à relever ce défi.

Vous vous dites ouverts d’esprit, vous aimez Noël et le power metal coule dans vos veines ? Majestica est la prescription tout indiquée.

S’il existe un style de metal chez qui le nombre de formations pullule, c’est bien le power metal. De nouveaux groupes tentent de porter le flambeau, certains plus vieux s’essoufflent, voire même disparaissent sans laisser de trace. Pourtant, il arrive parfois, sorti de nulle part, qu’un groupe renaisse de ses cendres, sans avertissement. C’est le cas ici de Majestica, au sein duquel on ne retrouve nul autre que Tommy Johansson (guitare, voix), mieux connu pour son travail à la six cordes avec ses comparses de Sabaton. Dans les faits, Majestica est la renaissance de ReinXeed, ancienne formation de Johansson, ayant produit 6 albums studio.

Complété de Alex Oriz (guitare) et de Chris David (basse), ainsi que nul autre qu’Uli Kusch (ex-Helloween) à la batterie. Musicalement, Majestica est en ligne directe avec les grands du genre tels que Gamma Ray, Stratovarius et Helloween. Si ce n’était pas du fait que ces dits groupes sont à des lustres de leur inspiration d’antan, je serais tenté d’avancer que Majestica ne fait que proposer la même recette, maintes et maintes fois épurée. Cependant, suivant le résonnement cité précédemment, la musique de M. Johansson fait pratiquement office de nouveauté dans le monde du power metal, bien que ses pièces comportent leur lot de clichés du genre. Chant haut perché, batterie frénétique, mais sans finesse et beaucoup, beaucoup de vitesse ne feront pas de ce "Above The Sky" une référence, mais force est d’avouer que Majestica peut au moins prétendre faire du "vrai" power metal, plutôt que de la pseudo expérimentation (oui M. Kakko, c’est toi que je vise personnellement).

Au niveau de la qualité sonore en revanche, rien à critiquer ici. On a affaire à du travail de pro et clairement Johansson et sa bande se sont assurés d’un son professionnel. C’est puissant, clair et hautement dynamique, chacun des instruments ayant librement le loisir d’évoluer dans un espace qui n’est nullement étouffant. Vocalement, Johansson n’a rien à envier aux plus grands du genre. Sa voix est agréable et ne semble jamais  forcée, plutôt pleinement en contrôle.

J’ai souvent la triste impression de n’être qu’un vieux disque usé, mais je me dois de le mentionner à nouveau : Majestica ne réinvente certes pas la roue, loin de là, mais nous fait tout de même l’honneur d’un solide album de power metal, agréable à entendre.