Le groupe
Biographie :

Lunar Tombfields est un groupe de black metal atmosphérique nantais formé en 2020 et actuellement composé de : Äzh (batterie, guitare / Natremia, ex-Defenestration, ex-Angoisse) et M. (guitare, basse, chant / Absolvtion). Lunar Tombfields sort son premier album, "The Eternal Harvest", en Février 2022 chez Les Acteurs De L'Ombre Productions, suivi de "An Arrow To The Sun" en Octobre 2023.

Discographie :

2022 : "The Eternal Harvest"
2023 : "An Arrow To The Sun"


Les chroniques


"An Arrow To The Sun"
Note moyenne : 15,5/20

Un peu plus d’un an après son premier album, la formation française de black metal atmosphérique Lunar Tombfields revient avec une nouvelle proposition musicale, "An Arrow To The Sun", toujours chez Les Acteurs De L’Ombre. Et si les ambiances sont diverses et variées, tout dans l’album semble porter une certaine aura de grandiose, assumant de sa pochette jusqu’aux ambiances, en passant par les titres des albums une grande inspiration dans la mythologie et les récits épiques de l’Antiquité. Cela passe notamment par une production mettant largement en avant guitare et batterie mais également par une multitude d’autres processus qui viennent parcourir l’album sans pour autant se répéter et donner une sensation de redondance, donnant sans cesse un sentiment de faire face à des évènements majeurs qui nous dépassent, quelque chose de trop grand pour nous mais auquel on fait face tout de même, le tout avec une pleine conscience, parfois désespérée, qui n’est pas sans rappeler l’excellent "Ageless Fire" de Vanum qui nous amenait également souvent dans cette direction.

Dans cet album, le chant possède une position absolument centrale, étant souvent mis largement en avant dans la production, il apporte, à travers le débit de paroles et sa tonalité complètement désespérée, tout ce grandiose auquel on fait face, impuissant, tout au long des morceaux. Si la plupart du temps il ne subira que peu de variations dans les tons, on notera tout de même un passage parlé à la fin de "Représailles", déclamé en rimes à l’image d’une poésie ou plutôt d’une complainte, ce qui donne un ton très solennel et puissant à cette fin de morceau, appuyé par les instruments, plus en retrait cette fois. On notera également que contrairement à "The Eternal Harvest", cet album comporte deux morceaux avec du chant en français : "Représailles" et "Le Chant Des Tombes", ce dernier va d’ailleurs apporter une variation dans le chant qui ne sera plus du tout rauque et inhumain mais beaucoup plus clair et solennel comme pour glorifier quelque chose de plus grand. L’utilisation de la langue française va également apporter des sonorités différentes de l’anglais et amener cette touche poétique qui est si appréciable dans les groupes de black metal qui choisissent de s’exprimer ainsi.

Il semble d’ailleurs y avoir une véritable dissonance entre les morceaux chantés en français et ceux en anglais, en effet on sent dans les morceaux en français une certaine grandeur noble qui se dégage des riffs et du chant, semblant raconter des récits à l’échelle humaine, qui n’implique pas, ou seulement à travers des prières et croyances, les divinités. D’un autre côté, les titres en anglais se veulent beaucoup plus oppressants, dépassant l’échelle de l’humanité pour regarder vers les cieux, vers quelque chose d’intouchable et d’inatteignable mais de bien présent, ce qui se traduit par un rythme beaucoup plus soutenu, des riffs qui vont aller plus vers l’épique et le merveilleux, sans pour autant délaisser cette part violente de réalisme illustrée par une batterie souvent très rapide et percutante, notamment dans "As Iron Calls, So Pile The Dreams" et toujours par un chant complétement dépassé et désespéré par les évènements, on notera dans ce morceau également un petit passage instrumental, très calme, souligné par de trémolos très en retrait qui met en lumière des tons mélancoliques et tristes, comme à la vue des restes fumants d’un champ de bataille dont les derniers survivants ne sont pas encore au bout de leur peine, prêts à partir dans un dernier élan de désespoir à la fin du morceau, avec des riffs plus lents et plus tragiques encore. Le même type d’écriture s’applique au morceau suivant, "The Amber Herd" (à ne pas confondre avec l’actrice...) qui adopte également des sonorités très martiales, notamment avec une batterie qui insiste largement sur des percussions très puissantes donnant cet aspect guerrier qui va ensuite partir encore plus loin à la charge à grands coups de blast et de riffs déchaînés.

Si la plupart du temps, les riffs se composeront de tremolo picking dont on a l’habitude dans ce genre de musique, on trouvera de temps à autre dans l’album des passages plus lents avec des riffs beaucoup plus lourds qui viennent apporter à nouveau un aspect de grandeur à ce qu’il se passe musicalement, on retrouvera cela tout au long de "An Elegy To The Fog Dancer" qui vient ouvrir l’album pendant trois minutes qui sauraient tout à fait trouver leur place dans un album de doom. Le reste de l’instrumental, s’il découle d’un black metal plus classique, n’en est pas pour autant moins appréciable et reste d’une efficacité imparable, les trémolos donnant souvent une sensation d’urgence absolue dans la première moitié de "Solar Charioteer", avant de passer sur des tons beaucoup plus atmosphériques et rêveurs qui semblent presque ressembler à un récit complet avec ses péripéties et ses moments de calme, on y trouvera d’ailleurs un passage beaucoup plus tragique en fin de morceau. Si l’album se termine sur "Le Chant Des Tombes", un morceau en français, c’est également pour laisser derrière toutes les considérations mythologiques et maintenir un regard sur les véritables conflits qui vont parcourir le monde, dans lesquels aucun panthéon divin n’est impliqué, et en ce sens la fin du morceau se distingue particulièrement bien du reste de l’album, offrant un riff lent et menaçant, qui va se répéter en boucle, pour être supporté tout à la fin par un blast qui, bien que distant, jouit d’une production d’une lourdeur incroyablement satisfaisante, reflétant une violence brute et sourde à venir.

Lunar Tombfields nous livre ici un second album extrêmement solide qui sublime le black metal atmosphérique que la formation nous avait proposé auparavant pour y ajouter quelques éléments supplémentaires qui sont plus que bienvenus, donnant un sentiment parfois plus urgent à une musique pourtant contemplative. La présence de la langue française dans le chant vient également introduire une véritable césure dans l’album et se distingue par sa clarté et ses tons épiques, là où l’anglais semble plus solennel et désespéré. On notera aussi une amélioration de l’accent anglais sur les parties de chant un peu plus facilement compréhensibles, ce qui est toujours bienvenu pour nous français qui ne trouvons pas tant de charme à notre accent.


Praseodymium
Février 2024
Note : 17/20

La saison froide est arrivée, l’hiver s’est pointé sans prévenir, balayant les derniers espoirs de pouvoir tenter un dernier apéro grillade dans le jardin. Tout le monde investi dans le bois de cheminée, rempli sa cuve à fioul ou se procure des bidons en grande surface afin de permettre à son foyer d’être un lieu chaud et douillet. Lunar Tombfields propose avec "An Arrow To The Sun" tout sauf un quelconque disque rassurant, qui réchauffe le cœur de son auditeur. Au contraire, le black metal proposé ici est telle une main surgissant de nulle part, qui s’empare de vous afin de vous hisser vers je ne sais quel monde où les lueurs du jour ne pénètrent pas et où le froid y est persistant. Pendant un peu plus de quarante-six minutes, ce voyage introspectif, sombre et dépressif, n’en reste pas moins envoûtant, portant en lui un petit quelque chose qui rend la mélancolie attirante. Mené de main de maître par deux protagonistes, M. à la guitare, à la basse et au chant, et A. à la batterie, la formation née en 2020 a déjà à son actif un premier longue durée sorti en 2022, ils n’ont pas tardé à rebondir en proposant aujourd’hui "An Arrow To The Sun".

Dès les premières notes, l’ambiance s’installe, très lourd, le premier riff s’engage pour persister jusqu’à la fin du track, trois minutes de la même chose, cela donne le ton général du disque, il faut s’y préparer. "Solar Charioteer", le deuxième morceau, pose un peu plus les bases, et on découvre le penchant progressif du binôme. Le côté acoustique du traitement de la batterie et la guitare qui sonne plus comme un overdrive que comme une distorsion, ajouté à la voix crié, jamais trollesque, plus humaine finalement, ajoute du crédit à l’ensemble. La production est très claire, le son très correct, de ce fait, il y a ainsi (et ça rentre un poil en conflit avec mon introduction) une certaine sensation de chaleur qui se dégage de l’ensemble. Les mélodies de guitares sont nombreuses et viennent contraster avec les passages où le chant est à l’honneur, créant des moments purement instrumentaux efficaces. C’est au détour d’un riff, d’un break, d’une ponctuation musicale que Lunar Tombfields va faire évoluer son black, rien n’est réellement téléphoné, on ne sait jamais comment la musique va évoluer. "Représailles", troisième titre présent sur l’album, est l’exemple même de ce genre de contrepied, avec son introduction épurée, au toiles harmoniques sublimes, qui part en black plus traditionnel, lui-même s’échelonnant entre d-beat bestial et mises en place bien lourdes, avec, toujours en filigrane, les guitares, insistantes, omniprésentes.

Hormis l’introduction, les titres évoluent tous entre huit et neuf minutes de musique, et ceux-ci n’hésitent pas à s’étaler, prennent le temps de s’étirer pour favoriser l’aspect introspectif. Cette mise en forme volontaire et cet agencement du storytelling est propre au black atmosphérique, il est probable que tout le monde ne puisse y trouver son compte. Seul les fanas du genre sauront apprécier ce format, car on le sait, le fan de black écoute la musique au casque. C’est pas le genre de skeud qu’on va se foutre en pleine soirée pizza-bière. "As Iron Calls, So Pile The Dreams", quatrième extrait, partage un feeling très black guerrier, limite pagan, avant d’entrer petit à petit en mutation pour terminer après un interlude de guitare triste mais apaisant, en ternaire lourd et chargé émotionnellement. "The Amber Herd" possède un petit charme alternatif, assez shoegaze dans l’esprit. Bien lourd au départ, celui-ci, tels les efforts précédents, prend des directions où le d-beat succède au tapis de double grosse caisse pendant que les guitares se chargent de tisser des arrangements hyper ouverts aux fréquences chargées. On a au fil de l’écoute, la sensation d’être en présence de synthés omniprésents, or, il n’y en a point. "Le Chant Des Tombes" conclut le disque, ce sixième et dernier morceau reste esthétiquement similaire aux tracks précédents, un véritable rouleau compresseur émotionnel au sein duquel les guitares n’ont jamais autant exprimé la mélancolie.

"An Arrow To The Sun" est un bon disque de black metal atmosphérique qui plaira avant tout aux aficionados du genre car celui-ci demande de s’y plonger dedans, ce n’est pas le genre d’album easy access, bien au contraire, il demande un effort d’introspection, de mise en abîme à travers soi, c’est le meilleur moyen de l’apprécier. Bien produit, clair dans son scénario, ce disque harmonise des compositions pour créer un long et lancinant périple au sein duquel se mêlent diverses émotions. Encore une belle trouvaille de la part des Acteurs De L’Ombre, garants de fournir du black d’avant-garde de qualité, et made in France s’il vous plaît !


Trrha'l
Décembre 2023
Note : 14/20




"The Eternal Harvest"
Note : 17/20

Il est souvent mentionné dans de nombreuses œuvres à quel point l’humain est anecdotique tant dans l’histoire de l’univers que par sa place dans l’infinité de ce dernier. Cette thématique est souvent utilisée par de nombreux groupes afin de pointer la vacuité de notre existence. Lunar Tombfields ont également choisi d’aborder ce sujet, mettant en avant un point de vue très humain au sein de tout ça, ils résument une vie entière de questionnements face à cette immensité en une petite cinquantaine de minutes. Ainsi, 2022 verra donc arriver le premier album de la formation nantaise nommée Lunar Tombfields. Signé chez Les Acteurs De L’Ombre, le duo nous propose ici un black metal atmosphérique complètement habité à travers un album de quatre morceaux, tous assez longs, rendant hommage à la grandeur de l’univers et prenant conscience de l’infime portion qu’occupe l’être humain dans ce tout si vaste.

C’est à travers un déluge de riffs que l’album va pleinement s’exprimer, ce dernier proposant de nombreux passages uniquement instrumentaux. Etant donné la longueur des morceaux, ces derniers se doivent donc d’être particulièrement accrocheurs pour ne pas nous laisser sur la touche dès les premières minutes. Et force est de constater que c’est le cas. Malgré les codes du black metal atmosphérique aspirant à des sonorités très légères et posées et qui ne permettent pas toujours d’explorer le plein potentiel des instruments, la formation parvient à nous mettre face à des riffs étonnement lourds pour le genre mais mixés d’une façon qui permet de garder cet aspect aérien attendu, le tout apparaît donc comme un énorme contraste qu’on ne sait trop interpréter mais qui fonctionne indéniablement. Egalement porté par une batterie qui blaste énormément, venant ainsi ajouter encore plus à ce contraste, le tout nous apparaît comme une immensité pourtant si légère. Et c’est en cela que la musique dépeint très bien toute l’immensité d’un univers pourtant largement composé de vide.

Quelques passages acoustiques viendront également alimenter les long morceaux, provoquant souvent une coupure dans ces derniers. Ces passages sont cependant d’une réelle beauté et ne viennent pas casser complètement le rythme des morceaux, venant toujours s’introduire habilement et avec une légèreté déconcertante comme le passage dans "As The Spirit, Wanes, The Form Appears". Ce bref instant, noyé dans un océan de riffs et patterns plus rapides, vient comme un retour à une vision plus terrestre des choses, à notre humble connaissance, de lieux apprivoisés et apaisants qui viennent nous rassurer, avant de nous replonger dans l’immensité et l’inconnu. Si l’album parvient à convaincre, c’est également à travers la grande diversité des riffs proposés, en effet, ces derniers ne nous donnent quasiment jamais la sensation qu’ils se répètent et ne prennent pas non plus un air de déjà entendu chez une autre formation. Tout semble nouveau et amène à la découverte. On aura ainsi des moments très rapides aux sonorités plus abrasives et percutantes mais également des instants plus portés sur le majestueux et le grandiose, ces derniers ayant plus tendance à revenir, comme c’est le cas pour le riff ouvrant "A Dialogue With The Wounded Stars". Ces répétitions, cependant, amènent également un ton plus imposant quant aux forces auxquelles nous faisons face, accentuant ainsi l’idée de gigantesque qui est donnée par ces riffs déjà lourds de symbolique.

C’est probablement sur le chant que le groupe se démarque le plus du reste, ce dernier étant relativement inhabituel, certains auront peut-être du mal à l’appréhender au départ tant il est spécial. Toujours est-il qu’il sait transmettre une multitude d’émotions à travers lesquelles on passe, que ce soit l’admiration, le désespoir ou la colère. Le plus étonnant étant que tout cela est transmis absolument sans variation dans la technique de chant, seulement à travers la façon dont c’est chanté, on aura ainsi des vocaux beaucoup plus percutants et agressifs dans "A Dialogue With The Wounded Stars", révélant une certaine blessure voire une terreur masquée derrière de la colère, là où il sera plus posé dans "Drowning In The Wake Of Dreams", comme s’il était plus résigné. A une exception près ce chant sera le seul que l’on entendra dans l’album. En effet l’ouverture de l’album se fait par un chant clair féminin qui porte tout le début de "The Ancestral Conjuration", ce chant résonne comme une berceuse, comme si finalement l’intégralité de l’album résumait une vie humaine entière, parsemée par toutes les différentes émotions qui vont être abordées pour finalement s’éteindre aussi rapidement qu’il s’est lancé, et dans le silence.

Le duo nantais nous propose donc ici un album surprenant, tant par le chant inhabituel que par un contraste saisissant entre légèreté et lourdeur qui réussit à nous emporter dans son univers. L’album fonctionne très bien sur la durée grâce à une variété de riffs tous aussi efficaces et maîtrisés les uns que les autres et à une production très aérienne qui nous permet de nous évader sans ressentir aucune lassitude tout un long d’un voyage qui a pourtant tout pour être éprouvant. Un premier album très prometteur pour la suite de la carrière d’un groupe qui a encore, semble-t-il, beaucoup à apporter au black metal atmosphérique.


Praseodymium
Mars 2022


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/lunartombfields