Le groupe
Biographie :

Lindemann est un groupe germano-suédois de metal industriel comprenant le chanteur du groupe Rammstein, Till Lindemann, ainsi que le multi-instrumentiste Peter Tägtgren. Le 28 Mai 2015, le groupe a sorti son premier single "Praise Abort". L'album studio nommé "Skills In Pills" sort le 23 Juin 2015 chez Warner Music. Le 22 Novembre 2019, l'album "F & M" sort.

Discographie :

2015 : "Skills In Pills"
2019 : "F & M"


Les chroniques


"F & M"
Note : 16/20

Créé il y a quelques années grâce à la rencontre de Till Lindemann (chant, Rammstein) et Peter Tägtgren (instruments / arrangements, Hypocrisy, Pain, ex-Bloodbath, ex-Lock Up…), le duo de titans se nomme Lindemann. Une rencontre de deux géants du metal industriel, qui accouche d’un premier album en 2015, et intégralement en anglais ! Quelques shows en Russie, mais les activités principales des deux membres les contraignent à mettre de côté ce projet, et c’est finalement pour la fin de l’année 2019 que "F & M", leur deuxième méfait, voit le jour après une grosse année de teasing.

On débute cet album par "Steh Auf", un morceau entraînant et à la rythmique diablement efficace qui use également de claviers pour… attendez, c’est chanté en allemand ? Bon… l’ambiance est sombre, et le clip l’est également, ce qui prouve la continuité de la réflexion des deux hommes. "Ich Weiß Es Nicht" prend la suite, avec à nouveau des riffs entraînants et lourds, qui comptent parfois sur la seule voix du chanteur pour tenir le morceau, mais les instruments ne sont jamais bien loin. Le ronflement métallique de la basse est très bien exploité, et on retrouve cette ambiance un peu plus martiale sur "Allesfresser". Le titre est plus énergique que les autres, et nous aligne des passages simples mais violents tout en utilisant la voix puissante du chanteur.

Un passage dans une ambiance plus calme mais tout aussi pesante pour "Blut", qui flirte avec un metal gothique sombre et oppressant. Mais les riffs sont également pachydermiques, et il est presque impossible de ne pas hocher la tête. Très différente, "Knebel" est une composition à la guitare acoustique qui tranche clairement avec le reste de l’album, et il faudra attendre plus de la moitié du morceau pour enfin avoir cette surprise. Le son saturé revient, et il est surpuissant. "Frau & Mann", le morceau suivant, est également un mélange entre une quiétude suspecte et une part de violence dynamique. Mais ce sont également ces sonorités contradictoires que l’on aime, et le titre tourne tout seul. Petit passage dans un style très différent avec "Ach So Gern", un morceau… étrange. A nouveau, la saturation est absente de ce morceau de… bal musette ? Oui, c’est comme ça que nous allons l’appeler, et passer à la suite.

Le piano débute "Schlaf Ein", et c’est à nouveau sur une rythmique douce et sans saturation que l’inquiétante voix de Till nous fait frémir, alors que nous renouons avec le metal industriel sur "Gummi". Les riffs efficaces du combo font mouche, et c’est l’énergie qui guide ce titre, tout comme "Platz Eins", le morceau suivant. Un peu plus electro que le précédent, ce morceau est probablement celui qui fera danser la foule lors des lives. Et on repasse dans un univers doux et mélancolique, mais avec cette part sombre pour l’intrigante "Wer Weiß Das Schon". Le titre mélange orchestrations sublimes et le chant du vocaliste pour une tension qui monte, monte, puis finit par faiblir et s’éteindre sous nos yeux. Dernier changement total d’univers, c’est sur du rap que l’album s’achève avec "Mathematik", un titre qui avait déjà fait couler de l’encre à sa sortie il y a un an.

Il reste un titre bonus, "Ach So Gern", mais en version Pain . Beaucoup plus dynamique que la version originale, ce morceau fait revenir les riffs indus sur le morceau, et je dois avouer que c’est pour ma part beaucoup plus appréciable !

Que de surprises en cette fin d’année. Avec "F & M", Lindemann nous offre une immersion totale dans les entrailles de la bête. Alternant en permanence les ambiances, la première écoute sera déroutante. Puis on se fait rapidement un classement des titres que l’on aime, et de ceux que l’on comprend moins. A voir sur un passage en live (Février 2020) ce que donnera le spectacle !


Matthieu
Janvier 2020




"Skills In Pills"
Note : 18,5/20

Il est très rare, surtout ces dernières années, de trouver un projet hautement singulier tant sur le fond que par la forme, exit le phénomène des supergroupes dont les résultats créatifs laissaient à désirer, les personnalités affirmées de membres reconnus ayant eu raison d’une finalité pourtant simple, apporter ses différences pour composer le meilleur. C’est dire si l’escapade musicale en duo de Till Lindemann, leader charismatique de Rammstein, est attendue au tournant. Le frontman, en véritable icône de la scène metal, profite d’une pause salutaire dans la carrière du groupe pour mener à bien un projet qui lui tenait à cœur. A l’instar de Richard Z Kruspe s’associant entre autres avec Mikko Sirén, batteur d’Apocalyptica, pour Emigrate, Till a concrétisé ce qui ne devait être qu’un simple trip musical avec Peter Tägtgren, multi-instrumentiste de génie à l’origine d’Hypocrisy et de Pain.

Une aventure commune née d’une rencontre des plus fracassantes : en 2000, lors du mixage de "Mutter" en Suède, Till et Flake se rendirent dans un bar de bikers pour se vider la tête en compagnie d’une gente féminine particulièrement conviviale, fausse bonne idée surtout lorsqu'un des bikers en question s’avère être l’ex d’une des jeunes femmes courtisées par Till. Il fallut l’intervention de Tägtgren pour calmer l’ambiance. Un début d’amitié qui donna naissance au projet Lindemann, à grand renfort de substances liquoreuses. Un exutoire pour Till dont le nom rend hommage au vin australien de même nom (un "N" en moins) et qui laisse libre cours aux pulsions les plus libidineuses, nous offrant un côté viscéral et nihiliste qui suintait depuis quelques temps au sein de la machine de guerre qu’est devenue Rammstein, sans jamais oser en franchir les limites.

Séditieuses comme jamais, les lyrics sont couchées sur des compos particulièrement inspirées de Tägtgren, un heavy indus symphonique d’une explosivité rarement atteinte qui aborde une large palette de sujets et d’influences, l’œuvre de deux hommes qui n’ont su faire qu’un, apportant chacun leur identité musicale, sans pour autant reproduire ce qui a fait leur succès passé, car même si certains sons, chants, rappellent les groupes qui ont bâti leurs légendes, les deux compères nous offrent non pas un énième ressassement du genre, mais ce que l’on peut déjà qualifier de bible culte. Plus d’une décennie de gestation pour un dix titres dont certains tiennent du travail d’orfèvrerie. Un must have en puissance.

A commencer par le titre éponyme "Skills In Pills", hymne electro metal en puissance rappelant les meilleurs années de la Neue Deutsche Härte, une époque où le mélange cachets / vodka se pratiquait souvent en ex-RDA, faute de drogues, un sujet ici abordé. Batterie cadencée, voire métronomique, nappes de claviers lugubres et rugissement à la Wiener Blut mais en anglais, une entrée en matière lourde et puissante qui annonce la couleur, un véritable uppercut travaillé à l’extrême sans jamais être maniéré. Une constante qui se retrouve dans les titres suivants où le politiquement correct semble clairement banni comme le démontre "Ladyboy" et ses chœurs graves, profonds, voire synthétiques, contrastant avec la froideur d’un son typé death nordique, des synthés et arrangements non dénués d’une certaine mélancolie, la marque de fabrique de Tägtgren. Une intro christique laissant place à une batterie martiale, un rythme symphonique et massif à l’image du thème, "Fat" est un poème dont Fernando Botero aurait pu être l’auteur. Véritable déclaration d’amour aux femmes rondes dont les lyrics déjantées nous ramènent à celles de "Pussy", le titre nous gratifie d’arrangements inattendus et radicaux. Cette relation addictive avec la gente féminine, Till l’explore également dans "Fish On" sous forme de confession parnassienne, avec une batterie carrée, des claviers assez vintage rappelant l’EBM, énergiques, voire virils, rapides et déjantés, Till trouvant écho dans une voix féminine sur la fin du titre, donnant à l’ensemble une tonalité Hanzel Und Gretyl. Exit le côté provocateur sur "Children Of The Sun", titre profond au refrain solennel, avec des lyrics profondes pour une complainte où l’on retrouve des sonorités familières, une intro à la "Engel", un intermède à la "Sonne", des riffs surpuissants, voire homériques. Des éléments que l’on retrouve dans "Home Sweet Home", mais de façon plus amplifiée, avec une batterie funeste, un son mortuaire débutant par une ballade synthétique, rude et définitive dans ses propos, débouchant sur un refrain en mid-tempo, à la basse lourde, aux riffs violents et dont la mélodie n’est pas sans rappeler "Wicked Game". Imparable. Chair de poule assurée.

C’est oublié que Till est passé maître dans l’art du contre-pied nous proposant un titre aux antipodes des deux précédents, avec ce "Cowboy" déclinant et désenchanté, à l'intro chevaline, au matraquage de fûts très "Ich Tu Dir Weh", Lindemann nous offre son "Te Quiero Puta". Un kitch volontaire, un refrain Tanz Metal à souhait et quelques notes de banjo nous offrent une mixture improbable, délirante, remplie d’anecdotes comme seul le duo peut en produire. Nous restons dans la catégorie ovni musical avec "Golden Shower" dont le refrain aux nappes synthétiques et chœurs masculins donne une tonalité lubrique en adéquation avec le sujet, l’ensemble sonne electro, limite vintage, contribuant à l’ambiance charnelle du titre. "Yukon" explore un sujet plus personnel sous forme de carnet de voyage, le titre faisant référence à un fleuve d’Amérique du Nord où Till semble avoir vécu des expériences de vie très fortes. Lent et mélancolique, un refrain symphonique caractérisant la puissance de l’eau, où le violon se mêle au piano évoquant solennellement le déchaînement des éléments. Un hymne à la nature. Inutile de présenter le dixième et dernier morceau de l’album tant "Praise Abort" représente le titre culte par excellence. Véritable buzz sur la toile, onirique jusqu'au-boutisme, le clip est une merveille de cohérence vis-à-vis des lyrics et du thème abordé, une imagerie que n’aurait pas renié Lloyd Kaufmann. Ce n’est donc pas surprenant de retrouver Zoran Bihac à la manœuvre, tant son travail visuel sur les vidéos de Rammstein a été reconnu. Véritable plaidoyer sur l’échec d’une vie, sarcastique et irrévérencieux, "Praise Abort" débute a capella et débouche sur un son electro quasi binaire, intemporel, comme souvent chez Tägtgren. Les paroles vont très loin et font mal lorsqu'on les prend au premier degré, surtout que le sujet abordé est susceptible d’en toucher plus d’un. Le talent des duettistes réussit cependant à donner une certaine légèreté au texte, le ramenant à la caricature d’un homme vénal et blasé d’une situation qu’il a peut être lui-même créée. A noter que les possesseurs des éditions spéciales et deluxe pourront profiter d’un titre supplémentaire, "That’s My Heart", une ballade piano / violon au ton solennel qui fait intervenir des chœurs sur les refrains. Une très belle manière de clore un premier chapitre qui en annonce bien d’autres.

D'autant que le projet devait se limiter à une démo confidentielle, se révélant au final un formidable exutoire pour Till qui peut ainsi explorer des sujets de manière plus extrême qu’il ne l’aurait fait au sein de Rammstein. Certes il serait hypocrite de ne pas reconnaître certains arrangements présents dans les productions teutonnes, mais Tägtgren a su créer une réelle personnalité à Lindemann, œuvre mutante et polymorphe qui peut s’appuyer sur un réel concept évolutif, Till et Peter se complétant à merveille malgré leur éloignement géographique. Une composition à distance, sonnant comme un hommage à leurs modèles musicaux. Connaissant l’amour de Till pour les textes ambigus laissant libre cours à différentes interprétations, il n’est pas surprenant de le voir citer Gainsbourg en référence aux différentes lectures engendrée par ses compos. Et ce ne sont pas les artworks qui pourront aiguiller l’auditeur, chacun des titres disposant de son propre univers visuel que l’on peut d’ailleurs retrouver dans un livret fourni avec le CD.

Concernant un potentiel avenir, le duo est formel, rien n’est arrêté, Peter sous-entendant même l’existence de plusieurs compos destinées à un second album. D'ici là, il est fort probable que Lindemann se produise en live, reste à en définir la configuration. Quoi qu'il en soit, Till et Peter semblent avoir retrouvé une deuxième jeunesse avec ce projet, ce qui laisse augurer une suite qui ne bénéficiera peut-être pas de l’effet de surprise, un problème mineur pour deux artistes aussi imprévisibles que talentueux.


Braindead
Juin 2015


Conclusion
Le site officiel : www.lindemann.band