"Opus Daemoniacal"
Note : 16/20
Limbonic Art revient parmi les siens. Créé en 1993 par Daemon (guitare / basse / chant,
Sarcoma Inc., ex-Zyklon), le groupe sort cinq albums en dix ans puis disparaît. Le projet
renaît en 2006, puis évolue en one-man band et continue son chemin. En 2024, après
sept années d’absence, Limbonic Art collabore avec Kyrck Productions & Armour pour la
sortie d’"Opus Daemoniacal", son neuvième album.
Notre cauchemar débute dès qu’"Ad Astra Et Abyssos" ne débute, mêlant une atmosphère
pesante avec des riffs tranchants et une cohorte de hurlements qui défilent sur la batterie
mécanique. L’approche old school et le mix sombre donnent à ce titre une ambiance
malsaine qui se poursuit sur "Deify Thy Master" où la violence et la froideur se mêlent pour
adopter des influences pagan plus remuantes qui animent le morceau avec des sonorités
entêtantes. "Consigned To The Flames" alimente la spirale de négativité grâce à ses riffs
cinglants et ses parties vocales inquiétantes, créant une sorte de chorale infernale qui nous
emporte jusqu’à "Vir Triumphalis" où la fureur refait surface.
Le groupe assume parfaitement
ses racines norvégiennes et propose une approche très directe contrastée par des parties
plus aériennes que l’on retrouve aussi sur "I Am Your Demon" et ses mélodies perçantes où
l’atmosphère malfaisante atteint son paroxysme en termes de blasphème. Les harmoniques
continuent leurs méfaits sur "The Wrath Of Storms" où les tonalités impies rencontrent une
approche dévastatrice sur un rythme effréné pendant que le vocaliste déverse toute sa rage
avant de laisser place à "Ars Diavoli". La composition finale est de loin la plus longue de
l’album avec ses douze minutes, mais elle explore sans mal les climats déjà développés lors
des titres précédents, que ce soit dans la sauvagerie, la noirceur ou même les parties plus
lentes et parfois même majestueuses jusqu’à ses derniers instants.
Limbonic Art exploite ses racines norvégiennes en créant un black metal sans compromis,
que ce soit dans l’approche violente ou l’atmosphère impie. La seule chose que l’on peut
reprocher à "Opus Daemoniacal" est sa batterie mécanique, qui donne parfois un côté non
naturel à l’album.
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"Spectre Abysm"
Note : 12/20
Limbonic Art est un groupe de black metal symphonique formé en 1993 en Norvège. A l’origine composé de Morfeus et Daemon, il est aujourd’hui uniquement composé de ce dernier.
Son huitième album, "Spectre Abysm", est sorti le 7 Juillet 2017 chez Candlelight Records.
Limbonic Art, grâce à ses superbes albums comme "Moon In The Scorpio" ou encore "Epitome Of Illusions" que je trouve excellent, s’est élevé au rang de groupe mythique dans la scène black metal symphonique. Il connaît néanmoins des difficultés depuis une dizaine d’années, notamment avec le départ de la seconde pierre angulaire du projet, Morfeus. Daemon n’a pourtant pas abandonné son bébé et a poursuivi l’aventure en sortant "Phantasmagoria" en 2010, qui reçut un accueil très froid, tant de la part des fans que des médias. "Spectre Abysm" est donc un nouvel espoir, le second album de Limbonic Art en tant que projet d’un seul homme. Est-il parvenu à raviver l’âme de ce groupe, à l’origine si exceptionnel ?
L’album commence avec "Demonic Resurrection", morceau de pas moins de dix minutes où l’intro nous amène sans grande surprise vers du black violent à coup de blasts et de guitares grinçantes. On note tout de même le clin d’œil symphonique caractérisé par la nappe – elle n’est hélas pas très audible – de synthé. Bien que "Demonic Resurrection" ne soit pas une composition que l’on pourrait qualifier de mauvaise, elle est une pâle copie des pépites issus du génie créatif de Daemon et Morfeus. Sa linéarité la pénalise, et il est difficile de la situer vraiment. Elle est violente sans toutefois l’être trop pour laisser place à un aspect mélodique et symphonique d’une qualité douteuse. Cette non prise de position lui confère une absence totale de caractère, et c’est ce que je regrette le plus dans ce titre qui a du potentiel. Le morceau suivant, "Ethereal Traveler", me pose lui aussi un souci, mais pas pour les mêmes raisons. Il démarre pourtant plutôt bien, le côté mélodique est bien mis en avant, et la production rappelle celles des années d’or fin 80-début 90. L’idée générale de black symphonique est conservée au mieux, et je dis bien au mieux car on est loin de la perfection d’autrefois. Ce titre manque cruellement de finesse et de subtilité, le fond de synthé est bien le seul élément qui caractérise la "symphonie" de la chose, nous n’avons donc droit à aucune folie artistique. Il est triste de le reconnaître mais la voix de Daemon est l’unique rescapée des belles années de Limbonic Art, sa puissance et son timbre si particulier est ce qui me pousse à poursuivre mon écoute.
S’ensuit "Omega Doom", et là, ô surprise, ô joie ! Il semblerait que celui-ci va nous gratifier de sa lumière bienveillante. J’accroche immédiatement au riff simple mais efficace et mélodique à souhait, appuyé par les échos lointains de ce qui ressemble à des chœurs. Cela nous amène petit à petit au refrain scandé par la voix torturée de Daemon, la magie opère. Mais ma joie retombe bien vite quand je me rends compte qu’il faudra attendre presque la fin de l’album pour avoir l’honneur d’écouter un titre de cette trempe, et ce sera avec "Disciplina Arcani". L’introduction s’apparente déjà un peu plus à ce qui caractérisait Limbonic Art. Une ambiance à base de claviers graves et de bruits d’éclair, suivis par des lignes d’orgue parvient à me plonger dans l’univers sombre et perturbant du morceau. Pas besoin d’une mitraillette en guise de rythmique pour obtenir l’effet escompté, au contraire, la lenteur lugubre du morceau fait presque frissonner.
Mais comme vous l’avez compris en lisant les précédentes lignes, il s’agit bien des seuls titres à vraiment retenir de "Spectre Abysm"… Même "Requiem Sempiternam", morceau de transition d’un peu moins de trois minutes qui se veut black symphonique pur, est une tentative vaine. A vrai dire, je ne comprends même pas l’intérêt d’avoir intégré cette composition à l’album, elle n’y apporte pas grand-chose, et encore moins une quelconque beauté. "Spectre Abysm" s’achève avec le mitigé "Through The Vast Profundity Obscure", et c’est donc à contrecœur que je dois reconnaître qu’une fois de plus, Daemon n’a pas su relever le défi…
"Spectre Abysm" est dans son ensemble une nouvelle déception. Je dirai même qu’il soulève un autre problème. Pour du black symphonique traditionnel, ce n’est pas médiocre. Or ici il s’agit d’une œuvre de Limbonic Art, qui dès le premier album nous avait habitués à la quasi-perfection. Il est donc impossible pour moi de passer outre cela, nous avons pu jouir de compositions tellement plus bouleversantes... "Spectre Abysm" est un album qui s’essouffle vite, peut-être est-ce un signe que Daemon ne pourra définitivement pas retrouver sa gloire d’antan.
"Phantasmagoria"
Note : 13/20
Après un split qui attrista les fans de la première heure et un retour assez discret en 2007, Limbonic Art remet aujourd'hui le couvert avec ce "Phantasmagoria" qui présente un nouveau visage du groupe étant donné que Daemon reste seul maître à bord de ce vaisseau fantôme navigant depuis 1993 dans le sillage d'un certain Richard Wagner.
Malgré ce léger changement de line-up, on reconnaît dès la première note la touche Limbonic Art qui suit le groupe depuis ses débuts fracassants. La principale évolution a lieu au niveau du son qui s'est enfin modernisé un peu, surtout du point de vue des guitares qui sonnent plus metal, et la boîte à rythme se fait heureusement plus discrète sur cet album, rendant l'écoute de ce dernier plus facile et accessible en faisant la part belle aux claviers et aux mélodies de guitare. Une avancée que nous attendions déjà sur "Legacy Of Evil"...
Légère évolution aussi au niveau des vocaux, plus variés, mais dans l'ensemble, on retrouve Limbonic Art là où on avait laissé le groupe avant le départ de Morfeus. Cet album confirme donc le statut de tête pensante et de chef d'orchestre macabre de Daemon qui a réussi à se surpasser pour nous pondre ici un des albums les plus abouti du groupe de puis les légendaires "Moon In The Scorpio" et "In Abhorrence Demantia" en rendant un peu plus actuelle la recette de l'époque.
On retrouve donc ces riffs dissonants purement black metal, ces grandes envolées lyriques propres au groupe et ces passages atmosphériques planant propices au vagabondage de l'âme dans un monde cauchemardesque dont seul Limbonic Art a le secret. Moins linéaire que ses prédécesseurs, la variété des rythmiques devrait satisfaire tous les goûts en mélangeant lourdeur et riffs thrashy autour d'une base purement black metal que n'aurait pas renié Emperor.
Malheureusement, malgré toutes ces petites améliorations qui redorent quelque peu le blason des Norvégiens et qui font de ce "Phantasmagoria" un des meilleurs album du groupe, la mayonnaise ne prend pas pour autant. Malgré tous les efforts de Daemon, ce nouvel album reste irrémédiablement encré dans le style et le son des années 90 et n'apporte pratiquement rien de neuf par rapport aux deux premières productions du groupe. C'est donc un sentiment de lassitude qui va rapidement envahir l'auditeur.
Limbonic Art s'est enfermé dans un style dont il n'arrive pas à se sortir, même avec toute la bonne volonté du monde. On a donc l'impression que le groupe tourne en rond, essayant en vain de nous proposer un nouveau "Moon In The Scorpio", mais sans le panache d'antan ni cette petite étincelle qui avait embrasée mon âme à l'époque. Daemon se retrouve ainsi perdu dans un labyrinthe qu'il a lui même façonné au fil du temps et dont il a oublié jusqu'à la solution et l'énigme. Dommage...
On ne peut pas nier les qualités de cet album, mais il ne colle malheureusement pas du tout à son époque. Il se contente de nous livrer une image de la gloire passée du groupe, bien terne comparée aux chef-d'œuvre de l'époque qui sont encore dans toutes les mémoires. En 1996, Limbonic Art avait trouvé son style, le "Wagnerian Black Metal", mais ce style est aujourd'hui suranné et l'appellation sonne maintenant très pompeuse...
Le talent est là (et il l'a toujours été!), mais il est temps pour Limbonic Art de véritablement moderniser son style et son son. J'espère de tout mon cœur que Daemon arrivera à faire évoluer sa musique pour que je puisse rapidement retrouver le génie de ce compositeur hors pair, aujourd'hui enfoui au plus profond de son âme tourmentée... L'espoir fait vivre n'est-ce pas !?