"Livre Quart"
Note : 16/20
Voyons si vous êtes perspicaces, "Livre Quart" est ? Le quatrième album sous le nom Les Chants Du Hasard, bien joué ! Comme toujours, le projet nous amène une musique orchestrale très sombre, teinté de fines touches de metal et d'ambiances empruntées au black. La bio fournie avec la bête nous dit que ce nouvel album est plus sombre et plus vicieux que les précédents. Et quand on repense aux albums en question ça fait peur !
Et effectivement "Chant I – Parmi Les Poussières" démarre les hostilités avec un mélange de grandiloquence, d'ambiance apocalyptique et de mélodies dramatiques avec un chant hurlé qui se mêlent aux chœurs lyriques. Une fois de plus, ce n'est pas sans évoquer Elend et en particulier l'ouverture infernale de "The Umbersun" que constituait le pavé terrassant "Du Tréfonds Des Ténèbres". Cependant, Les Chants Du Hasard fait peut-être plus appel à des sonorités baroques et s'en sert en tout cas pour affirmer sa propre personnalité. Toujours est-il que cette entrée en matière est sans pitié, assez furieuse et nous fait sentir un fumet de fin du monde et de folie ambiante. La suite se fait un peu plus posée avec "Chant II – La Chauve Souris" mais l'ambiance ne s'allège pas pour autant et l'ensemble reste oppressant en diable. Moins frontal et agressif certes, mais l'ambiance générale est très noire sur ce deuxième morceau et on retrouve un côté malsain que ne renieraient pas la plupart des groupes de black metal. Comme toujours, et malgré ce côté malsain et furieux, la musique de ce projet ne s'adresse pas aux puristes qui ne trouveront rien à se mettre sous la dent par ici. C'est de la musique orchestrale et aussi violente, noire et froide qu'elle puisse être cela ne suffira pas à assouvir les pulsions bourrines des amateurs de grosse distorsion. Ceci mis à part, Les Chants Du Hasard a tout ce qu'il faut pour parler aux amateurs d'ambiances sombres et torturées, ce qui nous amène une fois de plus à conseiller l'écoute aux amateurs d'Elend puisque le postulat de départ est le même. Et même si pour nous c'est l'influence la plus évidente à citer, il ne faut pas voir Les Chants Du Hasard comme un simple élève, sa musique a bien sa patte et on trouve ici des ambiances particulières venues d'autres influences plus personnelles.
Comme d'habitude, on sent que tout ça a fait l'objet d'un travail d'orfèvre, les ambiances sont travaillées et s'imposent avec une force qui ne laisse aucune place à une quelconque forme de résistance. Encore une fois, ceux qui pensent qu'une musique ne peut pas être violente sans grosses guitares seraient surpris d'entendre à quel point "Livre Quart" peut se montrer dominateur et autoritaire. Outre la noirceur, il y a une puissance réelle sur ce quatrième album, peut-être moins frontale et directe que sur le précédent album mais bien présente et par moments écrasante. Globalement, cela s'exprime toutefois de façon plus sournoise ici, au fur et à mesure que l'on s'approche de la fin de l'album il y a quelque chose de profondément malsain qui s'installe, une ambiance générale d'une noirceur de jais qui suinte des enceintes. Pas besoin d'abuser des couches de sons, de superposer de multiples orchestrations ou chœurs, Les Chants Du Hasard utilise tout ça avec parcimonie et on est loin groupes de metal qui se servent du côté orchestral comme d'un gimmick en lui faisant plaquer quelques bêtes accords de cordes pour avoir l'air massif. "Livre Quart" fait figure d'OVNI sur la scène actuelle qu'elle soit metal ou non. Entre les sonorités baroques et la noirceur apocalyptique qui ne facilite pas l'approche, il n'y a rien sur ce nouvel album qui corresponde à une quelconque loi du marché de la musique. Toute considération commerciale est balayée, toute envie d'entrer dans un moule ou de respecter des codes se prend le même revers. Ne reste qu'une envie, un besoin de s'exprimer qui trace son chemin dans la nuit et vient vous chuchoter des horreurs au creux de l'oreille quand vous cherchez désespérément à trouver le sommeil.
Les Chants Du Hasard poursuit donc son exploration des tréfonds avec "Livre Quart" et nous livre une fois de plus un album orchestral d'une noirceur et d'une puissance terrassantes. La musique de ce projet inquiétant évolue tranquillement mais sûrement d'album en album et sa marque s'affirme de plus en plus. Les plus ouverts, ceux qui aiment les premiers Elend et les curieux de tous poils seraient bien inspirés d'aller laisser traîner leurs oreilles sur la discographie entière, il y a de quoi perturber quelques nuits !
"Livre Troisième"
Note : 16/20
Hazard (rien à voir avec Thierry... oui c'est une vanne foireuse) est de retour avec le troisième album de son projet Les Chants Du Hasard judicieusement nommé "Livre Troisième". Je blague là mais je vous garantis que les deux premiers albums n'étaient pas drôles du tout et les amateurs de black les plus ouverts, de musique orchestrale, voire des premiers Elend, seraient bien inspirés de se pencher dessus.
Mais là pour le coup c'est bien le troisième qui nous occupe et je vous le dis tout net, l'ambiance ne s'est pas améliorée du tout ! "Chant I – Le Moine" nous fait en plus entendre que les orchestrations sonnent de mieux en mieux d'album en album. Un morceau d'un peu moins de trois minutes en guise de comité d'accueil et qui se montre déjà très dramatique, beau, poignant et extrêmement torturé. Les hurlements vont immanquablement faire penser aux premiers Elend une fois de plus mais c'est logique, ce sont quasiment les seuls à avoir tenté ce genre de mélange auparavant et les albums en question sont des chefs d'oeuvre. Comme dit précédemment, si la référence est inévitable, Les Chants Du Hasard a bel et bien une personnalité et la développe d'ailleurs encore un peu plus ici. Par rapport à "Livre Second", on note assez souvent la présence de deux chanteuses lyriques qui ne font pas semblant et donne tout ce qu'elles ont chacune de leurs apparitions (Marfa Khovansky et Melitza Torres, toutes deux soprano). En tout cas, ce nouvel album prouve une fois de plus que des orchestrations peuvent être violentes et "Chant II – Les Prismes" en est l'illustration. Il y a des airs d'apocalypse et de destruction totale par ici et quand les hurlements se mêlent à ces orchestrations folles l'intensité monte de plusieurs crans d'un coup. Et là, vous allez vous demander quel est le rapport avec le black metal, c'est très simple il suffit d'entendre la noirceur et la folie qui se dégage de ces ambiances. En plus des hurlements, du chant plus proche du black se fait parfois entendre, renforçant encore la filiation. De toute façon, Les Chants Du Hasard n'est pas là pour que nous puissions y coller une étiquette.
Certes le projet mélange la musique baroque, classique, le metal pour la violence, la noirceur et le chant, mais tout ça se fond en une fresque sonore totalement folle. Si vous n'êtes encore jamais sorti du metal pur et dur, vous allez vite comprendre votre douleur avec ce nouvel album, son intensité va vous épuiser et vous allez vous demander ce qui vous est arrivé. "Livre Troisième" ne relâche que rarement la pression et sa folie ne s'éclipse que pour laisser place à une agression en règle ou à des passages plus dramatiques. Et si ces derniers sont plus calmes musicalement, ils n'en deviennent pas moins éprouvants émotionnellement et posent des ambiances d'une noirceur indéniable. Comme souvent, l'album est à envisager d'une traite et comme une seule pièce séparées en plusieurs "chants". Le "Chant VI - La Comptine" nous fait entendre des enfants chanter et cela rend le morceau d'autant plus malsain, glauque et fantomatique. Cette comptine a de faux airs de maison hantée et ces chants n'ont rien de charmant ou de mignon, ils en deviennent au contraire presque inquiétants. Le projet continue sur sa lancée et ce troisième album suit les deux premiers de près, comme des chapitres différents d'un même ouvrage en quelque sorte. L'intensité générale est une fois plus épuisante et le dernier morceau de l'album, "Chant VIII – Le Repos" n'en est pas un de repos tant il enfonce le clou encore un peu plus profondément ! D'autant qu'il enchaîne directement après la fin de "Chant VII - L'Oubli" qui dure près de huit minutes et ne baisse que rarement en régime.
Un nouvel album dans la lignée de ses deux prédécesseurs, toujours aussi intense et encore mieux orchestré. "Livre Troisième" demandera une fois de plus un esprit ouvert et une attention particulière, il se passe pas mal de choses là-dedans et Hazard n'a pas l'intention de vous laisser beaucoup de place pour respirer.
"Livre Second"
Note : 15/20
Une fois n'est pas coutume, nous allons parler d'un projet assez atypique avec Les Chants Du Hasard puisque celui-ci est entièrement orchestral et ne contient par conséquent aucune guitare, basse ou batterie. Le maître d'oeuvre n'est autre que Hazard de Way To End et il nous livre son deuxième album "Livre Second" qui suit la voie tracée par "Tome I" en 2017.
La musique du projet s'inspire visiblement des compositeurs russes mais si vous êtes comme moi et que votre culture en musique classique est parsemée de quelques trous (va falloir penser sérieusement à combler tout ça un jour quand même), vous devriez pouvoir situer la bête en pensant aux deux premiers albums d'Elend. "Chant I – Le Bossu" nous fait retrouver le même genre d'ambiances noires et apocalyptiques dont le groupe franco-autrichien avait le secret et le chant typé black de Hazard ajoute une couche de folie et de désespoir par dessus. On sent moins d'influences venues des musiques sacrées que chez Elend et Les Chants Du Hasard bâtissent une sorte de tragédie sonore en balançant des ambiances tantôt dramatiques tantôt décalées avec des allures de fanfare dégénérée ou de cirque peuplé par une ménagerie psychotique. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que Vaerohn de Pensées Nocturnes apparaît sur "Le Voleur D'yeux" même si la musique de "Livre Second" n'est pas aussi barrée. On note en tout cas que le rendu des orchestrations est plus que correct et que le fait que ce ne soit pas un véritable orchestre ne porte pas préjudice au travail de Hazard. Le but était visiblement de conjuguer la musique orchestrale avec la furie et la noirceur du black metal et c'est plutôt réussi, d'ailleurs ceux qui n'ont jamais écouté Elend et qui vont tomber sur Les Chants Du Hasard vont vite comprendre que la puissance ne s'exprime pas que par des instruments électriques et beaucoup de décibels. Bon, la musique classique l'avait déjà prouvé aussi depuis bien longtemps et si Wagner par exemple est presque considéré comme un bourrin, ce n'est pas pour rien. Mais pour des gens qui n'ont pas encore écouté grand-chose en dehors du metal, la surprise va faire son petit effet.
Même si je disais que la musique sacrée s'entendait moins que chez Elend il y a tout de même des chants grégoriens à plusieurs reprises et ce deuxième album montre une ambiance générale plus pesante, plus noire. "Chant V – La Marche" fait d'ailleurs appel à ces chants grégoriens et ces deux minutes trente sont aussi belles que tristes, un contrepoids idéal pour "Chant VI - La Cours" qui le suit et qui comme son nom l'indique montre un caractère plus nerveux et plus puissant. Vous avez beau être face à de la musique orchestrale, ce morceau est presque bourrin, brutal et va en calmer quelques uns qui pensaient être tombés sur un album de musique de chambre. Que les néophytes ne prennent pas peur car en dehors du fait que Les Chants Du Hasard n'a rien d'un groupe de metal traidtionnel, sa musique n'est jamais trop expérimentale ou trop atypique pour autant et vous n'aurez pas besoin d'être expert en bizarreries musicales pour apprécier ce nouvel album à sa juste valeur. Un esprit musical ouvert suffira et une meilleur connaissance que moi de la musique classique vous permettra probablement de saisir d'autres nuances et des références ou influences qui m'ont peut-être échappées. Toujours est-il que même sans être une encyclopédie du classique, "Livre Second" peut s'apprécier pour ce qu'il est et ses ambiances touchent de toute façon puisqu'elles font appel à des émotions que n'importe qui peut ressentir et auxquelles le black metal nous a habitués entre autres.
Un deuxième album dans la lignée du précédent qui devrait parler aux amateurs de musique classique et de metal extrême ou aux amateurs des premiers Elend. Les puristes ne trouveront évidemment pas leur compte ici mais les autres seraient bien inspirés de jeter une oreille à ce "Livre Second" aux ambiances noires et dramatiques.
"Tome 1"
Note : 17/20
Il n'est jamais trop tard pour s'intéresser aux bonnes choses, notamment dans le cas où les avis peuvent être très variés et argumentés de mille et une manières. C'est dans cette optique que je me suis finalement penchée sur le premier album de Hazard, unique membre du projet Les Chants Du Hasard. Beaucoup de choses ont été dites sur la richesse et l'originalité de cet opus, il est donc déconseillé aux esprits cartésiens !
Tel un psaume, les compositions sont liées et suivent une certaine logique.
"Chant I - Le Théâtre" démarre telle une marche funèbre et solennelle, où percent quelques touches d'instruments à mi-chemin entre la musique classique et la dissonance délirante. Le chant se fait tout aussi schizophrène, tantôt profond et caverneux, tantôt mêlé de chœurs harmonieux et célestes. C'est un morceau typique pour stimuler un imaginaire inconnu et glaçant. La grandeur tant de la musique que des paroles se complète à un aspect beaucoup plus onirique et spirituel. "Chant II - Le Soleil" s'ancre dans une dimension religieuse voire mythologique en grande partie portée par les paroles. L'ambiguïté est présente tout du long, tant dans les textes que dans l'instrumentale, qui naviguent entre chants religieux et passages païens, dans un rêve (ou bien cauchemar ?) éveillé.
En revanche, "Chant III - L'Homme" constitue une séparation avec les compositions précédentes par son ton d'emblée apocalyptique et infernal. Nous retrouvons tout de même cette dissonance, qui revêt cette fois un manteau glacé et lugubre. L'instrumentale seule suffit à nous faire comprendre l'image que Les Chants Du Hasard se fait de la race humaine, du moins dans son projet. Le texte vient concrétiser cela et s'intègre parfaitement dans l'univers que l'artiste a créé et nous transmet. Un monde lovecraftien et cauchemardesque, où les éléments naturels, surnaturels et extraordinaires se font face simultanément. "Chant III" est selon moi le morceau le plus représentatif et le plus bouleversant de cet album concept.
De l'homme, nous revenons à l'enfant avec "Chant IV - L'Enfant", où celui-ci est représenté dans les premières secondes comme un miracle divin - caractérisé par le son grandiose des instruments à vent -, mais qui va cependant tomber à un niveau pathétique de l'homme au sens premier du terme dans les instants qui suivent : celui où l'artiste réalise qu'un enfant le reste peu de temps avant de se transformer... en homme, et tout ce que cela implique dans l'esprit de l'auteur. La composition prend un aspect glauque et malsain, porté par la voix caverneuse et la musique sombre et rampante tel un serpent gorgé de venin. L'artiste a une vision très fataliste et funeste de l'enfant, ce qui constitue une suite tout à fait logique de son univers.
L'album poursuit avec un autre sujet abordé jusqu'ici de manière sous-jacente. "Chant V - Le Dieu" commence par une instrumentale qui caractérise le Dieu comme une puissance dangereuse nous faisant développer une peur aiguë de celui-ci. L'orchestre effrayant et absurde que nous avons entendu à plusieurs reprises refait son apparition dans ce morceau, en intervalle avec des passages aériens venus d'un autre monde. Sans surprise, l'auteur nous présente le Dieu d'un point de vue encore une fois à l'image du monde de Lovecraft : une puissance, un secours imaginé par l'homme pour l'aider à faire face à une situation - qui n'est autre que la vie en elle-même - qui lui échappe.
Encore plus intéressante est la dernière composition de cet album, "Chant VI - La Vieillesse", qui met en avant le fait inéluctable qu’en dépit du combat de toute une vie d'un Homme – l'enfance, la croyance, la religion, la peur, le temps qui passe -, la vieillesse est inévitable et universelle, et peu importe la vie que nous avons eue, le résultat final sera toujours le même. Une certaine mélancolie est d'ailleurs très présente dans ce morceau et met en valeur cette idée. L'homme passe sa vie à tenter d'oublier sa condition d'être mortel et vieillissant, mais est rattrapé par la réalité des choses quand l'heure de la sagesse et de la clairvoyance est venue. Le texte explique et montre parfaitement cette idée, toujours dans la beauté et la finesse. "Chant VI" apporte la touche finale et nécessaire à l'ensemble de cette œuvre, à la fois fantastique et terriblement réaliste.
Il va sans dire que ce premier album des Chants Du Hasard est un chef d’œuvre. Néanmoins, c’est une réussite pour toute personne un tant soit peu sensible à ce genre de musique très particulier – que l’on pourrait tenter de catégoriser comme black metal orchestral – et aux sujets délicats que l’artiste aborde. Alliant finesse, malaise et harmonie, Les Chants Du Hasard ne laisse pas indifférent.
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