Le groupe
Biographie :

Korsakov est un groupe de post-black metal lillois actuellement composé du duo A. et E.. Korsakov sort son premier album, "погружать", en Novembre 2021 chez Source Atone Records.

Discographie :

2022 : "погружать"


La chronique


L’expérience sensorielle délivrée par un album est le but ultime de nombreux groupes, portant des buts divers et variés. Ces derniers, notamment dans le black metal, ont souvent pour but de délivrer un message pour lequel les mots ne suffisent pas. C’est le cas de la formation Korsakov qui se penche sur le thème de la perte instantanée de la mémoire et nous plonge dans cet univers. Allant directement au bout du concept dans le nom de ses membres, qui se présentent simplement comme des initiales, l’album promet un voyage complexe mais intense dans un sujet du quotidien, mais finalement peu abordé. C’est donc en 2021 que ce duo Lillois nous délivre son premier album, fortement influencé par plusieurs formations déjà bien connues dans la scène comme Déluge ou Woods Of Desolation. L’album va ainsi proposer un black metal atmosphérique souvent teinté de nuances post-black metal ainsi que quelques passages tapants presque dans le DSBM, mais toujours marqués par les riffs aérés du black atmosphérique.

Les titres étant sobrement nommés avec des chiffres romains, c’est assez naturellement que se dégage cette image de perte de mémoire instantanée liée à l’album, ne conservant rien d’une possible histoire liée au morceaux, avec pour seul souvenir immédiat l’ordre dans lequel ces derniers doivent apparaître. Ces derniers se suivent et se complètent afin de former un tout cohérent, sans pour autant être totalement indissociables. Là où la plupart des albums se composant ainsi sont souvent très monolithiques dans ce qu’ils proposent, "погружать" dépeint plusieurs ambiances, séparées par des interludes ambient electronic apaisants dans les morceaux "II" et "IV" et qui font prendre tout son sens à la dimension post qui est portée dans la musique. Ainsi, chaque "chapitre" semble présenter un genre de complainte, un lointain appel à l’aide. Dans le morceau "III", cet appel semble se faire de plus en plus distant avec le temps, reflétant l’éloignement de plus en plus lointain de ce cri déchiré. On voit ainsi à nouveau clairement le rapport à l’oubli s’exprimer par cette distanciation du chant mise en valeur, symbole d’une mémoire qui ne veut pas être oubliée, mais qui s’efface de manière progressive et inéluctable.

Le chant est par ailleurs volontairement dépourvu de paroles véritables, et se qualifie donc par des hurlements dépourvus de sens linguistique mais clairement pas de sens symbolique, ces derniers collant réellement à cette image de souvenir indistinguable, malgré une volonté puissante et profonde de s’en rapprocher. En termes de mélodies, la production met ces dernières largement en retrait par rapport au chant dans les morceaux qui ne sont pas ambient ou instrumentaux, comme "IV" qui relègue le chant au rang de murmure de fond, comme si ce dernier s’accrochait ultimement avant de réellement lâcher prise une bonne fois pour toute. Cependant, les mélodies éthérées apportent au tout cette dimension très aérienne qui qualifie si bien le black metal atmosphérique, bien que ce dernier soit rarement complété avec un chant d’une lourdeur aussi significative, apportant ainsi un véritable oxymore musical. Une fois de plus, l’instrumental sert donc le thème de l’album, là où le chant démontre la volonté de se raccrocher à tout ce qu’il est possible de récupérer. La dimension très aérienne des riffs et d’une batterie qui, bien que rapide et percutante mais mise en retrait, donne cette sensation d’évaporation des souvenirs qui finissent finalement par disparaître pour de bon, apportant à la fin le silence complet du chant et des instruments au même instant.

Dans "VI", morceau qui vient conclure l’album, l’ultime tentative de se raccrocher aux dernières bribes de souvenirs se traduit même à travers l’instrumental, qui propose des riffs se répétant en boucle, comme un dernier et ultime souvenir que l’on se repasse sans cesse pour être sûr de garder au moins ce dernier. Le chant prend ainsi une tout autre dimension, passant ainsi dans un contexte de désespoir clair et honnête en jouant beaucoup plus sur des cris longs et appuyés que sur des semblants de syllabes incompréhensibles. La fin du morceau conclut l’album par une mélodie lente et insidieuse surmontée par un sample reflétant une conversation dont les mots sont à peines distinguables, nous plaçant comme un sujet totalement désorienté face à une réalité qui lui est désormais étrangère.

Ce sont donc des émotions complexes et difficiles à décrire qui sont présentées dans cet album, et c’est là que le black metal prend toute sa symbolique, réussissant, à travers des mélodies et des chants porteurs de beaucoup de sens, à en dire bien plus que de simples mots, et à traduire l’indicible par des sonorités qui, si elles sont bien peu accessibles pour les néophytes du genre, parlent définitivement aux oreilles plus habituées. Se traduisant finalement comme un véritable concept album qui n’a pas besoin de mots pour raconter une histoire, les presque 45 minutes de musique délivrent un message puissant et une expérience sensorielle troublante nous rappelant qu’au-delà de tout perdre physiquement, il suffit également d’un instant pour perdre tout ce que l’on connaît.


Praseodymium
Février 2022


Conclusion
Note : 18/20

Le site officiel : www.facebook.com/korsakovbm