Les beaux jours arrivent, le soleil se remontre tout doucement, c'est le moment parfait pour sortir du bon black metal bien froid à l'ancienne et c'est Kjeld qui s'en occupe cette fois avec son deuxième album, "Ôfstân", après un "Skym" très réussi sorti en 2015. Originaire des Pays-Bas, le groupe ne cherche pas à révolutionner quoi que ce soit et s'inspire de la seconde vague norvégienne pour produire un black violent, évocateur et aux ambiances fortes.

Kjeld ne perd d'ailleurs pas de temps et nous attaque à grandes rafales de blasts rageurs dès l'entame de "Betsjoend" et nous balance des riffs froids et mélodiques dans la grande tradition du black norvégien. Si la musique du groupe reste assez classique, elle n'en reste pas moins très évocatrice et les claviers viennent régulièrement placer des nappes atmosphériques qui appuient encore l'impression de voguer entre les glaciers en pleine tempête de neige. Comme l'indiquent les pochettes des deux albums, c'est bien le froid et la mort qui sont dépeints au travers de ces ambiances et de ces mélodies, tout le côté haineux et malsain ne trouve pas vraiment de place pour s'exprimer ici. La violence, par contre, ne se fait pas prier pour se faire entendre et si Kjeld lève fréquemment le pied et fait vivre ses morceaux par des variations de tempo, le tout reste quand même bien nerveux et les blasts se manifestent souvent. Les ambiances sont toutefois les pièces maîtresses de la musique de Kjeld et elles ont suffisamment de place pour s'exprimer sur des morceaux qui durent souvent six ou sept minutes. "De Iensume Widner" est le seul à ne pas atteindre les quatre minutes et malgré ça, les ambiances restent fortes avec une fois de plus ces nappes de clavier qui posent des mélodies glaciales au milieu de la brutalité ambiante et qui peuvent parfois rappeler les débuts d'Enslaved. Saluons aussi le jeu de Fjildslach à la batterie qui, sur ce morceau en particulier, s'éloigne des patterns typiques du black metal et place pas mal de parties intéressantes et bien senties. Même sur le reste de l'album le bougre place pas mal de subtilités que l'on n'entend pas forcément dans le black metal, notamment au niveau du jeu de cymbales ou des roulements que l'on entend particulièrement sur "Konfrontaasje".

"Wylde Rixt" ramène brièvement quelques accords sales et glauques qui renvoient à un certain Mayhem mais ce petit écart fait partie des rares moments où Kjeld se permet quelque chose de plus noir. Le reste du temps c'est surtout le froid qui prédomine et les mélodies du groupe évoquent plus volontiers les glaciers que les rituels occultes. L'autre point marquant de "Ôfstân", c'est son intensité, le groupe bourre quand même pas mal et garde un rythme assez soutenu pendant ces cinquante-six minutes. Ceux qui ont apprécié "Skym" ne seront pas dépaysés et retrouveront des ambiances similaires et la même propension à la violence sonore. En tout cas, les amateurs de black froid, violent et mélodique devraient sérieusement jeter une oreille sur la musique de Kjeld, car si la formule est assez classique la qualité d'écriture et la puissance des émotions dépeintes ici est bien plus rare ! Quelques mélodies presque spatiales se font même entendre sur "Wite Fokel", principalement amenées par ces fameux claviers d'ailleurs. Kjeld a tout ce qu'il faut pour frapper dans le mille, ses mélodies sont inspirées et évocatrices, les ambiances sont prenantes, les morceaux savamment équilibrés, même si la violence prend une certaine part là-dedans et malgré la durée de près d'une heure, "Ôfstân" n'ennuie jamais et trouve toujours le moyen de surprendre. Que ce soit par des changements de rythme ou d'ambiance, ce deuxième album évite soigneusement tous les pièges du black metal et amène une personnalité particulière au milieu de ces morceaux ancrés dans le black norvégien, c'est suffisamment rare pour être souligné !

Kjeld nous envoie donc avec "Ôfstân" un album très solide aux ambiances puissantes et doté en plus d'une intensité implacable. Du black metal froid, violent et mélodique qui arrive à développer une personnalité particulière et qui fait montre d'un talent de composition rare dans le genre.