Plus jeune (j’ai quarante-six ans au moment d’écrire ces lignes), avant de découvrir le metal pur par l’entremise de Metallica et son magistral "Master Of Puppets", mes groupes de prédilection oeuvraient surtout dans le hard rock et le hair metal. J’ai de bons souvenirs d’écoutes en boucle de Warrant, Poison, Bon Jovi et autres Europe. La musique possède cette force de nous ramener exactement à des moments précis de nos vies. Dès les premières notes de "Don’t Wait For Love" en début de ce "Hold Your Ground" par Khymera, je suis immédiatement retourné à cette époque de ma jeunesse.

Celui qu’il faut remercier ici pour ce voyage dans le temps est Dennis Ward. Pour ceux qui ne sauraient de qui il s’agit, pour faire une histoire courte de sa longue carrière, disons seulement qu’à titre de musicien, de chanteur et de producteur, il a travaillé au sein de Pink Cream 69, Unison, Bob Catley, DC Cooper, Place Vendome, etc, en plus d’être la bassiste de Magnum. Les fins limiers d’entre vous auront sûrement remarqué une tendance AOR et rock moderne dans la carrière dudit Ward.

J’ai toujours eu un faible, genre de plaisir coupable, envers le AOR. Que ce soit les grands de Ten de nos jours, ou bien les monuments du passé tels que Boston, Journey ou Toto même, ce mélange de rock et de mélodies à tout casser touche une corde sensible chez moi. Dennis Ward, avec Khymera, livre exactement cela. Une pièce comme "Hear Me Calling" et ses mélodies accrocheuses nous rappelle les grandes trames sonores des films de notre enfance genre Karate Kid, comme autant d’hymnes fortifiants. Et que dire des claviers dans "Sail On Forever", hommage moderne direct aux grandes années du AOR des années 1980-1990 (soyez attentifs, on entend presque du Eurythmics derrière les bridges), tout en conservant une approche rafraîchissante.

"Hold Your Ground" est un festival de mélodies, une ode aux émotions, que seul, à mon avis, ce genre de rock peut transmettre. Dennis Ward frappe fort avec cet album et confirme du même coup sa suprémacie dans le genre.

Commençons cette chronique avec un léger éditorial. J’ai toujours trouvé comique l’étiquette "AOR" (adult oriented rock). Comme si le monde du metal se devait de classifier ce qui n’est en fait que du pur corporate rock. Khymera, le projet studio réunissant, entre autres, Dennis Ward (chant et basse, membre de Pink Cream 69) et Daniele Liverani (claviers, ex-membre de Empty Tremor), représente exactement ce que je mentionne en ce début de chronique : du pur rock mélodique commercial, à faire pâlir de jalousie nos vieux de Journey ou d’Europe (à croire que Liverani a magasiné ses "samples" de clavier au même endroit).

Je semble peut-être ironique, pourtant l’écoute de ce Grand Design est loin d’être déplaisante, en grande partie grâce à Ward. Ce chanteur est magistral. Son sens de la mélodie, la puissance de sa voix dans les hautes notes est un pur plaisir à apprécier. Je ne peux m’empêcher de sourire tout le long de "A Night To Remember", tant cette chanson est savoureuse : refrain accrocheur, mélodie "fromagée" à souhait, interprétation sans faille des autres membres du groupe. Et je n’ai choisi cette pièce qu’à titre d’exemple ; pratiquement l’ensemble des pièces de l’album pourrait être décrit de la même manière.

Khymera peut être fier de représenter l’avenir du rock commercial. Là où la plupart des anciens groupes peinent à offrir des albums pouvant atteindre ne serait-ce qu’un centime de qu’ils représentaient dans le passé, le groupe s’assure de prendre haut la main le flambeau et de le porter fièrement vers de meilleurs cieux. L’inspiration est au rendez-vous, le son est au goût du jour, il n’y a en fait pratiquement rien de négatif à dire à propos de "The Grand Design". Il est clair que Khymera éprouve un malin plaisir à jouer ce style de rock et cela se ressent tout au long de l’écoute. Laissez-vous prendre au jeu et sachez apprécier cet album pour ce qu’il est : un bon retour aux sources.