Les évènements historiques marquent à jamais un pays dans ses plus profondes fondations, on en retrouve les témoignages dans les livres, le cinéma, la peinture, mais également dans la musique. Et c’est à travers cette dernière que le groupe ukrainien Khors a choisi de parler de ce qu’il s’est passé en 1930 dans leur ville natale. Ainsi, l’album "Where The Word Acquires Eternity" fraîchement sorti en fin 2020 est bel et bien un concept album. Relatant les évènements connus sous le nom d’executed renaissance en Ukraine, ceux-ci se caractérisent par une répression contre la culture et notamment les auteurs, poètes interprètes. Ces derniers avaient construit une "maison des mots". En cette triste époque, la plupart des personnes vivant dans cette endroit ont été tuées, exilées ou se sont suicidées.

L’œuvre en entier se pose donc comme un concept album qui suit une progression bien définie, linéaire fatalement, comme la succession des évènements qui y sont décrits, il est donc difficile de le traiter autrement. On passera par plusieurs ambiances différentes marquant une réelle gradation ascendante tout au long de l’album. Ainsi, on commencera par la brutalité chaotique de "Starvation", puis un début de désespoir palpable dans "Blissforsaken" clairement identifiable à travers le chant plus éraillé, on a ensuite les passages beaucoup plus posés de "Crystals Of The Fall", beaucoup plus lente, mélodique, accompagnée de trémolos plus harmonieux que ce que l’on trouve dans le reste des morceaux. On terminera cette ascendance dans le désespoir par des chants murmurés, des descentes de tempo et parfois même un chant clair dans "The Sea Of My Soul".

Par la suite, la deuxième moitié de l’album semble plus axée sur le dessin d’une colère et un désespoir résigné, avec le retour de riffs plus abrasifs et violents et la présence d’un chant agressif largement mis en avant sur certains passage, comme dans "…And Life Shall Harvest One’s Past". On notera tout de même des variations similaires à celles de la première partie avec notamment un passage acoustique dans "Up The Ladder To A Lance". Le dernier morceau, "Beneath The Keen Edge Of Time", semble réellement synthétiser tout cela en proposant une alternance de passages acoustiques très calmes et d’instants avec des apex de violence pendant lesquels les instruments et la voix reprennent de plus belle. On passera également par beaucoup de passages instrumentaux qui, parfois, peuvent donner le sentiment de traîner un peu en longueur, même si ce n’est pas un défaut majeur, le ressenti global à la fin de l’album donne l’impression que ce dernier aurait pu être un peu plus court sans forcément que cela ne lui soit très dommageable. Certains solos notamment semblent un petit peu trop longs et pas forcément bien placés dans le contexte de la chanson, comme dans "Blissforsaken" ou encore celui de "The Mist".

C’est à travers un album puissant, varié, à travers bien des ambiances mais parfois un peu long que la formation a décidé de raconter cette tragédie, cette maison qui vivra éternellement, mais pas dans le bon sens du terme. Lieu qui vivra à jamais dans la mémoire collective comme un symbole de censure et de répression. Le tout, malgré des titres en anglais, est chanté en ukrainien, ce qui renforce le sentiment de tragédie nationale que porte l’album.

Trois ans après l'album "Wisdom Of Centuries", le black metal ukrainien revient en force avec le nouvel album du groupe Khors, "Night Falls Onto The Front Of Ours". Pour notre plus grand plaisir, on découvre alors ce sixième opus plutôt attendu.

En effet, on attendait cet album avec impatience car le précédent, bien que très bon musicalement, nous avait un peu laissés sur notre faim avec beaucoup d’intermèdes et introductions et peu de titres plus metal. Or, ici, nos attentes sont complétement comblées avec sept titres plutôt longs dont un seul intermède. Un vrai festin en somme !

Le nombre de morceaux est donc très satisfaisant et la musique l'est aussi. Sans grande surprise (car le groupe n’a jamais déçu), c’est une tuerie ! On découvre alors un "Night Falls Onto The Front Of Ours" toujours dans leur langue natale mais cette fois-ci plus direct et mélodique, et moins atmosphérique. Bien sûr, il en reste quand même une trace mais c’est beaucoup plus diffus et subtil, comme dans "Following The Ways Of Blood" ou le plus linéaire "Dead Birds Valley".

Chaque titre est différent et amène sa pierre à l’édifice avec un petit quelque chose en plus. On a donc "Slight Web Solitude" qui est dynamique, "My Cossock Way" qui est extrêmement mélodique ou encore "Night Falls Onto The Front Of Ours" qui est plus planant. C’est un album froid et tranchant, plein de rage et de colère, que l’on retrouve largement à travers "1664", l’excellent "No Oaths No Tears No Knees!" ou encore dans le plus bestial "For The Last Time". Les riffs sont francs et vivants, et vont droit au but, sans chichis, tout en étant très mélodiques et même parfois légèrement mélancoliques.

C’est un réel bonheur d’écouter cet opus si varié et de voir le groupe progresser d’album en album. Tout est passionnant et prenant, rien n'est à jeter ou à revoir. C'est le vrai talent qui s'exprime.

"Wisdom Of Centuries"
Note : 14/20

Après des débuts dans un black metal plutôt basique, les Ukrainiens de Khors continuent de nous faire voyager vers un univers plus black pagan atmosphérique avec "Wisdom Of Centuries". Ils nous embarquent avec leur langue maternelle sur les terres sacrées de leurs ancêtres.

Cet opus commence de façon remarquable avec une intro pleine de suspense qui enchaîne sur deux merveilleux titres : "Black Forest's Flaming Eyes" avec son côté très atmosphérique et "The Last Leaves", agressif, froid et entraînant. Son ambiance planante et ses riffs mélodieux en font un véritable bijou. La suite est plus progressive avec "Wisdom Of Centuries" ayant une intro plutôt originale faite de percussions et qui évolue dans un mysticisme suprême. Puis, "The Only Time Will Take It Away" nous plonge dans une violence rageuse qui est la bienvenue. On déplorera cependant qu'il n'y ait seulement que quatre titres à proprement parler alors les interludes instrumentaux, bien qu'efficaces, sont trop nombreux.

Cet album est intérressant avec de bonnes structures musicales planantes et puissantes, mais l'on regrette qu'il n'y ait pas plus de vrais titres car cela nous laisse, après écoute, sur notre faim.

Nymphadora Août 2012