Le groupe
Biographie :

Infestus est un one-man band de black metal allemand formé en 2003, dans lequel on retrouve Andras (ex-Dunkelfront, ex-Systematic Soul Deadening). Après un premier album sorti en autoproduction, "Worshiping Times Of Old", Infestus signe avec le label français Debemur Morti Productions pour la sortie de "Chroniken Des Ablebens" en 2008, "Ex | Ist" en Mai 2011, "The Reflecting Void" en Avril 2014 et "Thrypsis" en Octobre 2018.

Discographie :

2004 : "Worshiping Times Of Old"
2008 : "Chroniken Des Ablebens"
2011 : "Ex | Ist"
2014 : "The Reflecting Void"
2018 : "Thrypsis"


Les chroniques


"Thrypsis"
Note : 17/20

Le one-man band allemand Infestus est de retour avec "Thrypsis", son nouvel album. Je le rappelle pour ceux qui ne connaîtraient pas encore qu'Infestus pratique un black metal froid, violent mais assez sophistiqué et loin de classique vague norvégienne.

Un petit coup d'œil au tracklisting confirme que la voie est toujours suivie, sept morceaux pour quarante-huit minutes. On se doute donc que les morceaux sont toujours assez longs et qu'Infestus n'a pas changé son fusil d'épaule. Si la violence a toujours trouvé son mot à dire dans la musique du maître d'œuvre Andras, celle-ci n'a jamais mené la danse, les ambiances glauques et froides ont toujours été reines et son black metal est plus intelligent que bourrin. "Of Unhallowed Soil" ouvre l'album sur des arpèges en son clair qui débouche sur un black posé, lourd et mélodique mais toujours froid et aux relents quasiment occultes. La rage se fait entendre dans une montée en puissance avant de retomber sur des riffs plus lourds pour un morceau qui installe une fois de plus le malaise et une certaine ambiance malsaine. On sent que le black metal d'Andras pioche dans les tourments en général, ses démons intérieurs s'expriment mais ne se limitent pas à cracher une pseudo haine puérile ou cliché comme le font certains représentants de cette scène. Les blasts ne font d'ailleurs leur apparition qu'à partir du deuxième morceau "Thron Aus Trümmem" et c'est surtout le désespoir qui se fait entendre cette fois. On sent une musique sincère dont les accointances avec le black metal se font plus par nécessité artistique que par une quelconque volonté de rapprochement ou d'appartenance à une scène. Les amateurs de black brutal et sale passeront de toute façon leur chemin, Infestus propose une musique bien trop soft pour eux.

Le propos de "Thrypsis" n'est pas la brutalité bête et méchante, l'album développe une ambiance malsaine et froide certes mais encore une fois Andras travaille sa musique et ne se soucie pas des codes du black metal. Par moments, on retrouve des passages qui peuvent rappeler le Secrets Of The Moon de "Carved In Stigmata Wounds" ou "Antithesis" dans cette volonté de créer un metal extrême inspiré du black metal mais enrichi d'un visage plus occulte et pesant. En dehors de ce rapprochement de ma part pour tenter de situer la bête à ceux qui ne connaîtraient pas encore, il faut préciser qu'Infestus a sa propre personnalité et qu'il propose une musique personnelle, encore une fois loin des clichés du black. "Thrypsis" continue sur la voie que s'est tracé Andras depuis plusieurs albums maintenant et sa musique évolue tranquillement, sans bouleversements mais sans stagnation non plus. Une évolution naturelle qui l'amène cette fois sur un terrain peut-être un peu plus mélodique, avec du piano qui se fait entendre un peu plus souvent que d'habitude. Les éclats de violence sont rares mais toujours bien placés et utilisés de façon intelligente pour appuyer une ambiance particulière au lieu de simplement foncer dans le tas. La production suit d'ailleurs le même chemin avec comme d'habitude un gros son puissant, relativement propre pour du black metal et qui permet de saisir toutes les nuances qu'Andras distille dans ses morceaux.

"Thrypsis" continue donc le travail commencé par Infestus depuis plusieurs albums, pas de gros changements mais une évolution naturelle et une personnalité restée intacte. Le black metal du groupe est sincère, loin des carcans de ce style et malgré le peu de violence dont il fait preuve, son côté cathartique est une évidence.


Murderworks
Janvier 2019




"The Reflecting Void"
Note : 17/20

Retour d'Infestus trois ans après "Ex | Ist", chroniqué en ces pages, avec "The Reflecting Void" toujours chez Debemur Morti (dont l'écurie a quand même de la gueule ). Son prédécesseur nous avait offert un très bon black metal relativement violent, malsain, mélodique, mélancolique et très froid. Autant dire tout de suite que le groupe n'a pas changé son fusil d'épaule, et tant mieux parce que dans le genre il sait vraiment y faire.

Comme sur le précédent album, on commence par les quasiment 5 minutes de "A Dying Dream" qui sert de longue intro et qui sent le old Shining, ce black lent et à tendance dépressive surmonté du chant bien arraché d'Andras qui est toujours le seul maître à bord. Et comme sur "Ex | Ist", ce morceau qui débute l'album est une feinte, et les autres morceaux tournent plutôt autour des 7 ou 8 minutes. Après ça, le black metal d'Infestus se fait plus dominateur, plus violent mais toujours aussi froid et désespéré et c'est sur un rythme plus effréné que nous accueille "Spiegel Der Selle". On retrouve à peu de choses près la formule utilisée il y a 3 ans, et il faut avouer qu'Andras est doué pour ça parce que ça fonctionne toujours aussi bien. Une fois de plus les amateurs de violence totalement incontrôlée devront passer leur chemin, Infestus préfère installer un climat à la fois malsain, terriblement mélancolique et désespéré mais constamment habité par une colère contrôlée qui distille son venin avec parcimonie, ce qui la rend d'autant plus vicieuse. La musique d'Infestus est une véritable catharsis, totalement empreinte de folie, de résignation, de colère et de dépression, le contrepoids idéal à la chaleur écrasante qui s'abat sur nous ces derniers temps. Infestus c'est du black metal tout droit sorti d'une chambre froide, torturé et habité. Andras a un don pour sortir des riffs, des arpèges et des mélodies qui font mouche à chaque fois, si vous fermez les yeux en écoutant Infestus, vous ne verrez qu'un monde en ruines. C'est toute la folie, la colère et le sentiment d'impuissance ressentis devant ce spectacle morbide qu'est la société actuelle qui engendrent de telles plongées dans les abysses !

Ce groupe fait du black comme j'aime l'entendre, pas forcément "true and brutal as fuck" mais sans fioriture, en provenance directe des tripes sans édulcorants. La catharsis n'est pas simulée ou imaginaire ici, il suffit d'ouvrir bien grand vos oreilles pour qu'elle vous apparaisse comme une évidence. C'est tout un bloc de ressentiment et de rancœur qui vous prend à la gorge pendant 54 minutes, c'est toute la dégénérescence qui caractérise notre époque qui vous saute aux yeux (ou plutôt aux oreilles). Sur un plan plus technique, le son est encore une fois très bon lui aussi, l'album ayant été masterisé au Woodshed studio par V Santura (tout comme le dernier Schammasch d'ailleurs ), ça sonne de façon claire, puissante et parfaitement adaptée à la bête. En tout cas, on est en terrain connu, ce nouvel album n'est pas une copie conforme de son prédécesseur mais on reprend nos marques très vite, et Infestus étant un des seuls groupes à réussir une telle osmose entre le côté violent et dépressif du black sans jamais montrer une véritable ressemblance avec qui que ce soit on ne lui reprochera pas de rester dans les mêmes eaux. Pour ceux qui ont apprécié le groupe jusqu'ici, "The Reflecting Void" constitue encore une fois une pièce de choix, on prend les mêmes et on recommence mais le talent de composition est tel qu'on ne se lasse pas et qu'on en redemande.

Une fois de plus, Infestus a frappé fort, et "The Reflecting Void" est un quatrième album qui se situe sans problème dans le haut du panier du black metal actuel. Loin de tout bourrinage intensif, le groupe nous vomit sa rage et sa folie à travers des mélodies mélancoliques et noires et des riffs rageurs. Ce black metal là n'est peut-être pas le plus brutal, mais il est assurément des plus sincères et sa qualité ne fait aucun doute.


Murderworks
Juillet 2014




"Ex | Ist"
Note : 16/20

Nouvelle livraison de la part de Debemur Morti avec le troisième album du groupe Allemand Infestus "Ex | Ist", tout le monde sait déjà qu'il va s'agir de black metal (et du bon en général quand ça vient de ce label). Ne connaissant pas les deux premiers albums on va y aller à l'aveugle, ou plutôt à la sourd. Comme souvent Infestus est un one-man band, celui du dénommé Andras.

Le premier morceau aurait pu atterrir sur un des derniers albums de Shining (le Suédois), même le son de guitare est similaire. Mais cette première piste sert de leurre, car même si le black metal d'Infestus se rapproche par moments de cette scène dite "suicidal" il est loin de se résumer à ça. Le reste de la galette s'éloigne considérablement de l'influence Shining précitée pour laisser s'exprimer la personnalité de cet Allemand. Malgré le côté très mélancolique de l'ensemble on a quand même quelques blast et accélérations diverses qui viennent nous rappeler qu'on écouté là du black.

On retrouve d'ailleurs la patte spécifique de la scène Allemande, certains riffs et passages ne sont pas sans nous rappeler ses compatriotes de Secrets Of The Moon. Infestus reste globalement encore plus froid, mais les similarités n'échapperont à personne. Rien de gênant étant donné que ce n'est pas du plagiat et que c'est bougrement bien fait. On est pris dans ce tourbillon sombre et mélancolique pendant toute la durée de la galette, et ces mecs savent un minimum varier les plaisirs pour rendre le tout plus dynamique.

Un arpège au son plus clair vient par exemple calmer le jeu au bout de 6 minutes dans le morceau "Down Spiral Depersonification", pour repartir ensuite de plus belle dans un puits sans fond. On notera que le groupe termine ce titre sur un solo simple mais efficace et empreint lui aussi de mélancolie, qui souligne bien les ambiances qu'Andras a voulu faire passer. D'ailleurs comme tout groupe porté sur les ambiances qui se respecte, les morceaux sont assez longs et oscillent entre 8 et 9 minutes pour la plupart. De quoi vous emmener loin, là où vous chercherez désespérément un rayon de lumière qui pourrait vous guider.

Niveau son "Ex | Ist" a été masterisé aux Necromorbus Studios, repère de toute la scène dite "orthodoxe" et gage de très bonne qualité sonore. Et c'est encore une fois le cas ici, le son est relativement chaud et puissant, ça change des guitares aigus et incisives du reste de la scène. La batterie pilonne elle aussi bien comme il faut et les blasts ont l'effet ravageur qu'ils devraient toujours avoir. D'autant plus qu'ils sont placés avec parcimonie et ne polluent pas les morceaux du début à la fin.

Alors bien sûr les amateurs de boucherie ou de black ultra malsain devront aller voir ailleurs, Infestus n'est pas là pour épater la galerie ou détruire le décor au napalm. Andras a voulu créer un album froid et c'est réussi, pas de brutalité exacerbée, juste le gel, le froid et la dépression. Les paroles nous baladent apparemment dans les étapes de la dégénérescence : schizophrénie, catatonie, dépression, régression, qui finissent par anéantir l'existence, réduisant le corps à une simple enveloppe vide de toute vie.

Et on peut dire que musicalement Infestus arrive à faire naître ce sentiment chez l'auditeur avec une désarmante facilité, on se fait écraser au fur et à mesure que l'on avance dans l'album. Tout ici est fait pour vous anéantir vous aussi, pendant les 52 minutes de cet "Ex | Ist" vous allez sombrer dans un puits sans fond. On notera d'ailleurs la jolie pochette qui illustre très bien tout ça elle aussi, réalisée par le français Eric Lacombe.

Bref Infestus nous livre là un très bon album de black metal mélancolique, et comme je le disais plus haut je n'en attendais pas moins de la part d'un album sorti par Debemur. Fortement conseillé à toutes les personnes cherchant un black metal porté sur les ambiances, froid et puissant à la fois et qui en ont marre d'entendre des clones dans le domaine. Avec des albums de cette qualité je pense qu'on n'a pas fini d'entendre parler de ce groupe, c'est tout le mal que je lui souhaite.


Murderworks
Avril 2011


Conclusion
Le site officiel : www.infestus.com