Le groupe
Biographie :

Gautier Serre, alias Igorrr, est un musicien français, compositeur, mélangeant de nombreux courants musicaux, dont le black ou le death metal, la musique baroque, le breakcore, et le trip-hop pour en faire une œuvre unique. Gautier Serre fait également partie du groupe Corpo-Mente et précédemment Whourkr. Igorrr se produit sur scène sous forme d'un groupe composé de deux vocalistes, Marthe Alexandre et JB Le Bail, ainsi que du batteur Rémi Sérafino et du guitariste Martyn Clément.

Discographie :

2006 : "Poisson Soluble"
2008 : "Moisissure"
2010 : "Baroquecore" (EP)
2010 : "Nostril"
2012 : "Hallelujah"
2014 : "Maigre" (EP)
2017 : "Savage Sinusoid"
2020 : "Spirituality And Distortion"
2025 : "Amen"


Les chroniques


"Amen"
Note : 16/20

Le cerveau d’Igorrr a encore frappé. Le projet de Gautier Serre (machines, Corpo-Mente), complété par Jb Le Bail (chant, ex-Svart Crown), Marthe Alexandre (chant), Remi Serafino (batterie, Diablation, ex-Svart Crown, ex-Ecr.Linf, ex-Hyrgal) et Martyn Clément (guitare, Joe La Mouk) récidive avec le soutien de Metal Blade Records pour créer Amen, son huitième album. On notera plusieurs invités, dont Mike Leon (basse, CKY, ex-Soulfly, ex-Havok…), Lily Refrain (chant), Trey Spruance (guitare / sitar, Mr. Bungle), Timba Harris (violon) ou encore Scott Ian (guitare, Anthrax, Mr. Bungle).

On attaque avec le beat sombre de "Daemoni", première composition qui se transformera en bloc de lourdeur ultra saturée et parfois même épilleptique que même l’arrivée des vocalistes ne pourra pas apaiser, passant d’un registre lyrique au metal extrême avec une cohérence flagrante. Le groupe continue avec "Headbutt" (dont je vous recommande le clip) où un piano sera (littéralement) maltraité pendant que les musiciens délivrent des riffs simples mais puissants qui finiront par s’adapter à la folie ambiante avant que "Limbo" ne propose une approche plus éthérée et écclésiastique. L’ambiance est angoissante, et les quelques parties de calme ne font que renforcer ce climat oppressant et annoncer la violence, suivie de l’étrange "Blastbeat Falafel" et ses influences orientales dansantes qui fonctionnent un peu trop bien avec le groove de la basse, donnant à la démence une forme palpable et dévastatrice. On enchaîne avec l’étrange et incontrôlable mais si bien nommée "ADHD" qui passe d’un cauchemar indus à des passages néo-classiques en un rien de temps, puis "2020" rend rapidement hommage au grindcore, résumant parfaitement cette année maudite avant de laisser place à "Mustard Mucous".

Là encore, il ne faut pas être surpris de retrouver tous les éléments enchevêtrés dans de grandes éruptions virulentes parfois rapides, parfois pachydermiques, mais nous serons finalement délivrés par "Infestis" qui débute avec une corne de brume pour finalement s’ancrer dans le sludge et de la dissonance. Hurlements, murmures et choeurs se répondent sous cette rythmique lourde et saccadée avant de laisser place à l’inquiétante "Ancient Sun" qui débute assez lentement mais qui reste assez constante, proposant quelques choeurs et de légers changements dans le beat et les claviers. On conserve cette approche sur l’introduction de "Pure Disproportionate Black And White Nihilism" avant d’adopter une marche forcée aux nuances indus violentes, rejointes par les vociférations infernales et divers éléments qui tentent en vain de temporiser la déferlante avant qu’elle ne s’arrête d’elle-même pour nous autoriser un moment de répit sur "Étude n°120". Composé seulement d’une mélodie aérienne de d’une voix, l’interlude nous laisse respirer un instant avant que "Silence" ne prenne sa place d’ultime titre, restant dans des teintes similaires à son prédécesseur, mais les machines de Gautier veillent dans l’ombre, et elles attaqueront lorsque leur temps sera venu, troublant une dernière fois l’ordre naturel avant que tout ne disparaisse dans le silence.

Bien qu’habitué aux frasques de Gautier Serre, je ne sais toujours pas si Igorrr est un projet de génie ou le résultat d’expériences scientifiques au résultat douteux. Tout ce que je peux affirmer, c’est qu’"Amen" possède une force de frappe commensurable !


Matthieu
Octobre 2025




"Spirituality And Distortion"
Note : 20/20

Il y a quelques semaines, Igorrr dévoilait son premier morceau "Very Noise". Un instrumental tout à fait dans l'esprit du groupe : dubstep electro et gros son de basse. Pas de surprise en ce qui me concerne. Une légère déception même car après avoir attribué la note maximale à "Savage Sinusoid", j'attendais beaucoup plus de leur part. Par manque de temps et de motivation, j'avoue ne pas avoir pris le temps d'écouter les autres titres mis en ligne, "Camel Dancefloor" et "Parpaing". A la sortie de l'album "Spirituality And Distortion", c'est avec quelques a priori que j'ai débuté l'écoute. "Spirituality And Distortion" s'envisage en 2 parties qui s'articulent autour du titre musette (nous y reviendrons après).

L'album débute avec le titre "Downgrade Desert". Dès les premières notes, on est plongé dans une ambiance aux sonorités orientales, ambiance que l'on retrouvera sur nombre de morceaux de "Spirituality And Distortion". Pour ceux qui comme moi aiment le projet de Laurent Lunoir, Öxxö Xööx, ils retrouveront l'atmosphère lente, mélancolique et si particulière du groupe, mélangée à la grâce désormais incontestable de Laure Le Prunenec. "Nervous Waltz", tout aussi sombre et mélancolique avec ses violons classiques, commence déjà à me chatouiller le ventre. Gauthier Serre est un petit malin. En dévoilant le premier titre "Very Noise", il ne révélait pas grand chose en réalité de cet opus. Du moins, ce titre m'avait envoyée sur une fausse piste. Est-ce que je n'aurais pas jugé un peu trop vite le travail d'Igorrr ? Au fur et à mesure, s'enchaînent des titres tout à fait jouissifs... "Hollow Tree" qui explore l'univers classique comme "Nervous Waltz". Le fameux "Camel Dancefloor", délicieuse confrontation de la musique traditionnelle orientale et du gros son electro dubstep d'Igorrr. A ce stade de l'album, je suis déjà tombée sous le charme. Je sens des compositions plus nuancées que "Savage Sinusoid" et un travail d'orchestration incroyable. Sur ces entre-faits, le morceau "Parpaing" arrive comme une gifle énorme dans la figure. La voix granuleuse de George Fisher de Cannibal Corpse sur des sons de jeux vidéo est un mix tout à fait improbable ! Le chanteur est un geek des jeux de plateformes, et Igorrr s'en est amusé en mettant des sons électroniques minimalistes et enfantins qui rappellent les jeux Mario. C'est farfelu, inattendu et délicieusement décalé ! Et puis le voilà, le morceau que je n'avais plus envie d'entendre chez Igorrr, "Musette Maximum". Non je n'ai plus envie d'entendre ce type de morceau chez Igorrr car c'est du vu et du revu et il vient littéralement briser l'ambiance presque feutrée dans laquelle je me trouvais jusqu'à présent. Mais il vrai aussi que sans musette, Igorrr ne serait pas Igorrr. Ce morceau arrive comme un point charnière de l'album. Il marque la fin de la première partie de "Spirituality And Distortion" et le début d'un nouveau voyage auditif extraordinaire. Tout ce qui suit après est... SUBLIME.

Depuis "Himalaya Massive Ritual" jusqu'à "Polyphonic Rust", en passant par "Lost In Introspection" ou encore "Barocco Satani". Ce dernier est d'une telle puissance émotionnelle que j'en reste littéralement sans voix. Gauthier Serre a fait un travail de composition extraordinaire. Je suis bluffée par son talent. A sa folie et sa créativité, il ajoute la carte de la poésie et du lyrisme. Igorrr reprend les codes de la grande musique classique, de l'Opéra ou des musiques traditionnelles de l'Orient, de l'Asie et les sublime à grands coups de guitares, de basses, de dubstep... mais avec une telle élégance, une telle maîtrise ! Les voix, et plus particulièrement celle de Laure Le Prunenec (Laurent Lunoir est un peu moins présent sur "Spirituality And Distortion"), n'ont jamais autant été mises en valeur. Laure excelle dans son art. Elle est la muse de l'artiste. Cet être intouchable qui nous hypnotise. Des chanteuses talentueuses il y en a beaucoup. Mais peu d'entre elles sont capables de remuer les tripes à ce point. Il y a quelque chose en elle de Lisa Gerard : évanescente, envoûtante et mystique. "Spirituality And Distortion" se termine sur le très manouche "Kung-Fu Chèvre", comme un pied de nez à tout ce que l'on vient d'entendre et pour rappeler que la folie d'Igorrr n'est jamais bien loin.

"Spirituality And Distortion" est fidèle à son titre : j'ai été, tour à tour, violentée par des riffs agressifs, amusée par des sons incongrus, profondément émue par les orchestrations magistrales... Quelle était la chance pour que "Spirituality And Distortion" me retourne à nouveau les tripes et me surprenne autant - voire bien plus - que "Savage Sinusoid" ? Cet album explore un univers mélodique lyrique que je n'aurais jamais oser espérer de la part du groupe. Igorrr épate et crée la surprise grâce à sa capacité d'évolution, son univers plus large et son éventail artistique jusqu'alors insoupçonné.


Miss Bungle
Avril 2020




"Savage Sinusoid"
Note : 20/20

Igorrr fait partie de cette brochette de groupes français totalement inclassables et originaux, dotés d'une vraie folie avec une identité très marquée et inimitable. Quand on sait que Gautier Serre aime Meshuggah, Chopin ou Aphex Twin..., on comprend que son univers est forcément halluciné. Accompagné de deux chanteurs aussi charismatiques l'un que l'autre, Laure Le Prunenec (Corpo-Mente, Ricïnn...) et Laurent Lunoir (Öxxö Xööx), Igorrr excite nos tympans depuis 2006 avec des titres aussi incroyables musicalement que "Tendon", "Corpus Tristis", "Tout Petit Moineau", "Brutal Swing", "Unpleasant Sonata" et j'en passe...

Dès la sortie du premier titre du nouvel album "Savage Sinusoid", "ieuD", c'est une magistrale claque qu'Igorrr nous assène. Est-ce que l'album est à la hauteur du sypnosis ? "Savage Sinusoid" est un monstre de gros son ! De quoi défriser le plus permanenté des métalleux. Il y a plusieurs manières de commencer un album, la violence ou la douceur... Ne passons pas par quatre chemins, avec "Viande", c'est un déferlement de cris cathartiques de la part de Laurent Lunoir, totalement jouissifs et qui nous font rentrer de plain-pied dans ce nouvel opus.

"Savage Sinusoid" c'est la rencontre entre l'absurde et du sublime, rien que ça. Savant mélange de baroque, de trip-hop, de techno et de metal. Les morceaux s'enchaînent dans un dédale d'univers complément différents : "Houmous" avec l'accordéon et le saxo aux frontières de la guinguette, "Cheval" aux airs de valse et de chants corses, "Robert" délire trip-hop hallucinogène... Vous n'échapperez pas non plus à la poule à la fin de "ieuD", petit clin d'oeil facétieux à "My Chicken's Symphony". Et au milieu de toute cette démesure de sons incroyables, de puissance, de performances vocales et de créativité, un morceau sublime, "Problème D'émotion". Dans une ambiance plutôt inquiétante, avec un thème qui rappellerait presque celui de la série Dexter, Laure Le Prunenec vient poser sa divine voix lyrique, envoûtante, profonde, écorchée...

Si les albums précédents pouvaient parfois se révéler un peu "étouffants" de par leur complexité et leurs rythmes particulièrement "extra-ordinaires", "Savage Sinusoid" est quant à lui plus accessible. Loin d'amoindrir le style et le talent inhérents à Igorrr, au contraire, il consacre définitivement le groupe avec des compos abouties qui sont taillées pour envoyer du lourd sur scène. C'est d'ailleurs à l'occasion du Festival de Dour ce week-end que l'on a pu en prendre toute la mesure. "Savage Sinusoid" est une véritable tuerie scénique ! Avec l'apport d'une vraie batterie sur cette tournée (Sylvain Bouvier / Trepalium), la puissance rythmique souffle une tempête de tous les diables. Gautier Serre a réussi à créer un concept incroyable qui réunit les plus violents des métalleux aux plus piquousés des amateurs de techno. Là où un The Algorythm reste plutôt proche d'une techno dansante, Igorrr, lui, a su extirper et monter à son paroxysme la violence des deux styles qu'il allie.

A écouter d'urgence !


Miss Bungle
Juillet 2017


Conclusion
Le site officiel : www.igorrr.com