Lorsqu’on reçoit un album indé à la maison, ça fait toujours un peu peur car, assez régulièrement, les prods sont sympas, mais sans plus. Pour Ignis Fatuus, lorsque j’ai déballé le paquet fraîchement livré par le facteur, j’ai été frappé par ce logo connoté "fin des années 80", qui semble avoir été gribouillé par un ado boutonneux, sur les pages inutiles d’un cahier de texte qui comporte plus de dessins que de prises de notes. L’artwork est sympa, et le noir et blanc de la pochette contraste de manière saisissante avec les écritures rouge vif du titre de l’album et du nom du groupe. On sent les influences bien rétro au travers du visuel, la recherche d’une esthétique déjà révolue, on espère secrètement que le passage de la vue à l’audition va bien se passer. Soyons rassurés, car la grosse claque que je me suis tapée dès les premiers instants du disque a balayé tous mes doutes, Ignis Fatuus nous a gâtés et a réalisé un skeud surpuissant !

En fait, pour reprendre l’historique de la formation, ce groupe a sorti deux démos, une en 96 et l’autre en 97 et en regardant les visuels d’antan, c’est tout un univers passé qui s’offre à nous. Ensuite, après une longue pause, "Soulbreaker" sort en 2012, puis "Second Offering" en 2016, les deux opus ayant une esthétique visuelle similaire, plutôt travaillée, avec du feu qui brûle et des éclairs de feu qui brûle. "Under Command Of The Leviathan Cross", nouveau méfait sorti en 2019, reprend une imagerie plus old-school pour une musique certes rétro, mais efficace et mature ! Ce n’est pas évident de trouver des infos sur Ignis Fatuus tant la formation reste discrète au niveau promotionnel, cependant, pour la réalisation de cet album, deux ex-Derealized se retrouvent au sein de l’équipe originaire de Besançon, peut-être cela a-t-il eu un impact sur l’énergie du groupe, car "Under Command Of The Leviathan Cross" dégage une incroyable intensité. Le quintette survolté, certainement fan d’heroic fantasy, nous balance 10 titres, tous aussi bon les uns que les autres ! Autant mélodiques qu’agressives, les compositions façonnent des ambiances épiques au sein de son thrash death mélodique, et se permettent des parties très heavy, voire même power metal à certains moments, les chants scandés remplacés ici par une voix death assez rétro mais bourrée de feeling. Assez souvent, le groupe passe à la vitesse supérieure et se rapprochent du thrash, entre Testament, Kreator ou Annihilator parfois. Quelques accents black metal font leur apparition, et ajoutent un côté Children Of Bodom au délire, et on a même droit à un clin d’œil par la reprise d’un thème classique, issu de l’inconscient collectif.

Mention spéciale au drummer, véritable bûcheron mais également capable de travail d’orfèvre, qui peut se permettre un grand panel de subtilités et de finesses, tout en puissance. Chaque break relance avec ingéniosité l’ensemble, et les parties fast sont précises comme un scalpel tout neuf ! Les guitares proposent également des solos virtuoses et bourrés de feeling, légèrement néoclassiques, avec des duels qui se soldent par des sweeping à 200 à l’heure et des descentes de gamme en sextolets vraiment "insane". Malgré toute cette ferveur dans l’exécution, cela n’est jamais pompeux et ne prend à aucun moment le dessus sur la cohérence globale de l’album. On trouve aussi dans cet opus des parties ternaires à la fois hyper puissantes et vives, le gros son du couple grosse caisse-caisse claire est omniprésent tout au long de l’écoute et apporte une patate incroyable. Ignis Fatuus parvient à entretenir l’équilibre parfait entre mélodie et bestialité. Très "mid-nineties" dans l’approche stylistique, le disque fourmille de multiples passages : des ambiances celtiques qui fleurent bon la vieille taverne peuplée de nains bourrés, des harmonies triomphantes, des leads harmonisés somptueux, précis et inspirés, le tout enrobé d’une grosse couche d’énergie thrash. Par moments, le groupe flirte avec le progressif, sans cependant sombrer dans le pompeux ou le hors propos, Ignis Fatuus n’a pas à pâlir face aux gros poissons car la formation dispense un metal vraiment pro, tant dans le son que dans la composition et l’interprétation.

Qu’est-ce que ça fait plaisir d’écouter un tel disque, mais qu’est ce que ça fait râler de ne pas voir ce groupe plus régulièrement sur la toile, en live, ou en interview, ils méritent tellement de se faire connaitre… Ils n’ont même pas de Bandcamp, quel dommage. En plus, ne vous fiez pas à l’unique titre que vous pouvez découvrir sur leur chaine YouTube, car "Decimation" n’est pas, selon moi, leur meilleur morceau. Donc, vous savez quoi faire, contactez-les sur leur page Facebook et épuisez les stocks de "Under Command Of The Leviathan Cross" parce que le jour où cet album ne sera plus disponible, vous ne pourrez que vous lamenter sur votre sort, ou attendre 2032 qu’un obscur label fasse une réédition parce qu’à un moment, quelqu’un tombera sur ce disque méconnu de tous et se dira "WTF ! Un trésor oublié, il y a moyen d’en faire quelque chose", alors autant précéder la légende dès maintenant.

Ignis Fatuus, groupe franc-comtois existant depuis 1995, se reforme en 2010 pour nous servir une dose de heavy / thrash à l'ancienne.

"Soulbreaker", une galette de 11 titres influencée par des groupes comme Death, Coroner, Massacre ou encore Rage, montre un groupe inspiré et qui propose ici des morceaux travaillés, donc plusieurs écoutes seront nécessaires afin de décrypter les subtilités techniques par ci et là de l'album. En plus de morceaux teintés d'une bonne énergie, Ignis Fatuus nous sert des solo travaillés, du chant heavy certes mais parfois quelques growls feront leur apparition sur des passages bien sentis.

"Soulbreaker" dans sa globalité est bon et pourrait sonner un poil mieux si la production avait été moins molle, outre ce détail, ce groupe s'adresse surtout aux fans du genre, années 80, thrash et veste à patchs à l'éffigie de Sodom et compagnie seront ravis (quelques autres certainement aussi). A suivre...