"Solastalgia"
Note : 19/20
Heretoir replonge dans sa mélancolie. Deux ans après une année riche en sorties, le combo allemand mené par David “Eklatanz” Conrad (chant / guitare, ex-Agrypnie, live pour Austere, Dornenreich), Matthias “Nathanael” Settele (basse / chant / guitare / flûte, Bonjour Tristesse, ex-King Apathy, ex-Thränenkind) et Nils Groth (batterie, Emissary Of Suffering, ex-Fäulnis, ex-Ophis, ex-Thränenkind) dévoile son quatrième album, "Solastalgia", via AOP Records.
Les guitaristes Max F. (ex-King Apathy, ex-Thränenkind) et Kevin Storm (Fleetburner, ex-Heidevolk, live pour Gaerea, Kalmah, Saor, Shining…) sont toujours présents dans le groupe, mais n’ont pas participé à l’écriture de l’album.
L’album débute avec "The Ashen Falls", première composition dévoilée et que j’ai déjà dû écouter une centaine de fois mais qui me paraît toujours aussi incroyable qu’au dernier jour : après une introduction lointaine viennent l’embrasement, les hurlements et l’intensité folle qui leur est propre. Les parties vocales d’Eklatanz sont toujours aussi saisissantes, qu’elles soient saturées ou claires qui s’autorisent un relâchement sur les refrains, puis on passe à la longue "Season Of Grief", autre création déjà révélée qui propose une approche beaucoup plus progressive qui débute par une infinie douceur pour nous bercer. Quelques cris apparaissent, annonçant la saturation déchirante pour laisser le titre suivre son cours entre les différents passages torturés, ses moments d’apaisement avant de finalement rejoindre "You Are The Night" qui annonce une atmosphère plus légère. Si les riffs conservent cette touche planante, ils se métamorphoseront finalement en rythmique plus lourde pour assombrir la composition pendant que le vocaliste se déchaîne en nous laissant naviguer jusqu’à "Inertia", qui ne demande qu’à exploser. La détonation arrive à point nommé, permettant aux musiciens de lâcher les rênes, d’abord avec violence puis avec des tonalités assez brumeuses qui s’enchaînent à merveille avec "Rain", un interlude assez lumineux au piano qui nous permet de reprendre notre souffle avant d’enchaîner avec "Dreamgatherer".
Le morceau est également assez long, s’ancrant d’abord dans une quiétude imposante avant de laisser la fureur teinter le tableau pour lui donner une intensité différente, se brisant pour mieux se reconstruire et disparaître dans le néant, cédant sa place à l’introduction acoustique de The Heart of December, qui laissera un créneau pour le chant clair. Il se transforme peu à peu en cri lointain, accompagnant à merveille sa rythmique enivrante avant de disparaître à son tour pour faire place à Burial qui débute dans une saturation épaisse et oppressante, voire même agressive lors des passages saccadés. Comme à son habitude, le groupe gère parfaitement la progression à coups de vagues de saturation salvatrices avant d’atteindre la longue composition éponyme, Solastalgia, qui commence par nous hypnotiser avec une certaine douceur, mais on sent par les percussions qu’elle sera amenée à se briser, redevenant la viscéralité lancinante que l’on aime. Alors que la composition était déjà très pesante, la batterie la rend encore plus étouffante, lui permettant d’atteindre son plein potentiel, mais aussi de créer un contraste encore plus puissant avec les moments de relaxation plus épurés comme le final qui assure la transition avec The Same Hell MMXXV, démo acoustique dévoilée il y a déjà deux ans, mais qui reste dans la continuité de l’apaisement recherché. Alors que l’on pense l’album terminé, les musiciens nous réservent une dernière surprise, une reprise du titre de "Metaphor" d’In Flames qui s’adapte sans mal
au répertoire d’Heretoir, permettant une dernière immersion dans la mélancolie, en particulier sur le break central.
Heretoir s’est rapidement imposé à moi comme l’un des maîtres de la tristesse musicale, et malgré ses différentes personnalités musicales qui cohabitent naturellement, chaque aspect de sa musique me parle intimement. "Solastalgia" va rejoindre ses camarades dans les meilleures sorties de l’année.
"The Circle"
Note : 15/20
Heretoir est un groupe allemand de post-black metal fondé en 2006 à Augsburg. Et dès maintenant, il est important que je précise deux choses. La première est que je n’ai jamais écouté le groupe auparavant malgré sa longue existence. J’ai bien entendu déjà croisé leurs noms et albums, mais je n’ai pas été suffisamment attirée pour y pencher mon oreille. La seconde... j’ai toujours du mal à appréhender ce qui se cache derrière le concept de post-black metal. J’ai l’impression qu’on peut y mettre tout et n’importe quoi (comme dans les autres genres vous me direz, mais c’est une impression particulièrement présente dans ce registre précis). Ceci peut donc s’interpréter comme mon mea-culpa en avance si j’écrase avec vigueur un concept qui est propre à ce genre. Voilà c’est dit, on peut commencer à parler d’Heretoir.
La première chose à remarquer, c’est le son très pur que nous présente le groupe. Dès "Alpha", on découvre qu’Heretoir a un son très remarquable. Pour clarifier ma position, je dirais simplement que si on ferme les yeux en écoutant leur musique, il est facile de se représenter un univers presque entièrement blanc. Je ne retrouve pas cette noirceur suintante qui est propre au black metal en général. Et le groupe lui-même va me donner raison car l’un des titres est sobrement intitulé... "The White". Comme quoi, mes interprétations foireuses trouvent parfois écho.
La production est très soignée, et le tout semble très maîtrisé. Il y a de véritables moments de bravoure sur cet album avec notamment "Inhale" qui est un monument de créativité, ou son opposé "Exhale" qui apparaît comme plus pesant. Le tout semblait être créé pour raconter une histoire, une histoire dont je n’ai pas la moindre idée des tenants et des aboutissants mais qui est sacrément plaisante tout de même. Avec "Golden Dust", on retrouve cette atmosphère très pure, presque résonnante... je ne sais pas si je fais sens là ?
Il y a aussi un côté très mélancolique et lancinant qui se retrouve dans cet album d’Heretoir. Cette impression d’être assis près de sa fenêtre par un jour de pluie, avec une énième rediffusion d’Hélène et les Garçons en fond sonore et de se dire qu’on mérite mieux. Ce côté très propre, très blanc encore une fois, pourra peut-être poser problème à certains auditeurs qui lui reprocheront sans doute son côté clinique et presque médicamenteux.
Peut-être que c’est une déformation personnelle, mais j’y ai aussi trouvé un potentiel à virer vers le black dépressif par certains moments, sur "Laniakea Dances (Soleils Couchants)" par exemple. Il y a cette même fragilité, ce même tissu émotionnel, qui me font penser qu’on aurait pû opérer un changement radical de style et que cela n’aurait pas été plus choquant que cela. Ce titre voit d’ailleurs l’apparition en guest de Neige (Alcest) qui vient placer sa voix sur le poème de Verlaine. Et cette réflexion est également valable pour "Fading With The Grey" qui est le titre qui se rapproche le plus de cette frontière entre les genres, à mon sens.
Heretoir c’est une expérience musicale un peu spéciale, et qui pour dire vrai, m’a un peu laissée déconcertée. C’est un groupe aux antipodes de ce que j’écoute habituellement, le côté black metal étant presque totalement effacé de la production de cet album. Mais on ne va pas cracher dans la soupe, c’est un album largement satisfaisant que le groupe nous offre et qui va probablement combler les amateurs du style. J’ai apprécié la pureté du son d’Heretoir, mais il faut bien que je me rende à l’évidence : j’évolue avec plus de joie dans ce qui tourne vers le macabre et le morbide. Enfermez-moi ?
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