Je vous avais déjà rapidement parlé de Heir à l'occasion de la sortie du split avec In Cauda Venenum et Spectrale, ils sont depuis revenus avec leur premier album "Au Peuple De L'Abîme" (que je m'excuse de chroniquer aussi tard soit dit en passant). Une fois de plus et même si la musique du groupe est plutôt extrême, l'ouverture d'esprit sera obligatoire pour apprécier ces cinq morceaux.

Cela peut paraître court dit comme ça mais ces cinq morceaux durent en général sept ou huit minutes, de quoi retourner le cerveau du malheureux qui aura laissé traîner ses oreilles par ici. Parce que si vous ne le saviez pas encore, Heir mélange pas mal de sonorités différentes dans sa musique, allant du black metal au sludge en passant par le punk et tout ce qui peut sonner sale et malsain. "Au Siècle Des Siècles" ouvre d'ailleurs l'album de façon très direct et black metal justement à coup de riffs malsains et tranchants et de blast bien teigneux et si quelques mélodies arrivent à se frayer un chemin vers la fin du morceau il n'empêche que le groupe nous attaque fort d'entrée de jeu ! "L'Heure D'Hélios" nous fait une feinte en débutant par des arpèges en son clair plutôt mélodique, presque beaux, avant de nous rentrer dans le lard à coups de blasts ou de riffs bien lourds et sales. Par rapport à "Asservi", et même si les influences sont encore multiples, j'ai l'impression que le groupe a resserré son propos, qu'il part un peu moins dans tous les sens et qu'il a cherché à faire quelque chose de plus cohérent et relativement homogène. Pari réussi et je conseille d'ailleurs comme souvent d'écouter cet album d'une traite puisque de cette façon que l'on se rend compte de la cohérence du propos, du fait que "Au Peuple De L'Abîme" donne l'impression d'être une seule masse de quarante minutes plutôt que cinq morceaux différents. Pourtant la variété est là comme je le disais, mais le propos est suffisamment pertinent pour donner une impression d'unité à l'ensemble.

Si le rythme est en général assez relevé et que le groupe ne fait pas de quartier, il lui arrive tout de même de lever le pied, sur "L'Âme Des Foules" par exemple qui présente des passages bien plus lourds même si le blast a encore son mot à dire. Et n'allez pas croire que quand le groupe freine un peu, il en devient calme, l'ambiance devient simplement poisseuse et malsaine au lieu d'être belliqueuse. Quoiqu'il arrive on patauge dans la boue pendant ces quarante minutes de metal extrême poisseux, le groupe ne nous laisse quasiment jamais le temps de souffler et trouve toujours un moyen de nous agresser d'une façon ou d'une autre. La production est d'ailleurs à l'avenant avec un son compréhensible et organique mais suffisamment sale et gras pour appuyer encore un peu plus le propos. Bref, pour faire simple, le groupe ne s'est pas assagi depuis "Asservi", il a simplement appris à vaguement contrôler ses pulsions, la rage est canalisée et ne part plus en explosions soudaines. "Au Peuple De L'Abîme" est l'expression d'une rage plus sourde, plus contenue, toujours aussi implacable mais moins schizophrène, les multiples personnalités commençant à créer un visage unique aux traits aussi menaçants et torturés que par le passé mais l'ancienne multiplicité commence à s'unir pour former une entité particulière.

Un premier album sur lequel Heir présente une musique un peu plus centrée sur le black metal, qui s'éparpille un peu moins dans tous les sens et qui contrôle mieux sa colère. Il y a tout de même pas mal d'influences qui se croisent ici et c'est le metal extrême dans son ensemble qui trouve sa place sur "Au Peuple De L'Abîme". Le potentiel pouvait être entrevu sur "Asservi", il est confirmé ici.