"Drif"
Note : 18/20
Heilung revient avec son nouvel album. Depuis 2014, le groupe formé par le Danois Kai
Uwe Faust (chant / percussions), l’Allemande Maria Franz (chant / percussions) et le
Norvégien Christopher Juul (chant / percussions) développent leur musique basée sur le
concept d’”histoire amplifiée”. En 2022, le groupe annonce la sortie de "Drif", leur quatrième
album, chez Season Of Mist.
Le trio est régulièrement rejoint par d’autres musiciens pour des percussions, des parties
vocales ou l’utilisation d’instruments folkloriques, sur album ou en live.
Ce qu’il faut savoir avant de lancer un album d’Heilung, c’est que le groupe explore les
sonorités folkloriques du début du Moyen Âge du Nord de l'Europe. Exit donc la saturation,
et place aux sonorités brutes, ambiantes et massives qui composent leur univers prenant,
autant musicalement que visuellement (pour avoir eu la chance de les voir sur scène deux
fois, je sais de quoi je parle).
Neuf titres, près d’une heure de son qui vogue lentement entre percussions martiales et
chant guttural à des notes vocales beaucoup plus douces, que l’on retrouve dès "Asja", le
premier morceau. J’avoue avoir très peu de connaissances en musique médiévale / viking,
mais on sent que chaque titre est clairement différent, même s’il repose sur ces différentes
tonalités vocales, comme sur "Anoana" et son ambiance enchanteresse, la très longue et
entêtante "Tenet" qui repose sur le fameux carré Sator, ou la courte et étrange "Urbani", qui
propose uniquement des percussions et des voix menaçantes. "Keltentrauer" nous contera
une histoire dans une langue que je ne connais absolument pas, orchestré par un feu de
camp, une cavalcade et des bruits de bataille, puis le groupe reviendra à ses rituels comme
sur l’apaisante "Nesso" et sa douceur intense qui laisse la vocaliste nous proposer des
passages intenses, ou encore "Buslas Bann" et ses tonalités plus agressives complétées par
des percussions très régulières. "Nikkal" nous fera revenir dans les tonalités majestueuses
soutenues par une chorale de plusieurs voix, avant que la noirceur ne nous enveloppe à
nouveau pour "Marduk", qui fait évidemment référence au plus grand dieu babylonien. On
notera également quelques mélodies récurrentes et entêtantes qui nous accompagnent sur
la deuxième partie du morceau pour nous guider jusqu’à la fin du titre.
Pour moi, la musique d’Heilung doit se vivre, et j’admets n’être que très peu réceptif à cette
ambiance sur album. Mais "Drif" possède quelque chose, une petite touche qui transporte
notre esprit, et nous fait communier avec le groupe. Le passage au live est une expérience
intense, qui sera sans nul doute confirmée à nouveau.
"Futha"
Note : 18/20
Heilung, créé en 2015, est le fruit de la collaboration chamanique de Maria Franz, Kai Uwe
Faust et Christopher Juul. Les trois vocalistes, passionnés par les coutumes nordiques, se
réunissent pour créer leur projet, qui mêle éléments folk et expérimentations en tous
genres. Après un premier puis un deuxième albums, tous deux acclamés par la critique, ils
se penchent sur l’écriture de "Futha", leur troisième création, qui voit le jour cette année. Et
j’aurais beau essayer de décrire leur musique, le mieux c’est encore de le vivre.
"Galgaldr" commence avec des grognements inquiétants, et un chant féminin envoûteur, qui
débutent cette cérémonie. Rapidement, des percussions et autres instruments à vent
rejoignent le tout, et nous nous perdons rapidement dans ce dédale de bruits éthérés, de
chants mystiques et autres frappes. Les voix se chevauchent, se complètent, se séparent,
se rejoignent à nouveau jusqu’à nous laisser pour "Norupo", déjà connue des amateurs de la
formation. Disposant de trois timbres complémentaires et de trois techniques de chant
différentes, les vocalistes parviennent rapidement à nous faire entrer dans leur univers, sans
jamais oublier les instruments folkloriques. Plutôt rapide, ce titre nous fera rejoindre "Othan" et
ses percussions ritualistiques. Quelques cordes rejoignent ce titre, ainsi que les voix des
meneurs, et c’est à nouveaux pendant dix minutes que nous nous perdons autour de cet
intense prière. Une sorte de pulsation permanente m’a particulièrement captivé, mais
également pris au dépourvu lorsqu’elle cesse brusquement.
"Traust" et le son cristallin qui l’introduit fait office de changement d’univers. En effet, ce titre
est beaucoup plus planant et un peu moins oppressant, sans perdre d’intensité. Il y a
toujours un élément à apprécier, un qui s’ajoute ou se tait temporairement… Mais la douceur
nous quittera à nouveau pour la respiration saccadée et les hurlements en arrière-plan qui
annoncent "Vapnatak", et nous sommes donc propulsés au coeur d’une bataille qui semble
sanglante, mais également assez peu équilibrée. L’orage nous rejoint, et c’est une histoire
qui nous est comptée, probablement dans un allemand frigorifié. Les percussions
reviennent nous hanter pour "Svanrand", pendant que des projectiles fendent l’air, alors que la
chanteuse nous fait profiter de sa voix ensorcelante, et son acolyte de ses grognements,
jusqu’à extinction totale du son.
Ce sont des murmures inquiétants qui introduisent "Elivagar", et l’ambiance ne se réchauffera
pas. Alors que les crépitements d’un feu semblent se faire entendre, l’homme devient de
plus en plus inquiétant, et est rejoint par des bruits assez peu rassurants. Ce n’est qu’un peu
avant le milieu du titre que quelques instruments entrent en jeu, mais le final est glaçant. On
passe à "Elddansurin" qui semble nous projeter dans le même univers, mais ce sont
finalement quelques bruits seuls mais plutôt rassurants qui interviennent. L’atmosphère
change soudainement, et le chant guttural donne cet aspect ritualistique que les musiciens
sont capables de produire, accompagné par des percussions. Soudainement plus aérienne,
la musique tourne à nouveau dans tous les sens, et les trois voix sont mises à contribution
jusqu’à "Hamrer Hippyer", le dernier titre. Très long, il commence à nouveau de manière
inquiétante avec des cris, des grognements et quelques influences black metal / pagan, et si
la noirceur perdure, la rythmique devient dansante. Il vous faudra peut-être plusieurs
écoutes pour réellement apprécier l’intégralité de l’identité sonore de ce morceau si
particulier, mais il en vaut la peine.
Très riche, "Futha" est une nouvelle réussite pour Heilung . La diversité des sons que produit
le trio, accompagné d’autres musiciens sur scène, est faite pour se répandre dans une
pièce, une assemblée ou dans un casque, mais en aucun cas pour être écouté au compte-goutte. Leurs prochaines dates sont déjà prises d’assaut, alors je vous conseille de vous
hâter...
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