Le groupe
Biographie :

Haken est un groupe de metal progressif basé à Londres, créé en 2007, et actuellement composé de : Ross Jennings (chant), Richard Henshall (guitare / clavier / chant), Raymond Hearne (batterie / chant / tuba), Charles Griffiths (guitare / chant), Peter Jones (clavier) et Conner Green (basse / chant). Le groupe a sorti les albums "Aquarius" en 2010, "Vision" en 2011, "The Mountain" début Septembre 2013 sur InsideOut Music, "Affinity" en Avril 2016, "Vector" en Octobre 2018, "Virus" en Juin 2020, et "Fauna" en Mars 2023.

Discographie :

2010 : "Aquarius"
2011 : "Visions"
2013 : "The Mountain"
2016 : "Affinity"
2018 : "Vector"
2020 : "Virus"
2023 : "Fauna"


Les chroniques


"Fauna"
Note : 17/20

Libérés du diptyque conceptuel "Vector" - "Virus", les Anglais de Haken sont de retour avec "Fauna" et comme d'habitude ça va secouer ! Metal progressif jusqu'au bout des ongles, ce nouvel album garde les sonorités plus modernes et plus dures de ses deux prédécesseurs mais propose quelque chose de plus varié et plus complexe encore. Autant dire que les détracteurs du groupe ou du genre vont prendre cher cette fois !

"Taurus" ouvre l'album et déjà les riffs sont durs et puissants, l'ambiance pesante et les cassures rythmiques fréquentes ! Le groupe s'amuse à passer d'un registre à l'autre avec des couplets teintés de djent et donc très saccadés d'un côté et de l'autre des refrains très mélodiques et accrocheurs. "Nightingale" remet le Haken très progressif en avant mais ne facilite pas la tâche pour autant tant ses sept sont touffues, même si là encore la mélodie trouve une place pour se faire entendre. C'est ce qui a toujours constitué la patte d'Haken d'ailleurs, une musique progressive à cheval entre le rock et le metal, assez complexe et riche qui mélange des passages très mélodiques ou poignants avec d'autres bien plus techniques et tordus. Les deux précédents albums avaient pris un virage un peu plus direct avec ces sonorités plus modernes et plus metal et ont probablement séduit certains de ceux qui étaient restés hermétiques à la musique du groupe jusque là. "Fauna" risque de les refroidir tant il prend la tangente et remet l'expérimentation en avant. "The Alphabet Of Me" prend presque des airs de Leprous sur les couplets et se fait un peu plus mélodique et porté sur les émotions. Si celles-ci ont encore leur place sur "Fauna", il faut quand même reconnaître que c'est l'album le plus difficile d'accès et le plus complexe du groupe, donc si les délires expérimentaux et techniques des précédents albums ne vous parlaient pas, c'est très mal parti ! "Beneath The White Rainbow" fera le tri et ne gardera que les plus persévérants parce que dans le genre morceau technique et complètement fou, il se pose là !

Et si vous n'en avez pas eu assez, c'est le pavé "Elephants Never Forget" avec ses onze minutes totalement folles et touffues qui se chargera de vous achever. On y trouve quelques touches de ce que Devin Townsend a fait de plus agité, c'est vous dire à quel point le jus de cerveau va faire des bulles ! "Fauna" va clairement paraître décousu à pas mal de monde, le groupe y développe son côté le plus progressif et donc le plus expérimental en mélangeant plusieurs sonorités et en déchaînant toute sa technique. Certains passages sont vraiment ardus et il va falloir pas mal d'écoutes avant de pouvoir s'y retrouver, même si les mélodies typiques de Haken sont toujours là évidemment. On retrouve la patte moderne et djent du duo "Vector" - "Virus" et le côté complexe et progressif que le groupe développait jusqu'à "The Mountain" mais poussé encore plus loin cette fois. Les passages poignants sont encore de la partie aussi, principalement sur "Eyes Of Ebony" qui utilise la disparition du dernier rhinocéros blanc comme métaphore pour évoquer le décès du père du guitariste Richard Henshall survenu pendant la conception de l'album. Un morceau forcément tout en émotions qui calme le jeu et termine l'album en beauté après une bonne heure très mouvementée. Une fois de plus, Haken prend tout le monde par surprise sur ce nouvel album et débarque systématiquement là où on ne l'attend pas car même si on retrouve le metal progressif typique du groupe, il y a un grain de folie incontestable. Ce n'est clairement pas la meilleure porte d'entrée pour les néophytes tant "Fauna" se fait complexe et technique mais cela lui assure une bonne profondeur.

Vous n'avez pas fini de trouver de nouvelles surprises au fil de vos écoutes puisque Haken a décidé de pousser le bouchon plus loin à tous les niveaux ! "Fauna" peut se montrer intense et balance pas mal d'informations mais le talent mélodique du groupe fait toujours mouche et devrait servir de point d'accroche. En tout cas, le groupe confirme qu'il est inspiré et qu'il n'a rien perdu de sa folie, bien au contraire !


Murderworks
Avril 2023




"Virus"
Note : 17/20

Deux ans après le succès de l’album "Vector", Haken sort son sixième album "Virus" qui, dans un contexte sanitaire hostile, a une résonance plus particulière. Cependant, chacun interprétera à sa convenance les thématiques de "Virus". Un album qui s’inscrit dans la plus pure tradition du metal progressif et qui regorge de points de connexions avec les précédents opus.

Haken ne cesse d’évoluer depuis ses débuts et propose à chaque fois un travail artistique différent des autres. Tantôt avec un son seventies, tantôt avec un son 8, le groupe brouille les pistes et s’amuse à déployer toutes les facettes créatives de ses musiciens. Tout en ayant cette patte, cette touche si singulière grâce à un son caractéristique - le synthé de Diego Tejeida notamment - qui, au fur et à mesure depuis "Vector" mute en un metal prog plus moderne. Un cocktail de technicité et d’originalité à la sauce anglo-saxonne, efficace mais parfois déroutant. Comme sur "Affinity" dont certains morceaux sonnent bien trop 80. Le mauvais 80. Le groupe n’hésite pas à tenter des expériences. Avec "Vector" et ses nombreuses pépites ("A Cell Divides", "The Puzzle Box", "Veil"…), Haken a ajouté une pierre à l’édifice de sa notoriété grandissante. Adeptes d’albums conceptuels, Haken n’a pas dérogé à la règle avec "Virus". Et de façon surprenante. En effet, "Virus" a deux entrées thématiques. La première, en faisant le pont avec "Vector". La seconde, en approfondissant l’histoire du "Cockroach King" de l’album "The Mountain".

Le lien avec "Vector" est réalisé avec les cinq premiers morceaux de l’album. Haken nous replonge dans l’univers du Mountview Institution ou plus exactement 20 ans après les exactions réalisées dans cet institut psychiatrique sur un patient dans les années 50. Quelles sont les résultantes des différentes expériences subies ? Le premier titre "Prosphetic" fait le lien en évoquant le test Roarschach (les fameux dessins en psychanalyse) qui, loin d’être fiable, amena à des diagnostiques de démences sur des patients pourtant tout à fait sains. Tout au long de ces cinq morceaux, l’auditeur est plongé dans les pensées d’un esprit torturé qui ne sait pas ce qu’il a fait ou ce qu’il n’a pas fait. Les rapports d’analyses sont-ils la réalité ? Est-il véritablement un monstre ? Ou bien le monstre que le "Good Doctor" ("Vector") veut qu’il soit ?

"Virus" débute sur les chapeaux de roues avec le titre "Prosphetic". Il reflète la rage et le désespoir d’un patient abruti par les tests et les questions sans fin des médecins. On retrouve le son et l’atmosphère de "Vector", puisque le mixage a été à nouveau réalisé par Adam "Nolly" Getgood. Mais avec des rythmiques plus rapides, et des parties de guitares plus lourdes, "Prosphetic" est d’une efficacité irréprochable. On le sait, Haken est particulièrement talentueux sur le rythme et le construction alambiquée de ses morceaux. On retrouve cette qualité d’écriture notamment sur le deuxième titre, "Invasion". La décomposition des mots et le phrasé de Ross Jennings provoquent un effet constant d’avancée et de recul. La phrase finale des couplets est débitée en plusieurs petits morceaux répétitifs jusqu’à arriver à la phrase complète. En soutien de la voix, la mélodie saccadée du synthé et/ou les riffs syncopés des guitares créent un bel effet qui renforce le côté “invasif” du virus ou du corps étranger, se propageant petit à petit avec plus de force à chaque fois et détruisant inexorablement la santé mentale. Musicalement, Haken nous emmène sur un terrain un peu plus agressif que sur les précédents album. Plus introspectif aussi avec ses longues plages mélancoliques, douloureuses où l’on sent poindre le désespoir et l’impossibilité de sortir de cet état dépressif. Le dernier morceau de la première partie, "Canary Yellow", engage subtilement le thème de la seconde partie, en évoquant le syndrome du “Complexe de Messie”. Syndrome qui est développé à travers l’histoire du "Cochroach King" (Roi Blatte). Non répertorié comme une maladie mentale, ce complexe peut-être néanmoins présent chez des patients souffrants de bipolarité ou de schizophrénie. Il emprisonne la personne dans la croyance d’être un Sauveur de l’Humanité.

En reprenant son personnage du Cochroach King de l’album "The Mountain", Haken décrit l’esprit déviant d’un roi qui souffre d’illusions de grandeur. Et bien évidemment, de la désillusion qui en découle. En imposant sa vision, sa doctrine et sa supposée Toute Puissante, le Roi est en réalité déchu par son peuple. Cette nouvelle partie de cinq titres est musicalement assez grandiloquente et épique. Les musiciens ont fourni un effort notable sur la composition de "Virus" avec des parties assez inédites chez eux. Comme la partie de rythmique presque black metal sur "The Sect", plus que surprenante de la part de Haken. L’agressivité est aussi de mise avec "Prosphetic", "Carousel" ou "A Glutton For Punishment". Parallèlement, on retrouve des structures que l’on connaît et qui font écho aux précédents albums. Les harmonies de voix sur "Marigold" ou "The Sect" renvoient au morceau "Cockroach King" ("The Mountain"), la petite partie de synthé électro 80 sur "The Sect", est quant à elle un clin d’oeil à l’album "Affinity". "Ectobius Rex" (soit, Coachroach King en latin), clotûre cette épopée tragique en compilant les ingrédients des quatre autres morceaux : des atmosphères lourdes, planantes, inquiétantes, mélancoliques. Enfin, "Only Stars" vient sceller la fin des deux parties avec un morceau musicalement dépouillé. Ne gardant qu’une funèbre atmosphère en filigrane avec en première ligne la voix douce de Ross Jennings. Comme pour révéler l’individu dans toute sa fragilité.

Sur "Virus", on regrettera tout de même l’absence de mélodies obsédantes et à faire dresser les poils, à la hauteur de "A Cell Divides" par exemple. Oui, il est vrai qu’on aurait aimé que Ross Jennings mette plus de nuances dans les lignes de chant et que Diego Tejeida nous mette le coup de grâce avec une mélodie hypnotique de son synthé. Hormis ce point, "Virus" est l’album qui lève le voile sur un Haken plus technique et plus sombre. Un groupe qui n’a pas peur d’évoluer et de tester des ambiances différentes à chaque album. Avec un son qui s’affine, en gardant l’ADN du groupe tout en devenant de plus en plus moderne et actuel. Le tout écrit de manière intelligente en reliant les albums et les titres entre eux par des fils ténus mais solides, et avec un concept à tiroirs qui passionne toujours : la mécanique du cerveau humain.


Miss Bungle
Juin 2020




"Vector"
Note : 17/20

God bless the Queen, voici le cinquième album du groupe anglais Haken !

Avec une intro aux sonorités très électroniques qui pourrait convenir pour une B.O de film, "Vector" semble s’annoncer comme une suite de l’album "Affinity" sorti en 2016.  C’est l’occasion d’ailleurs de faire un rapide rappel sur cet opus. Après "The Mountain" (2013) et son son années 70, Haken avait pris une nouvelle direction avec "Affinity" qui fricotait résolument avec les années 80 et ses claviers synthétiques, typiques de l’époque. Tout en gardant un son moderne (j’en veux pour preuve l’excellent titre "The Endless Knot"). Pas forcément évident à apprécier à la première écoute, assez déroutant même pour ceux qui ne sont pas familiers ou amateurs du rock progressif electro style Genesis and co. Mais au bout de quelques écoutes, celui-ci se révélait plutôt complexe et mélodique. Un album en phase avec la mouvance "retour aux sons 80" qui avait commencé à se profiler avec Carpenter Brut, The Algorithm... mais version djent progressif.

"Vector" ne déroge pas à la règle puisque dès l’intro passée, il prend ses distances avec "Affinity". Oh, il y a bien ci et là encore quelques passages synthétiques, mais force est de constater que "Vector" opère un nouveau virage dans la discographie du groupe. Pour faire court, Haken a pris tout ce qu’il y avait de meilleur dans "Affinity" pour l’intensifier et le sublimer sur "Vector". On ne pourra pas leur reprocher de ne se pas renouveler. Si "Vector" ne comporte que 6 titres (en enlevant l’intro) et ne dure que 45 minutes, cela ne l’empêche pas de proposer des compositions particulièrement riches. "The Good Doctor" est sans nul doute extrêmement efficace : une construction calibrée qui fait d’un morceau un "radio hit". Une belle entrée en matière qui donne envie de poursuivre l’écoute de "Vector".

Les choses sérieuses arrivent, ou plutôt se confirment avec "The Puzzle Box". A partir de ce titre, l’album gagne largement en complexité. Des passages épileptiques s’entremêlent à d’autres plus mélodiques et planants. L’évolution des morceaux permet de parler réellement de metal progressif. Avec pas moins de 12 mns 35s au compteur, "Veil" en explore toutes les ficelles, si habilement et si bien qu’on ne voit pas le temps s’écouler. Haken nous happe dans une spirale aussi technique qu’émotionnelle. Le chant aérien se mêle aux nappes atmosphériques, aux mélodies délicates, tout en côtoyant des riffs bien plus lourds que sur "Affinity". Si on en doutait encore, l’instrumentale "Nil By Mouth" vient asseoir la construction alambiquée de "Vector" et délivrer une rythmique addictive. "Host" vient calmer le jeu pour un temps avec ses airs smooth jazz, une ambiance qui oscille entre tristesse et inquiétude. L’album se termine sur le très joli "A Cell Divides" qui, à lui seul, réunit tous les ingrédients qui font de "Vector" un bel objet musical. Les dernières notes nous laissent indubitablement sur notre faim et nous font regretter que l’opus soit si court.

En un mot comme en cent, "Vector" dégage puissance et complexité. Mais finalement, ce qu’on en retient c’est surtout une belle émotion. Couplée à des compositions élégantes, la voix de Ross Jennings procure d’agréables frissons de plaisir, grâce à une interprétation ni exagérée ni maniérée. Une subtilité et une douceur qui siéent à merveille aux morceaux.


Miss Bungle
Octobre 2018




"The Mountain"
Note : 18/20

Mieux vaut tard que jamais pour réaliser une chronique mais que voulez-vous, malgré mon amour de la musique, je passe parfois à côté de certaines pépites, ce qui a été le cas avec "The Mountain", troisième album des Grands-Bretons de Haken, combo de rock / metal progressif formé en 2007. Album intégral sorti en libre écoute sur le net il y a deux mois, j’ai découvert cette œuvre au détour des suggestions YouTube (oui, je l’avoue, j’aime le djent et le prog) tout d’abord par le single "Atlas Stone", véritable OVNI qui préfigure bien du reste du projet ! Qu’à cela ne tienne, après plusieurs écoutes de l’opus dans son intégralité, je me suis dit qu’il serait presque criminel de ne pas en parler, ni même de parler un peu du groupe.

Voguant allégrement entre plusieurs univers tous issus de la même famille, à savoir le rock prog ultra old school, le metal prog et le djent (en quantité somme toute moindre je vous l’accorde mais quand même), cette Montagne reste relativement difficile à gravir pour les non-aficionados du style. Pour l’entrée en matière, je vous propose donc de décortiquer un peu "Atlas Stone" qui, comme je l’ai écrit plus haut, représente bien l’album en son entier (il serait suicidaire de tenter de faire une critique de chaque chanson tant les influences sont nombreuses et tant les changements de rythmes et de mélodies se succèdent). 7 minutes et 33 secondes, classique pour un morceau de prog avec une intro au piano qui n’est pas sans me rappeler Journey ou encore Van Halen. Enchaînement à la quarantième seconde par le premier riff électrique du morceau suivi par un second à la minute passée et un troisième vingt secondes après. Les changements, nombreux, sont pour la plupart sur le même ligne mélodique et servent un chant clair de grande qualité, non entaché par de trop nombreux effets. Les deux premières minutes sentent fort les années 80/90 alors que la troisième est un réel hommage aux vieux groupes de prog à la Gentle Giant (par exemple, puisque c’est résolument un groupe seventies). Enfin, le premier solo de guitare à la troisième minute, court et redoutablement efficace, qui va lorgner du côté de chez Mr Petrucci ; qu’on se le dise, ces Anglais sont des techniciens qui privilégient tout de même la mélodie à la démonstration technique (en effet, les riffs reviennent plusieurs fois, le morceau est structuré avec un refrain, etc…). Vers la fin de la quatrième minute, on retombe sur les riffs de piano / synthé du début de morceau avec un second solo, énorme, plus proche au niveau du jeu d’E.Van Halen (ce qui n’est pas pour me déplaire), tout ça pour déboucher sur une montée en puissance globale de l’intensité. En bref, on peut croire que cet album part dans tous les sens, ce qui pourrait d’ailleurs se justifier, mais il n’en est rien car, même si les influences sont diverses et parfois difficiles à associer, le combo s’en sort plus que bien et fait la part des choses entre expérimentation et phases catchy qui accrochent, même ceux qui sont plus portés sur la musique "easy listening" ("Because It’s There", "As Death Embraces") succomberont.

Encore un OVNI avec "Cockroad King", troisième chanson de l’opus, nanti d’un clip visible sur la toile, et au concept de départ vraiment très old school sur le rythme et la manière de faire. Et que dire de "Falling Back To Earth" et "Pareidolla", véritables épouvantails de sonorités de plus de 10 minutes chacun où l’on retrouve par exemple des arpèges qui me font fortement penser à du Opeth. Excellente découverte sur le tard que cet album (et ce groupe aussi d’ailleurs) qui prouve que tout n’a pas encore été fait en matière de musique.


Byclown
Octobre 2013


Conclusion
Le site officiel : www.hakenmusic.com