Le groupe
Biographie :

Grorr, né en 2005 à Pau, se qualifie comme groupe de death prog. Le concept de Grorr tourne autour de l’univers bizarre des insectes. Oppressant et parfois comique, il permet des parallèles avec les sociétés humaines dans leurs traits les plus violents, désespérés ou absurdes. Après une démo autoproduite en 2008 et un album, "Pravda", sorti en 2011, Grorr son deuxième opus, "Anthill", un concept-album narrant la vie d'une fourmilière. Le groupe revient avec un troisième album le 14 Novembre 2014, " The Unknown Citizens", après avoir signé un contrat de licence pour une distribution internationale avec le label suédois ViciSolum Productions. Sept ans plus tard, Grorr est de retour avec "Ddulden’s Last Flight" sorti en Mars 2021.

Discographie :

2011 : "Pravda"
2012 : "Anthill"
2014 : "The Unknown Citizens"
2021 : "Ddulden’s Last Flight"


Les chroniques


"Ddulden’s Last Flight"
Note : 17/20

Cela fait déjà plus de six ans que nous n'avions plus eu d'albums de Grorr à nous mettre entre les oreilles, ce "Ddulden’s Last Flight" arrive donc à point nommé ! Pour autant, le groupe n'a pas chômé puisque plusieurs changements de line-up ont eu lieu et qu'un EP nommé "II" a vu le jour depuis. Mais c'est bien avec un nouvel que ces explorateurs musicaux nous amènent cette fois et comme d'habitude le voyage va être mouvementé !

Précisons d'abord que certaines versions proposent les deux morceaux du EP évoqué, à savoir "Orang Lao" dans un premier temps qui dépayse d'entrée de jeu avec des sonorités asiatiques traditionnelles pour ensuite embrayer sur quelque chose de plus posé et progressif que ce à quoi nous avait habitué Grorr. On sent presque une patte Klone dans ce metal atmosphérique, moderne et planant qui marie harmonieusement gros riffs puissants et des sublimes mélodies aux relents de musique ethnique. "The Painter", quant à lui, se montre un peu plus agressif et après deux bonnes minutes de sonorités world music et balance de bons gros riffs syncopés qui font mal par là où ils passent. Pourtant, la mélodie et les émotions trouvent encore une place et le chant joue d'ailleurs une bonne part dans leur transmission. Mais le gros morceau qui nous intéresse aujourd'hui c'est bien l'album et donc les huit morceaux qui constituent autant de scènes d'un film jamais terminé. Eh oui, Grorr s'est carrément attaqué cette fois à la bande originale d'un film ! Il faut dire que sa puissance évocatrice et sa facilité à créer des ambiances et à faire passer les émotions le prédisposaient à ce genre d'exercice. Et dès "Ddulden Dreams Beyond The Peak", des paysages et des images se forment dans nos têtes. En seulement deux petites minutes, Grorr arrive déjà à nous transporter ailleurs et à nous sortir du monde réel. A une époque où les groupes de metal incorporent de plus en plus d'orchestrations, souvent de manière assez grossière et simpliste, Grorr débarque avec une maîtrise totale du sujet et donne une leçon sur sur la durée d'une simple intro ! Là où la plupart s'en servent pour grossir le son et donner un aspect plus massif à leur musique, eux s'en servent pour créer un univers et amplifier les émotions, exactement comme pour un film (bon ok c'est logique c'était pour un film à la base, mais quand même).

Et quand "Sky High" débarque avec ses riffs syncopés, il ne se départ jamais d'une certaine finesse et fait la part belle à des mélodies touchantes et riches en émotions une fois de plus. La puissance est toujours là et les guitares ne se privent pas d'envoyer le bois mais on sent que le but n'est clairement pas de foncer dans le tas ni d'en mettre plein la vue. Le jeu de batterie est d'ailleurs tout en finesse malgré la puissance de certains passages et regorge de petites subtilités, un vrai régal pour les oreilles. Le son est d'ailleurs une fois de plus puissant et propre et offre un écrin parfait à la musique du groupe. "Hit The Ground" nous rappelle lui aussi un peu Klone avec ce côté très planant et mélancolique, sauf qu'ici on a une fois de plus ce côté world music en sus avec pas mal percussions en général et de tabla en particulier au menu. Le travail fait sur les orchestrations est impressionnant et on sent que contrairement à certaines cela ne tient pas du tout du gimmick chez Grorr. D'ailleurs, qui dit bande originale de film, dit évidemment album à écouter d'une traite, les morceaux se suivent tous et sont tous liés les uns aux autres. Je vous invite donc à écouter ça comme un tout séparé en huit pistes puisque c'est de cette façon qu'il a été conçu. Par rapport à "The Unknown Citizens", cela donne quelque chose d'un peu moins brutal et un peu moins dur, les ambiances et les mélodies prennent plus de place cette fois et les riffs syncopés ne s'expriment que lorsque c'est nécessaire. Une évolution naturelle à la fois par la progression du groupe d'album en album mais aussi par le fait que ces morceaux ont été conçus pour un film. On trouve cette fois un feeling plus progressif dans l'esprit, quelque chose de plus fin, plus subtil. Les bourrins en seront pour leurs frais mais je doute que Grorr les aient attiré jusqu'à maintenant, sa musique a toujours été trop travaillée et trop riche pour ça.

"Ddulden’s Last Flight" permet donc à Grorr de pousser encore plus moins ses velléités orchestrales et mélodiques en créant la bande son d'un film que nous ne verrons que dans nos têtes. Le groupe arrive à nous faire imaginer toute une succession de scènes grâce à la puissance d'évocation de sa musique et monte encore d'un cran !


Murderworks
Juin 2021




"The Unknown Citizens"
Note : 17/20

Grorr nous avait laissé un très bon souvenir avec son deuxième album "Anthill" qui voyait les sonorités typiquement Meshuggah se mettre en retrait pour s'entourer d'atours ethniques et world music. Un album qui avait réussi à être à la fois accrocheur, riche, et original. Cette fois, le groupe revient avec un nouvel album "The Unknown Citizens" et un nouveau concept basé sur les poèmes de W.H. Auden.

Et le concept cette fois ne se limite pas aux textes, l'album est découpé en trois parties de 3 morceaux chacunes : " The Fighter", "The Worker" et "The Dreamer", autrement dit les trois personnages qui constituent le noyau de l'histoire. Autant le dire tout de suite pour ceux que ça emmerde, l'influence Meshuggah est remise plus en avant cette fois et les riffs saccadés sont aussi fréquents que les polyrythmies. Mais comme précédemment, la musique de Grorr ne se limite pas à ça, et les nombreuses ambiances qui habitent ce nouvel album lui confèrent une fois de plus une personnalité très marquée. Chaque triptyque se voit affublé de ses propres ambiances et de son propre caractère faisant certainement de "The Unknown Citizens" l'album le plus varié et le plus riche de Grorr jusqu'à présent. Comme son nom l'indique, le premier triptyque rentre dans le lard comme il faut, la brutalité Meshuggienne est de mise et le chant hurlé règne en maître. Pour situer le terrain grosso modo, "Pandemonium" ressemble par moments à un "Destroy Erase Improve" avec des cuivres. "Facing Myself", malgré le fait que les polyrythmies y sont encore nombreuses, marque le retour de la patte Grorr, un chant pas totalement clair mais plus modulé et une ambiance moins frondeuse, plus sombre et mélancolique, et "Oblivion" suit à peu près le même chemin. Rien qu'en trois titres le groupe présente déjà plusieurs facettes différentes, et ça ne va faire que s'amplifier au fur et à mesure qu'on va avancer dans l'album.

Le triptyque "The Worker" présente un visage plus barré, dans lequel les instruments et les parties de chant, disons exotiques pour du metal, reprennent plus de place en reléguant les passages syncopés un peu plus à l'arrière. La musique de Grorr donne plus dans les ambiances sur ces trois morceaux, assez particulières d'ailleurs les ambiances ! Et comme son nom l'indique, "The dreamer" contient les trois morceaux les plus mélodiques et calmes de l'album, une fin en douceur après l'agression alambiquée des trois premiers titres. Globalement, les instruments traditionnels et les sonorités folkloriques sont un peu plus en retrait que sur "Anthill", ils servent cette fois à appuyer les morceaux discrètement en fond. Mais une fois de plus, cet album est à écouter d'une traite comme un seul bloc, les morceaux s'enchaînent tous et le découpage en pistes n'est là que pour marquer les différents chapitres. Grorr a encore une fois livré un album extrêmement riche et travaillé sortant des sentiers battus, travaillé et réfléchi jusqu'au moindre détail. On commence à avoir de plus en plus de groupes en France qui s'amusent à exploser pas mal de barrières, à faire des mélanges à priori improbables et qui pourtant fonctionnent parfaitement. A noter d'ailleurs que cette fois Grorr n'a pas sorti son album en autoproduction, il est sorti chez Vicisolum Productions qui compte entre autres Persfone dans son roster (allez écouter "Spiritual Migration" tant que vous y êtes).

Vous comprendrez aisément en l'écoutant à quel point il peut être difficile d'écrire quoi que ce soit sur un album pareil, il défie toute étiquette et toute description. Voilà un groupe décidément très rafraîchissant qu'il est impossible de ranger dans une case. "The Unknown Citizens" n'est pas un album qui se décrit ou qui s'écoute simplement, il fait partie de ceux qui se vivent.


Murderworks
Janvier 2015




"Anthill"
Note : 17/20

Voilà une intro originale dans ce monde bourrins, une flûte japonaise et une ambiance très world music pour ouvrir un album de metal extrême ! L'album en question est la deuxième réalisation de Grorr, groupe originaire de Pau formé en 2005 et qui a déjà à son actif une démo et un premier album nommé "Pravda". Le petit nouveau s'appelle "Anthill" et présente plusieurs éléments assez atypiques, voilà un groupe relativement jeune qui affiche déjà une personnalité intéressante !

Décrit comme étant du death progressif, la musique de Grorr s'était vue reprocher par le passé quelques influences Gojira peut-être un poil trop marquées. Et si elles sont encore présentes ici elles ont cette fois été digérées, Grorr a poussé l'expérimentation plus loin et nous montre une patte beaucoup plus personnelle. Mélange de death, de sonorités world music appuyées par de la vielle à roue, du sitar ou de la flûte japonaise comme je le disais pour l'intro, et de structures directement importées du progressif. Un mélange risqué qui aurait vite pu virer au melting pot anarchique, sauf que les mecs de Grorr savent visiblement ce qu'ils font et leur musique bien qu'hétérogène reste cohérente et construite. On ne se retrouve jamais avec un instrument qui atterrit là comme un cheveu sur la soupe, tout est pensé et malgré la petite année qui sépare les deux albums on sent que la musique a été réfléchie et travaillée en profondeur. Et histoire d'aborder le côté technique de la chose, je tiens à préciser que cet album bénéficie d'une excellent prod ! Un son énorme et clair qui laisse de la place à tous les instruments, et ils sont assez nombreux à s'exprimer régulièrement. Bref gros et bon boulot de ce côté-là.

L'originalité du groupe se retrouve aussi dans son concept, il se focalise depuis ses débuts sur les insectes et plus particulièrement les fourmis sur cet album. En effet "Anthill" nous raconte la vie d'une fourmilière, du printemps à l'arrivée de l'hiver, allant du réveil à la révolution en passant par la guerre. Et c'est là qu'on se rend compte du boulot qui a été effectué sur cet album, chaque morceau apporte une ambiance différente collant aux évènements qu'il narre. Pas étonnant quand on sait que la bio annonce que le groupe a "storyboardé" son album, ça se sent clairement à l'écoute puisque tous les morceaux s'enchaînent sans temps morts et que même si ils installent un climat différent, ils s'intègrent tous parfaitement au concept. Le tout forme un seul et unique titre de 45 minutes finalement, c'est en tout cas comme ça que je vous conseille de l'écouter. C'est là que vous allez sentir la vie de toutes cette colonie de fourmis, les évènements qui s'écoulent tout au long de l'histoire donnant lieu à une alternance de passages posés et de gros riffs velus et oppressants.

Au final même si on arrive à reconnaître les influences du groupe, on serait bien en peine de comparer le groupe à un autre. Le mélange world music et metal a bien entendu déjà été fait, mais l'originalité de Grorr ne se limite pas à cette addition de deux styles. Que ce soit dans le concept, les structures ou les mélodies, on sent que les membres du groupe ont une façon de composer bien à eux, ainsi qu'un certain talent pour raconter une histoire et y embarquer l'auditeur. Les paroles ne sont pas présentes dans le digipack, mais j'ai presque envie de dire que ce n'est pas un gros inconvénient tant on arrive à ressentir ce qui passe. "Anthill" est un très cinématographique finalement, à la fois dans le procédé de storyboard mais surtout dans l'évocation d'images au travers des ambiances distillées pendant toute la galette. Ecoutez le morceau "We-legion", si vous fermez les yeux vous les verrez toutes ces fourmis marchant au pas pour partir en guerre ! C'est cette force d'évocation qui fait de "Anthill" un album si prenant, c'est ça qui fait qu'on ne décroche pas pendant les 45 minutes que dure l'album.

On a tendance à se dire que tout a été fait en musique, ou tout du moins en metal. Sur la forme peut-être, mais pas dans le fond et Grorr nous le prouve avec ce deuxième album relativement original et atypique dans le paysage metal. Une fraîcheur qui fait du bien au milieu d'une scène extrême blindée de groupes pas tous très aventureux. Même si les styles présents ici avaient déjà été mélangés ensemble ils ne l'avaient pas été de cette façon, et cet album devrait surprendre pas mal de monde tant il ne ressemble quasiment à rien de ce qu'on peut entendre ces derniers temps. Et pour un deuxième c'est carrément fort, voilà encore un groupe de chez nous qui montre un sacré potentiel après quelques années seulement d'existence !


Murderworks
Novembre 2012


Conclusion
L'interview : Le groupe

Le site officiel : www.facebook.com/grorrpage