"Braiding The Stories"
Note : 17/20
Gaahls Wyrd a une nouvelle histoire pour nous. Six ans après son premier chapitre, le groupe mené par l’emblématique vocaliste Kristian “Gaahl” Espedal (Trelldom, ex-Gorgoroth, ex-God Seed, ex-Wardruna) et complété par Ole “Lust Kilman” Walaunet (guitare, The Batallion, ex-God Seed), Kevin “Spektre” Kvåle (batterie, From The Vastland, Horizon Ablaze, Svartelder) et Andreas “Nekroman” Salbu (basse, Reptilian, live pour Abbath) dévoile avec son label Season Of Mist son deuxième album, "Braiding The Stories".
L’histoire débute avec "The Dream", une introduction assez simple mais planante sur laquelle la voix de Gaahl nous accueille avec un calme impressionnant, renforçant la sensation d’apaisement avant que la mélodie ne devienne un peu plus vive, jusqu’à finalement rejoindre "Braiding The Stories", le titre éponyme. Il y a immédiatement plus de saturation sur ce morceau, mais la voix reste claire, envoûtante et très rassurante, profitant des racines Prog planantes pour se taire un long moment, laissant les instruments imposer parties lead et claviers, puis elle reviendra nous guider vers "Voices In My Head". A l’image du premier morceau, il est assez simple et court, mais il nous fait lentement basculer dans l’angoisse pure avant de laisser "Time And Timeless Timeline" faire revivre le black metal via des riffs chaotiques sur lesquels le vocaliste reste de marbre, nous offrant tout de même certains cris perturbants.
On enchaîne avec "And The Now" qui nous replonge dans un climat inquiétant en jouant avec des tonalités occultes vaporeuses pour mieux forger le mystère ambiant et le laisser se renforcer presque imperceptiblement et le laisser atteindre l’oppressant final suivi par "Through The Veil", nouvelle composition assez courte qui se retrouve teintée des sons troublants de celle d’avant. "Visions And Time" prend la suite et nous expose à ce vortex de voix torturées qui vient compléter le chant principal incroyablement doux, mais l’instrumentale est elle aussi sujette à changements et passe de la violence à la dissonance, puis se tisse à nouveau progressivement jusqu’à cet embrasement inattendu, avant que Root the Will ne revienne à des sons plus vifs. Les patterns saccadés et le cri perçant de Gaahl se mêlent presque naturellement, mais on notera la même alliance innée lorsque le chant se fait plus audacieux, rivalisant avec des guitares froides et tranchantes avant de s’échouer sur "Flowing Starlight", une dernière composition aux touches post-metal ésotériques marquées, développant un son cristallin imposant pendant que le vocaliste nous montre l’étendue de son talent, et le flot mystique s’écoule lentement jusqu’à arriver au néant.
Après avoir conquis le black metal, Gaahl a fait de Gaahls Wyrd un vaisseau capable d’explorer les confins de ses envies. "Braiding The Stories" n’est pas l’album le plus violent, ni même le plus calme, mais il est très exactement ce que ses créateurs veulent de lui : un voyage mental à travers les sonorités mystiques et mystérieuses.
"The Humming Mountain"
Note : 17/20
Gaahl est décidément plein de surprises puisqu'après avoir quitté Gorgoroth dans lequel il nous avait habitués à un black metal primitif, brut de pomme et très cru, il a fondé le projet God Seed auteur d'un seul et unique album qui développait des ambiances très fortes tout en expérimentant plus d'une fois. Et après cette fin prématurée, le voilà de retour avec Gaahls Wyrd qui a livré un très bon premier album en 2019 et qui nous amène cette fois un EP nommé "The Humming Mountain".
Un format que Gaahl préfère qualifier de mini album conceptuel plutôt que EP pour souligner le fait que ces nouveaux morceaux ne sont pas juste posés en vrac comme ça sur un format plus court. Trois d'entre eux avaient d'ailleurs originellement composés pour "GastiR - Ghosts Invited" puis mis de côté parce que leur concept ne collait pas avec celui du premier album, que je vous invite vivement à écouter si ce n'est déjà fait. Un premier album qui laissait autant de place au black metal norvégien d'origine et à sa brutalité crue qu'à des sonorités plus progressives et expérimentales. Le groupe y développait des ambiances froides et fantomatiques sur lesquelles Gaahl nous faisait entendre plusieurs fois qu'il se débrouillait aussi très bien en chant clair. S'il y a une chose que l'on ne peut pas reprocher au bonhomme, c'est bien son authenticité, il n'y a pas un seul de ses groupes ou projets qui ne porte pas une marque bien distincte. Sa personnalité s'infiltre systématiquement dans sa musique et chacun des albums qu'il compose se démarque du reste de la scène par une patte particulière. On sent l'introspection, la recherche intérieure qui habite sa musique à chaque seconde et "The Humming Mountain" ne fait pas exception. "The Seed" nous accueille d'ailleurs en acoustique histoire de bien marquer la séparation avec le premier album, une orientation qui va encore en déstabiliser certains mais qui fait entendre dès les premières secondes une beauté contemplative assez bluffante. La musique du groupe s'y fait du coup plus proche de ce que l'on pourrait qualifier de dark folk et quelques mélodies plus sombres et étranges viennent perturber cette beauté qui était déjà en train de nous saisir. Comme si Death In June et Blood Axis avaient copulé pour donner naissance à un rejeton perturbé, dépressif et catatonique.
Le morceau-titre prend la suite de ces neuf premières minutes et ramène la distorsion sur les guitares avec des accords plus proches du black metal par leur froideur. On reste toutefois sur un mid-tempo contemplatif aux mélodies glaciales et mélancoliques avec un chant clair là encore très posé et presque fredonné justement ("humming" en anglais). C'est "The Dwell" qui nous ramène au metal avec un tempo bien plus énervé à cheval entre le black et le thrash qui crée du coup un contraste assez surprenant et violent ! De gros blasts bien rapides nous cueillent pour nous confirmer une fois encore que Gaahls Wyrd est insaisissable et que les surprises ne sont pas terminées. "Awakening Remains - Before Leaving" repart lui aussi dans un black metal violent, frondeur et froid très proche des origines par certains aspects, éloigné par d'autres comme d'habitude avec ce groupe. En tout cas, en plus d'être très bon musicalement, prenant en termes d'ambiances et d'émotions, "The Humming Mountain" confirme que Gaahls Wyrd est très inventif et qu'il ne sert à rien de l'attendre sur un terrain précis. "The Sleep" termine cette petite demi-heure par un retour à quelque chose de bien plus calme, contemplatif et presque serein. Les puristes en seront une fois de plus pour leurs frais et les autres se délecteront de la musique d'un groupe décidément très singulier. Le maître d'oeuvre a visiblement laissé entendre que la pandémie allait lui permettre de retourner très vite en studio pour s'occuper du prochain album, ce qui laisse encore espérer d'autres surprises et un voyage tout aussi dépaysant.
Un mini album qui prouve une fois de plus que Gaahls Wyrd est aussi doué que surprenant ! Black metal, dark folk, ambiances éthérées ou inquiétantes, on passe de l'un à l'autre sans jamais se perdre ni se demander ce qui se passe. "The Humming Mountain" se fait expérimental sans être ni incohérent ni inaccessible et bouscule allègrement les barrières pour mieux exprimer ce qu'il a à dire. Une réussite supplémentaire qui nous fait attendre de pied ferme un deuxième album sur lequel le groupe est déjà en train de travailler.
"GastiR - Ghosts Invited"
Note : 18/20
Après avoir régné sur le black metal, Gaahl (chant, Trelldom, Gaahlskagg, ex- Gorgoroth,
ex-God Seed, ex-Wardruna), de son vrai nom Kristian Espedal, nous offre le premier
album de son projet Gaahls Wyrd. Nommé "GastiR - Ghosts Invited", il est le résultat de
quatre années d’attente depuis la création du projet. Mais l’homme n’est pas seul : le
bassiste Eld ( Aeternus, Gravdal, Kraków, Malignant Eternal, Taake), le guitariste Lust
Kilman (Grimfist, Sahg, The Batallion, ex-God Seed) et le batteur Spektre (Harm,
Horizon Ablaze, Svartelder) l’accompagnent à la fois sur scène et sur l’album. Pour les
lives, il est également accompagné d’Ole Hartvigsen (guitare, Emancer, Kampfar) et
récemment Blasphemer (guitare, Aura Noir, Earth Electric, Twilight Of The Gods,
Vltimas, Mezzerschmitt, ex-Mayhem). Mais le mieux avec la musique, c’est encore de
l’écouter et surtout de la ressentir.
L’album débute sur "Ek Erilar", un titre à la fois calme, sombre, atmosphérique et angoissant.
Si le chant de Gaahl est un murmure à la limite de la saturation, l’homme hurle également
sur quelques passages bien choisis, ce qui donne une cohérence frappante avec les riffs en
arrière-plan et le blast effréné qui sévit depuis le début. Après cette excellente première
approche avec l’univers du groupe, "From The Spear" prend la suite. Beaucoup plus direct et
martial, ce morceau permet tout de même aux musiciens de placer légion d’harmoniques et
de sonorités glaciales. A nouveau, c’est un chant prenant et qui reste en tête qui est à
l’oeuvre, alors que sur "Ghost Invited" c’est une voix claire qui se perd parfois dans le néant
que le chanteur utilise. Jouant à nouveau la carte du contraste, une avalanche de blast
s’abat sur nous pendant le passage le plus calme du morceau. Plus lent mais tout aussi froid
et atmosphérique, "Carving The Voices" nous transporte littéralement dans un autre monde.
Malgré sa longueur, la composition nous happe et alterne entre chant clair, hurlements
lointains, complainte, le tout sur des riffs incroyables.
A peine remis du morceau précédent, "Veiztu Hve" nous replonge dans une ambiance
chamanique, voire même ritualistique, et l’envoûtement ne sera pas rompu avant la fin. La
guitare lead offre des sonorités qui flirtent avec un univers pagan, alors que les voix en
arrière-plan se développent seules jusqu’à "The Speech And The Self". Un blast sévère
introduit ce titre, qui sera finalement dans la même veine que le précédent. Les riffs sont
plus bruts, mais la voix a toujours ce côté enchanteur qui rebondit dans tous les sens
jusqu’au dernier moment. On revient sur un black metal rapide et incisif pour "Though And
Past And Past" ponctué des hurlements viscéraux que l’on connaissait au frontman depuis
des années. La basse est également très mise en avant sur ce morceau qui renoue avec un
son tranchant et noir, ce qui laisse au guitariste la possibilité de développer des
harmoniques rapides. Dernier morceau, "Within The Voice Of Existence" joue sur cet aspect
très pagan que le combo est capable de créer grâce à une combinaison de voix, mais
également des instruments au son clair. La saturation reviendra sur la fin, mais conservera
l’ambiance voulue.
Si Gaahls Wyrd nous a fait attendre pour son premier album, "GastiR - Ghosts Invited" est
une pièce de choix. Flirtant allègrement entre un black metal bestial et un folk / pagan
atmosphérique, l’intensité est présente tout au long des huit titres qui le composent. Si sur
scène les Norvégiens jouaient essentiellement des titres des anciens groupes du frontman,
leur arsenal est à présent étendu et j’ai hâte de pouvoir l’entendre !
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