Le groupe
Biographie :

Née à Bruxelles en 96, Freaks est une formation rock electro à géométrie variable qui gravite principalement autour de la personnalité du leader Gian P. Marotta. Leurs productions étant toujours motivées par des rencontres, on les a vu croiser au fil du temps Jean-François Ruttens (EGO) pour un mini-album ("Providence") en 97, puis David Baboulis et Charlotte Maison (Soldout) pour l'album "Just A Boy" en 2005, masterisé au Studio Caraïbes avec Christine Verschorren. Cette dernière est toujours aux commandes pour ce nouvel opus, avec Greg Avau (Joshua) à la production. "Too Sensitive To Be Pure", le premier volet d'une trilogie à venir, sortira sur support vinyle dans son concept cinématographique entier, le CD ne reprenant que les 8 morceaux principaux. Un film inspiré de l'album, "The First, The Third And The Seventh", est également prévu.

Discographie :

1997 : "Providence" (EP)
2005 : "Just A Boy"
2012 : "Too Sensitive To Be Pure"


La chronique


C'est non sans une certaine nostalgie que j'aborde "Too Sensitive To Be Pure", qui me renvoie en pensées 7 ans en arrière, le jour où j'avais repéré Freaks parmi une quarantaine de groupes dans une salle qui, si elle avait tout d'une cathédrale, me paraissait encore trop petite pour contenir leur aura. Après un premier album rock electro à la pochette rouge passion qui avait affolé les critiques, ils reviennent là où on ne les attendait pas, avec une oeuvre reznorienne noire comme un polar. Friand des concept albums, le groupe nous invite cette fois à plonger en apnée dans les tréfonds d'une âme torturée, fragile en apparence, invincible en réalité.

...Play. Les claviers en ouverture, stridants comme des boîtes à musique auxquelles on aurait bouté le feu, ne sont que le premier spécimen de l'étonnante collection de bruits, de sons et de samples constituée pour produire cet OVNI à l'univers si marqué. Oubliez les plages instrumentales creuses et dispensables dont on vous a farci les conduits auditifs depuis trop longtemps : "Too Sensitive To Be Pure" est un des disques aux ambiances les plus travaillées et les mieux intégrées qu'il m'ait été donné d'écouter. Ici, les interludes révèlent l'histoire tout autant, si pas plus, que les chansons en elles-mêmes. Et pour peu que que vous compreniez les imprécations dans la langue de Dante qui jalonnent l'album, sachez que quand elles évoquent l'enfance violée, la famille qui se tait, Gian pourrait affirmer, comme Manson dans "Vodevil" (mais avec bien plus de sincérité) : "This isn't a show / This is my fucking life".

Maintenant que j'en ai fini avec l'écrin, laissez-moi vous parler des perles : les tracks principales. Leur ordre n'est pas innocent et joue sur une palette d'émotions vaste et versatile, chaque track amenant un contre-point par rapport à la précédente, le tout dessinant une ligne émotionnelle en dents de scie. La cyclothymique "Black Bird" ouvre la danse en mid tempo pour virer sur un final indus vraiment hardcore, et même sur le très dansant single "I'll Get Down", l'underground et la violence attendent toujours au tournant. Les guitares hurlent en roue libre, sur des beats lourds et physiques. Aux allergiques de la boîte à rythmes qui crieraient à l'hérésie, je répondrai d'aller se faire pendre ailleurs, tout simplement. Ou de reprendre de ces choeurs magistraux distillés tout au long de l'aventure, enregistrés avec une chorale d'une trentaine de personnes. Celle-ci prend toute son ampleur sur "Back To The Chuch", instrumentale lugubre qui amène la pièce maîtresse "Shocking", dose d'adrénaline pure en intraveineuse aux paroles scandaleuses, dotée d'un break drum'n'bass qui me fait disjoncter à chaque écoute en 3 petites secondes. Nous prenons ensuite de la hauteur avec "Earth" et son atmosphère éthérée, à écouter impérativement au casque pour en saisir toute la complexité, les arrangements réussissant le pari d'être très pensés mais tellement épurés à l'arrivée. De couplets lascifs en refrains heavy et entraînants, "Ordered" laisse place à "The Sun's Gone", incantation hypnotique qui illustre son titre à la perfection. Déjà, le trip se termine avec "Thoughtless", concentré de désespoir à l'orchestration cristalline, dont le texte n'est pas sans rappeler les errances d'un Cyril Collard dans Les nuits fauves.

Mais aussi sombre soit-il, on ne sort pas déprimé de ce disque. Il se finit si délicatement qu'il fait le lien avec le silence et nous laisse juste dans une certaine torpeur. Tant de rais de lumière dans cette obscurité, comme le jour qui filtre entre les barreaux d'une cellule, tant de subtilités à aller quérir comme des trésors au fil du temps, que je ne vous gâcherai pas votre plaisir en le décortiquant jusqu'à la moëlle. C'est un réel privilège de se laisser pénétrer par ce bijou d'anticonformisme, hermétique et précieux comme l'ultime chef-d'oeuvre d'un génie avant qu'on ne l'embarque pour l'asile. Follow the candyman, my friends !


Yael
Février 2012


Conclusion
Note : 18/20

Le site officiel : www.myspace.com/freakstunes