Amis contemplatifs, voici Felled, une formation qui va vous enchanter par sa capacité à mettre en musique la magnificence de Dame Nature. Tout droit venu de l’Oregon, un état zméricain très branché verdure, célèbre pour ses vastes forêts et ses montagnes, le quartet, qui respecte l’égalité des sexes avec deux de ses membres de sexe masculin et les deux autres de sexe féminin, propose un black metal plutôt poétique. On a du mal à penser que ce groupe nous vient des États-Unis tellement il y a un feeling particulier que l’on retrouve plutôt chez les Européens, en tous cas j’imaginais cette formation venir de Norvège ou de Scandinavie, elle bien loin dans le son des autres groupes black US. Autrefois nommé Moss Of Moonlight de 2010 à 2014, le combo s’est ensuite appelé Felled, qui veut dire abattu en français et s’est fait connaitre grâce à la démo "Bonefire Grit" sortie en 2017. C’est donc en 2021 que leur véritable premier album nous est proposé, long de 40 minutes pour 5 titres seulement.

Felled propose donc un black metal empreint de nostalgie poétique qui tend vers le pagan grâce à des lignes de violon omniprésentes mais qui, par ses structures qui s’étalent inlassablement, ajoute une dimension gothique à l’ensemble. Même si le poste de vocaliste est occupé par une dame, la voix est graveleuse et profonde, bien loin du cliché criard du black métal, se rapproche ainsi du courant doom / death. Bref, pour synthétiser, on peut considérer la musique de Felled comme étant du pagan gothic doom death black metal… Faisons simple à y être. Ainsi, on comprend aisément que "The Intimate Earth" n’est pas le genre de disque qui va emballer la communauté metal dans son ensemble, seulement une poignée d’entres vous sont aptes à apprécier ce mélange qui n’a jamais vraiment déchaîné les passions. Au niveau interprétatif, l’exécution est parfois un peu bancale, mais on ressent vraiment l’envie des musiciens de tout donner dans ce disque, et de ce fait, il y a une volonté sincère omniprésente dans cet opus. La production un tantinet garage et la batterie assez étouffée forment un bloc compact, un socle rigide, sur lequel vont se déposer de délicates mélodies de violon et des lignes de guitare en distorsion. Très introspectif, le chant laisse souvent sa place à de grands passages instrumentaux longs et dépouillés, ce qui laisse à l’auditeur la place de construire, par son imaginaire, des images évoquant de vastes pleines enneigées, des forêts au sein desquelles quelques flocons parviennent à toucher le sol ou encore les restes encore fumants d’un bûcher ayant permis à de frêles humains de se protéger momentanément d’un froid qui peut leur être fatal. L’album, écouté d’une traite, donne l’impression de n’être composé que d’un seul et même long morceau. Privilégiant les tempos médium, Felled se permet parfois de déclarer la guerre en envoyant des parties virulentes, nerveuses et rapides, chargées de haine et de noirceur. Ainsi, les quelques rares moments où la formation s’emballe créent la surprise et insufflent un dynamisme appréciable qui vient rompre avec une constante linéarité, omniprésente tout au long de l’écoute. Ces moments sont comparables, de manière diamétralement opposée, aux passages plus aérés, souvent interprétés à la guitare grâce à de magnifiques arpèges aussi doux que mélancoliques, comme sur l’intro de "Sphagnum In The Hinterland", encore un titre qui porte son attention sur la nature. Il faut savoir que Felled utilise son lieu de vie, la chaîne de montagnes Cascadia comme décors et source principale de mana pour alimenter sa musique.

Au terme du voyage musical, on ne reste pas insensible à l’expérience partagée avec Felled. Sceptique au départ, je me suis finalement laissé prendre au jeu, et même si pas mal d’éléments me perturbent, comme certains choix mélodiques que je trouve hasardeux, ou justement, le fait d’insister sur certains passages qui auraient mérité moins d’attention, au final, il se dégage une forme de plénitude tout au long de l’écoute qui est apaisante. Dans la veine d’un Saor ou d’un Fall Of Rauros, Felled développe un black metal teinté de touches modernes qui met l’accent sur le climat et la mise en musique de décors magnifiques. Très introspectifs, ce disque n’est pas celui qui va accompagner vos soirées sur Mario Kart, vos apéros de dégustation de bières belges ou vos trajets en bagnole après le boulot. Par contre, il est parfaitement taillé pour les balades en forêt, pour accompagner une activité apaisante ou tout simplement pour des trajets en bagnole longs, loin du stress de la ville, ces moments où on s’autorise à ne pas regarder que la route. "The Intimate Earth" est une fuite positive du monde moderne, un moment propice à l’introspection, ouvrez les chakras et laissez pénétrer le mana de Gaia pour soigner vos corps bourrés de toxines issues du monde moderne.