Ravagés par le décès soudain de Layne Staley en 2002, ou plus récemment dépités par l'annonce de la mise en "pause" (qui contre toute apparence risque de durer plus longtemps qu'une récréation) de Porcupine Tree, nous pouvons cependant enfin nous réjouir d'une heureuse et toute fraîche nouvelle : l'arrivée de "Kallisti", le nouvel album de EYE (Empty Yard Experiment).

Il faut avant toute chose souligner le travail de Maryam Farzami Fard sur cet artwork, en réalité inspiré des diverses interprétations de chacun des membres du groupes de leurs titres. Rentons immédiatement dans le vif du sujet. L'album contient 14 titres (si si, 14 !). EYE est généreux au travers de sa passion, et cet amour de la musique se transmet plus rapidement qu'une transfusion sanguine. Dès l'écoute du premier titre instrumental "Sunyata", la mélodie s'avère être magnifique et nous prend aux tripes. L'alliance du piano, des cordes profondes et mystérieuses, et des effets sonores parfaitement dosés nous plonge dans une ambiance indescriptible et pourtant complètement envoûtante.

"Greenflash" s'enchaîne parfaitement au son de ses FX, guitares et rythmes n'ayant rien à envier à la légendaire formation Porcupine Tree. Les plages aériennes purement instumentales apportent une légèreté tout simplement hypnotique, pour ne pas dire addictive, relevant d'autant plus le contraste de l'énergie rock toujours sous-jacente, qui ne tarde cependant jamais à ressurgir.

Inspiré de l'ancienne mythologie grecque, le terme "Kallisti" fait référence à la pomme de la discorde et tout l'album, dans une volonté conceptuelle, fait référence aux conflits et au chaos qui mène notre existence. Chaque titre s'enchâine à la perfection. Et si, idéalement, l'album est à écouter dans son intégralité en enlevant le mode "random" de votre lecteur, rien n'empêche de simplement savourer la beauté éphèmère d'un titre isolé.

EYE n'est pas pressé. Les musiciens savent prendre le temps de poser des ambiances, et connaissent assurément l'importance de s'approprier ces climats aériens au sein d'un album, qui plus est, se veut conceptuel. Les 6 '46 instrumentales du titre "The Blue Eyes Of A Dog" sont l'exemple parfait d'une mélodie simple et divinement bien modulée, qui évolue progressivement jusqu'à sublimement prendre son envol pour finalement attérir sereinement pendant que nous sommes encore projetés dans l'atmosphère. "Entropy" et "God Has His Reasons" font parti des titres phares de l'album, au sein desquels l'énergie du rock reprend ses droits, mais toujours en conservant cette saveur atmosphérique prépondérante si chère à notre âme et à notre capacité à nous égarer au plus profond d'un rêve incertain et personnel. Les voix de "God Has His Reasons" sont magnifiques et possèdent une force mélodique d'une ampleur telle qu'elles donnent au morceau tout entier une dimension presque cosmique, laissant les instruments s'élever à travers une harmonie parfaite.

"Kallisti" est un tout. Un ensemble indissociable alliant intelligement et avec subtilité titres instrumentaux transitoires et morceaux plus longs et chantés, le tout présenté comme une offrande de Noël emballée et livrée avec amour dans un paquet cadeau soigneusement élaboré par le travail de Maryam Farzami Fard pour l'artwork et de Joshua F. Williams (Bruce Springsteen, Stevie Wonder) pour le son et la production. A vous procurer d'urgence.