"A Giant Bound To Fall"
Note : 16/20
Eternal Storm n’abandonne jamais. Créé en 2007 sous le nom de Death Valley, le groupe
sortira son premier EP en 2013, suivi d’un split l’année suivante, mais il faudra attendre
2019 et leur signature chez Transcending Obscurity Records pour écouter leur premier
album. En 2024, Daniel Maganto (guitare / basse, Cancer, Liquid Graveyard, Sacthu),
Jaime Torres (guitare / chant), Danny R. Flys (chant / guitare, Persefone) et Jonathan
Heredia (batterie, Thirteen Bled Promises, Eterna Penumbra, Aversio Humanitatis)
dévoilent "A Giant Bound To Fall", leur deuxième album.
Le groupe accueille un nombre impressionnant d’invités, parmi lesquels Sven de Caluwé
(Aborted), Dan Swanö (Nightingale, ex-Bloodbath, ex-Edge of Sanity…), Sergi
Verdeguer (Persefone), Jaboto Fernández (Nexus 6, Yskelgroth…), Gabriel Valcázar
(Cancer, Wormed), Rober Bustabad (Ruinas) ou d’anciens membres.
L’album débute par la très longue "An Abyss Of Unreason" qui nous présente tout d’abord une
introduction apaisante qui s’assombrit dès que les premiers coups de batterie nous
parviennent, avant de dévaster littéralement le paysage tranquille, ne laissant à la quiétude
que des bribes aériennes. Les riffs majestueux et les parties vocales rejoignent les vagues
furieuses qui s’écrasent régulièrement dans le tableau sombre, laissant par moments la
mélancolie revenir à elle entre deux déferlantes, puis le groupe rejoint "A Dim Illusion" pour
dévoiler des patterns accrocheurs et rythmés. Le morceau change presque de personnalité
en cours de route, plaçant des éléments beaucoup plus enjoués dans son voile dissonant
qui contrastent avec la base lancinante, que l’on retrouve aussi sur "There Was A Wall" et ses
harmoniques enchanteresses, vouées à s’enflammer naturellement. Le morceau est assez
fluide, laissant chaque élément renforcer la mélodie d’une manière ou d’une autre avant de
laisser place à "Last Refuge" et à sa rage immédiate, qui nous laisse tout de même entrevoir
quelques pointes de répit via du chant clair ou des leads planants.
On notera également des
parties vocales plus brutes qui alimentent à nouveau le contraste saisissant, notamment
avec les claviers vaporeux que le groupe utilise également sur "Eclipse", le titre le plus court,
qui prend la forme d’un interlude lénifiant avant d’adopter des influences shoegaze en nous
menant à "Lone Tree Domain", le morceau suivant. Les musiciens jouent à nouveau sur une
véritable opposition entre leurs différentes influences viscérales avant de rendre le mélange
brumeux et apathique où seule la batterie conserve sa touche énergique avant que "The
Sleepers" ne prenne la suite, développant une nouvelle fois l’approche douce mais
dissonante tout en conservant les cris bestiaux. "The Void" renoue avec les déchaînements
de fureur vifs que les musiciens orchestrent sans mal entre deux vagues de quiétude
apaisantes, puis c’est avec "A Giant Bound To Fall", la composition éponyme, que l’album
touche à sa fin, tissant une dernière toile aussi mélodieuse que complexe et travaillée où
chaque élément trouve sa place en liant les autres.
On ne peut qu’être admiratif quant au travail d’Eternal Storm. Le groupe a mis à profit ces
années de silence pour donner à "A Giant Bound To Fall" une cohérence incroyable, laissant
chaque touche de rage compléter la quiétude et inversement. L’album reste très long, mais il
est surtout très riche.
"Come The Tide"
Note : 16,5/20
Les Espagnols d’Eternal Storm pondent enfin leur premier full length après un EP sorti en 2013, et un split en 2014 avec trois autres groupes chez Elemental Nightmares, aujourd’hui, c’est Transcending Obscurity Records qui récupère dans son écurie le jeune poulain fougueux. "Come The Tide" est un disque de death mélo assez actuel qui flirte pas mal avec le black mélodique, immédiatement dès la première écoute on sent que le truc a vachement été travaillé et le metal d’Eternal Storm se trouve être à la fois léché et bien pensé.
Le groupe entreprend une démarche assez progressive et intimiste, avec des titres relativement longs, on a même droit à un petit solo de sax’ manière de démontrer une certaine ouverture d’esprit sur "Through The Wall Of Light Part II". N’y allons pas par quatre chemins, ce qui fait la qualité de "Come The Tide" est aussi ce qui peut faire son défaut principal. En clair, le groupe mise tout sur l’aspect mélodique, avec du chant clair, des harmonies de guitares quasi omniprésentes, des arpèges de guitare sublimes et introspectifs et des nappes de claviers qui ajoutent une couche supplémentaire de sirop pour la toux. En effet, les titres s’étirent et développent des climats profonds et intimistes, mis en valeur par une production moderne, assez froide mais plutôt efficace. Le traitement du son possède une grande importance, des échos, réverbes, et autres filtres ajoutent de la dimension à une musique interprétée au poil de fesse. Du début à la fin, ça joue carré, nos Espagnols qui semblent attirés par le côté nordique du metal restent très pro du début à la fin, ça tartine grave à la batterie et le chant guttural aux sonorités doom / death, profond, apporte à la fois de la force et du caractère aux compositions. Eternal Storm est moderne dans le son et la façon d’amener les mélodies et les riffs, mais reste assez traditionnel dans sa manière d’agencer les structures des morceaux. Très clairement, on ressent quelques accointances avec Paradise Lost, Dark Tranquillity, Cult Of Luna, Anathema ou encore Katatonia. Une certaine sensibilité pop reste omniprésente durant la totalité du disque, même si l’ensemble sonne carrément plus metal, en effet, le groupe est capable d’envoyer des grosses salves menaçantes et teigneuses comme sur le titre "The Mountain". On se retrouve assez souvent tout de même avec cette recette éculée, à savoir, riffs puissants, passage atmosphérique, riff puissant, moment ambiant, bref, cette alternance caractéristique qui permet la "relance facile", cette fameuse astuce qui marche bien est ici une composante sine qua non de "Come The Tide".
Eternal Storm sort l’artillerie lourde pour son premier longue durée. Gros son, belle production, une flopée d’invités également viennent pousser la chansonnette sur ces subtiles compositions, ce disque a tout pour plaire. En revanche, n’attendez aucune révolution du genre durant l’écoute du skeud, car, malgré tous ces bons éléments qui le composent, pas mal de passages paraissent longuets et pas forcément nécessaires. De plus, le fait que la pluparts des morceaux œuvrent dans un registre de tempos assez similaires ajoute un poil de monotonie, mais bon, il y a quand même une sensibilité doom assez affirmée, donc le paramètre de la "pulsation constante" semble légitime. Hormis ces quelques points noirs, "Come The Tide" est un très bon premier album, qui, je pense, ne plaira pas à tous. Les fans de mélodeath de l’époque risquent de trouver les sons trop actuels, et les fans des productions actuelles vont reprocher l’aspect structurel pas suffisamment "catchy", Eternal Storm ne cherche pas à faire des hits, ce groupe vous propose un voyage introspectif, et ça vaut le coup d’essayer.
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