Le groupe
Biographie :

Eternal Majesty est un groupe de black metal parisien formé en 1995 (anciennement Enchantress Moon) et actuellement composé de : Sagoth (basse / End Of Mankind, ex-Antaeus, ex-Reverence, ex-Ancestral Fog, ex-Aosoth), Thorgon (batterie / ex-Antaeus, ex-End Of Mankind, ex-Hell Militia, ex-Deviant, ex-Aosoth), Martyr (guitare / ex-Atrox) et Navint Alfius (chant / ex-Deviant). Eternal Majesty sort son premier album, "From War to Darkness", en 2003 chez Battlesk'rs Productions, suivi de "Wounds Of Hatred And Slavery" en Octobre 2006 chez Candlelight Records, et de "Black Metal Excommunication" en Décembre 2020 chez Those Opposed Records.

Discographie :

2003 : "From War To Darkness"
2005 : "Night Shadows" (EP)
2006 : "Wounds Of Hatred And Slavery"
2008 : "Unholy Chants Of Darkness" (EP)
2020 : "Black Metal Excommunication"


La chronique


Attention de ne pas confondre Eternal Majesty avec Infernäl Mäjesty, le groupe de thrash canadien, vous risqueriez d’avoir des surprises. Eternal Majesty, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un groupe de black metal parisien actif depuis 1995. Après plusieurs démos et splits, ces mecs en noir nous ont pondu un premier album puissant et sauvage, sans compromis sorti chez Battlesk’rs Productions, label ultra spécialisé dans le black, puis, suite à un court passage chez Candlelight, nos Français en corpse paint sortent aujourd’hui "Black Metal Excommunication" chez Those Opposed Records, label de …And Oceans, Borgne, N.K.V.D. et j’en passe. Rétrospectivement, lorsqu’on regarde un peu le parcours d’Eternal Majesty, on se rend compte qu’ils sont responsables de trois albums sortis sur trois labels en 25 ans de carrière… Bon ok je compte pas les splits et les démos mais bon, il semblerait qu’ils entretiennent des rapports distanciés avec le business nos blackeux nationaux. "Black Metal Excommunication" est donc leur nouveau méfait, et le nom de cet album en dit long sur leur situation. En effet, une excommunication, en gros, c’est l’exclusion d’un groupe constitué, et ce titre laisse planer le doute, à l’heure ou le black metal engendre des hybridations qui feraient se tourner notre bon vieux Euronymous dans sa tombe. Fans de Blackgaze et consorts, si vous voulez entendre ce qu’est le black metal dans son essence la plus stricte, plongez-vous dans ce nouvel opus d’Eternal Majesty parce que là, on touche à la nature du style, et la scène française a toujours su assimiler et traduire avec respect et fidélité les codes de cet art sonore sombre et glacial.

Attention, cet album se démarque des précédentes réalisations de la troupe démoniaque par l’usage de nombreux claviers et nappes de sons, Ce tournant avait été amorcé sur "Wounds Of Hatred And Slavery" mais sur ce nouvel opus, c’est encore plus flagrant. L’amateur de black guerrier qui ne jure que par Marduk ou Infernal War risque d’être sensiblement décontenancé, justifiant que l’usage de synthétiseurs n’est pas trve, mais il faut admettre qu’une grande partie du style s’est forgé grâce à cet élément-là, permettant de rendre la musique encore plus imagée. Ceux qui ont fait de l’ombre au metal noir sont tous les trendies qui se sont jetés sur l’occasion en montant des groupes sans envergure, ce qui est loin d’être le cas ici, tant le metal de la formation parisienne transpire la sincérité. "Black Metal Excommunication" joue à fond sur l’usage des sons, des nappes et des ambiances et façonne un univers sonore incroyablement riche, où le médiéval et l’occulte côtoient le fantastique et le surnaturel. "L’Appel De Neptune / Eternelle Majesté", grand voyage de 9 minutes, donne le ton avec sa longue introduction dont les sonorités macabres se mélangent à un beat discret étrangement technoïde pour foutre le malaise. Une ambiance envoîtante qui rappelle donc le black des années 90 à synthé se dévoile, arpèges de guitare magnifiques et claviers païens, il y a du Bathory là derrière, celui de "Blood Fire Death", mais aussi le Dimmu de "Enthrone Darkness Triumphant" et toutes ces perles mélodiques qui ont fait la renommée du black : Old’s Man Child, Limbonic Art ou encore Blut Aus Nord. On ne voit pas passer le temps tellement Eternal Majesty remodèle sa musique pour la rendre toujours plus prenante. Les claviers rappellent aussi parfois Faith No More et les mouvements les plus lents éloignent le groupe du black pour l’amener vers d’autres terrains, plus populaires.

Autre détail non négligeable, c’est l’usage du français sur tous les titres du skeud, une exclusivité chez Eternal Majesty. "Excommunication", le track suivant, renoue avec le metal noir, notamment par ce mid-tempo envoyé dès le début, soutenu par une grosse caisse régulière. La musique avance inexorablement, portée par des nappes de claviers et ce chant, toujours plus blasphématoire et cru. Ce morceau porte avec lui une mélancolie omniprésente, et de par sa structure plus linéaire, surtout vers la fin, ce sont de grandes forêts entourant de vieux vestiges, des grandes plaines qui s’étendent aux pieds de montagnes ancestrales balayées par la neige qui se dessinent dans notre esprit. On y est, on s’y croit vraiment. "Les Damnés", plus thrashy et heavy, dénote un peu. Plus accessible, ce titre fait la part belle aux arpèges mélancoliques, le format est presque pop, mais pas dans le sens grossier du terme, vous l’aurez compris. Des sons viennent ajouter une touche fantomatiques à l’ensemble, cela fait penser à Diabolical Masquerade, hormis le chant qui se trouve être moins black. "L’Aube Sanglante", instrumental, s’articule autours de sons morbides, glaciaux, des chants de guerriers ayant subit le trépas de la guerre se font entendre en échos morbides. Cet interlude ne gâche en rien la progression de l’album, bien au contraire. La transition en douceur continue avec "Aux Portes Du Temple Noir", dont l’intro teintée de poésie romantique lugubre ancre encore plus l’auditeur dans une noirceur qui stimule nos pensées les plus négatives. Très lourd, ce titre enfonce le clou de par son pessimisme, porté par un chant torturé et schizophrénique qui gerbe son désespoir porté par un besoin d’autodestruction irrépressible. Tout en progression, le titre s’intensifie et termine en apothéose, à grand renfort de nappes synthétiques et de guitares mélodiques. En guise de conclusion, "L’Appel De Neptune (Part II)" nous invite à voyager dans le temps, grâce à une instrumentation qui semble s’inspirer des vieux péplums. Nous sommes vraiment dans la musique figuraliste, c’est bien composé, et on se laisse embarquer dans le délire sans trop de contrainte.

"Black Metal Excommunication" est une réussite, comme à son habitude, le groupe ne cherche rien, se laisse frapper par l’inspiration, pond un album excellent avant de rentrer à nouveau dans une période hibernatoire dont la durée est indéfinie. Cette nouvelle œuvre musicale, 14 ans après "Wounds Of Hatred And Slavery", propose un black metal encré dans les années 90, mais qui sonne paradoxalement très actuel. Cela est dû à son côté musique de film, car le skeud est ponctué de moments où l’ambiance prime sur le riffing, sans pour autant délaisser cette haine et ce pessimisme qui rattachent la musique d’Eternal Majesty aux arcanes du black metal. La troupe maléfique surprend de par ce virement stylistique, délaissant les aspects les plus crus des précédentes réalisations pour s’engager avec une nouvelle approche plus axée sur les ambiances. Ce disque est une bouffée d’oxygène, il remet les pendules à l’heure en nous soumettant un disque fidèle aux racines, à la fois créatif et brut, sans fioritures, sans courbettes, mais somptueux par ses arrangements musicaux et sa mise en œuvre.


Trrha'l
Juillet 2021


Conclusion
Note : 18/20

Le site officiel : www.facebook.com/eternalmajestyblackmetal